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conditions dans lesquelles les femmes connues, dans les limites de ces stations, pour se livrer à la prostitution, seraient soumises à des visites sanitaires et à des obligations de traitement.

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L'acte de 1866 contenait l'article suivant:

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ART. 13. Si, par déclaration assermentée, le surintendant de police fait connaître à la justice qu'il a de bonnes raisons pour " croire qu'une femme, qu'il désignera nominativement, même si elle réside dans un rayon de cinq milles en dehors de ses limites, " est une prostituée publique et si, depuis moins de quatorze " jours, elle est venue dans ces localités dans un but de prostitution, le juge de paix peut, par l'intermédiaire du surintendant " de police, adresser à cette femme une citation ou un ordre de " comparution. "

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L'article 16 dit: Le juge peut ordonner que cette femme soit "soumise à un examen sanitaire périodique pour un temps qui " ne devra pas dépasser une annee. "Cet Acte de 1866 s'appliquait à Woolwich, Aldershot, Chatham, Sheerness, Portsmouth et Devonport, toutes stations navales ou militaires : il fut en vigueur dans ces stations de 1869 jusqu'à 1883.

Très peu de temps après la mise en vigueur de ces actes, des réclamations se produisirent de tous côtes. On allégua qu'ils étaient contraires à l'esprit des lois ordinaires du Royaume-Uni.

On affirma qu'en France les mêmes lois n'avaient pu prévenir les maladies vénériennes et que l'Acte de 1866 serait aussi futile, parce qu'on examinait les femmes seulement et qu'on laissait les hommes infecter les femmes, sans punition aucune.

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En 1869, une Association fut fondée contre les Actes les fondateurs de cette association étaient, Dr Bell Taylor, Dr J. Chapman, Dr C. R. Drysdale et M. Charles Bradlaugh, plus tard député pour Northampton.

Cette Ligue était présidée par M. Stansfield, ancien membre du Gouvernement, et sa branche féminine le fut par Mme Joséphine Butler, aidée dans son action par une foule de dames riches et zélées, qui défendaient la liberté de leur sexe.

Une Société, dont M. Berkeley Hill était le sécrétaire, fut fondée en vue d'obtenir l'extension des Actes aux villes du Royaume-Uni. Plusieurs médecins et membres du Parlement appartenaient à cette Société.

La Société contre les Actes recourait à l'éloquence, à la persua

sion et aux menaces. Des conférences eurent lieu partout, sous les auspices de M. Stansfield, de Mme Butler, et de personnes de grande éloquence; elles affirmaient que les maladies contagieuses étaient plus répandues depuis les Actes parce que les femmes ne voulaient plus se soumettre aux examens sanitaires.

D'autre part, les prôneurs des Actes dirent que la raison de leur insuffisance résidait dans le fait qu'ils n'étaient en vigueur que dans un petit nombre des villes d'Angleterre. Ils réclamaient une nouvelle loi, soumettant toute la population au système parisien. Après des discussions sans fin, et quelques débats dans les Chambres, le Parlement britannique finit par abolir les Actes de 1866-1869 dans sa séance de juin 1886.

Il n'est pas probable qu'on tente de renouveler les lois de 1866-1869, car l'opposition est trop forte; les femmes de même que les penseurs les plus éminents d'Angleterre, entre autres feu M. J. S. Mill, se sont prononcé contre eux. Le Dr Balfour, qui était à la tête de "The Army Medical Board", affirmait devant la Commission royale que ce n'était pas la peine de tâcher de prévenir la blennorrhagie non plus que les ulcères non suivis des symptômes secondaires. Seule, la syphilis devait faire l'objet de mesures prophylactiques. Mais, on sait qu'à Paris, selon Mauriac, les examens sanitaires des femmes ont eu pour résultat de répandre la syphilis et d'agir seulement sur la quantité d'ulcères simples observée.

Un pareil fait a été observé parmi les soldats en Angleterre. Voici la statistique des cas de syphilis par 1,000 soldats :

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Cette statistique montre que les Actes de 1866-1869 ont rendu les cas de syphilis plus communs qu'autrefois. Non seulement la syphilis, mais aussi la blennorrhagie devinrent plus fréquentes parmi les soldats anglais, pendant les années durant lesquelles ces Actes furent en vigueur, que depuis leur abolition. En 1882, la dernière année des Actes, le nombre des admissions hospitalières pour maladies vénériennes fut, par mille soldats, de 246. En 1893, le nombre en était tombé à 194 : en 1894, à 182, et en 1896, à 178 par mille sans l'intervention d'aucune mesure sanitaire. Lord Salisbury a dit récemment que l'Angleterre était le pays le moins réglementé du monde; et le Bureau des mœurs a pour la réglementation un penchant que le Royaume-Uni ne peut tolérer.

L'ÉTAT ACTUEL DES MALADIES VÉNÉRIENNES EN
ANGLETERRE EN 1899.

L'état actuel des maladies contagieuses vénériennes en Angleterre, Écosse et Irlande peut être jugé par les faits suivants : M. Waring, rapporteur en chirurgie à l'hôpital Saint-Bartholomew à Londres, m'écrivait le 13 mars 1899: Présentement, il " n'existe pas de lits ici pour les vénériens. Nous ne possédons pas "la statistique du nombre de vénériens qui se trouvent parmi les "malades externes en chirurgie. Il y avait, en 1867, 56 lits pour femmes vénériennes et 25 pour hommes.

M. le Dr Fagge, rapporteur en chirurgie du Guy's hospital à Londres, m'écrivait le 9 mars 1899: Je ne possède aucune statistique sur le nombre de vénériens compris parmi les "malades externes en chirurgie: mais je pense qu'à peu près la "moitié de ces malades sont vénériens. Il n'y a pas de lits pour " vénériens à Guy's hospital. " (En 1867 il y avait 56 lits.) " Les cas "de syphilis primaires ou secondaires ne sont pas admis à Guy's hospital. J'entends qu'en 1899 les cas vénériens sont moins " sévères qu'en 1867; parce qu'ils sont mieux diagnostiqués et " : traités et, aussi, parce que l'hygiène de la ville de Londres. " a été très améliorée. Il y a quelques rares cas de phagédénisme, et un peu plus de lésions graves des os de même, parmi les femmes, il y a des cas graves d'inflammation des organes " génitaux causés par la blennorrhagie. "

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M. le Dr Harold Hart m'écrivait, le 9 mars 1899, du London Lock(vénérien) hospital où il est Resident Medical Officer: En 1897, il y avait 120 lits dans cet hôpital pour femmes et 694 malades externes. En 1898, 120 lits et 621 malades.

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En 1897, il y avait 27 lits pour hommes, et 283 malades. En 1808, 27 lits, et 308 malades.

"En 1898, les malades externes du. Lock-hopital, étaient au nombre de 19,836 mâles et 5,473 du sexe féminin, soit 25,314 en tout.

Il semblerait résulter de ces faits, qu'à Londres il n'y a pas de lits pour vénériens dans les hôpitaux, si ce n'est dans le Lockhôpital et les Workhouse Infirmaries, c'est-à-dire les hôpitaux attachés à Londres, aux maisons des pauvres.

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M. le Dr Fitz Gibbon, chirurgien du Lock-hospital de Dublin, m'écrivait le 26 mars 1899. Le Lock-hospital de Dublin contient "100 lits exclusivement destinés aux femmes; en moyenne, à peu près 70 à 80 lits sont occupés. Quelques rares cas de maladies " vénériennes sont admis dans les autres hôpitaux de Dublin: " mais il n'y a pas de salle qui leur soit spécialement affectée " si ce n'est au Stephen's-hospital qui contient 10 lits vénériens. En règle générale, la syphilis est moins sévère, mais elle est plus " répandue qu'en 1867. Je vois fréquemment des cas de rupia, de phagédénisme et de cachexie syphilitique; mais ces cas sont relativement beaucoup moins communs que dans la période précédente. La syphilis cérébrale est rare dans les hôpitaux de "Dublin. Je crois qu'on la verra dans les hospices d'aliénés. "

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11 est très rare de voir dans le Lock-hospital de Dublin des maladies de l'utérus dues à la blennorrhagie, si ce n'est lorsqu'elles ont été traitées dans les salles de gynécologie, et qu'on a "introduit des sondes dans la matrice.

"Il n'y a pas assez de lits pour les vénériens à Dublin, et trop peu de fonds donnés par l'État pour ce service. Les étudiants. " en médecine n'ont pas l'occasion d'étudier les maladies véné" riennes. "

M. le Dr Lowndes, chirurgien du Lock-hospital de Liverpool écrivait, en 1899, dans le British Medical Journal qu'il existe présentement un grand manque d'hôpitaux pour vénériens dans le Royaume-Uni. Dans tout le royaume, dit il, le nombre de lits affectés au traitement de ces maladies est moins grand que dans

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la seule ville de Paris. Les maisons des pauvres admettent quelques cas mais il faut être indigent pour y être admis. Il est impossible de dire quelle est l'extension de ces maladies dans la classe ouvrière; mais il est évident qu'en ce moment, en Angleterre, la prophylaxie des maladies vénériennes est négligée par les municipalités et par les Comités des hôpitaux, soutenus par la générosité des particuliers.

Il est à craindre que les idées de M. Solly, feu chirurgien de Saint-Thomas-hospital, ne soient partagées par le public anglais. Ce chirurgien, dans un débat sur ce sujet, exprimait l'opinion que, si la syphilis était l'objet de mesures préventives, la fornication serait universelle. Cette conviction inepte n'est pas rare parmi les dévots en d'Angleterre, le pays du puritanisme.

Cependant, il faut convenir que les maladies vénériennes sont moins répandues chez nous qu'on ne pourrait le supposer. Le Dr Bell Taylor, dans un discours sur les Actes de 1866-1869, rappelle l'examen des soldats du North York Militia effectué à Scarborongh en 1877 et 1880.

Sur six cent soldats examinés, on ne constata que deux cas de maladies vénériennes.

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Quand on examina le Queen's Own Staffordshire Militia en 1877, on ne releva que deux cas d'ulcères contagieux parmi neuf cent soixante huit soldats.

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Feu M. Acton, célèbre praticien de Londres, a écrit, dans son ouvrage sur la prostitution: "On peut pratiquer la médecine à "Londres pendant bien des années, sans acquérir l'expérience de , la maladie qui cause la destruction des os du nez. » M. Jonathan Hutchinson disait dernièrement que la syphilis est à présent moins sévère en Angleterre et aussi en Norwège. Les crânes syphilitiques sont des reliques du passé ainsi que les nez et les palais détruits. Les ulcères serpigineux sont rares. Les nodules sur le crâne et sur le tibia sont egalement rares. "

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Feu M. James Laue, ancien chirurgien du Lock-hospital de Londres, écrivait: Chaque homme d'expérience ne connait-il pas "bien des malades qui, ayant eu la syphilis dans leur jeunesse, " n'ont pas eu de récidive, et qui, s'étant mariés après quelque temps, ont produit des enfants parfaitement bien portants?"

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Mon expérience personnelle, à l'hôpital vénérien de la Rescue Society de Londres, m'a montre que la syphilis parmi les jeunes

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