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bourg, qui a fait éclorre le Traité en question? Mais les Puiflances du Nord n'ont aucun interêt à cette Paix, & au dépit qu'elle a caufé; il leur importe peu, fi c'eft fous la Mediation de l'Angleterre ou non, que l'Efpagne s'eft réconciliée avec l'Empereur, ni la chofe même, ni la maniere dont on l'a menagée, ne peuvent łui donner le moindre ombrage.

Vous vous

Paffons à la fuite du Mémoire. attendez fans doute, Monfieur, à voir le Miniftre Anglois étaler des raifons qui puiffent perfuader que la Suede ait quelque interêt à accepter la propofition qu'on lui fait; mais il faut qu'il n'en ait pas eu, puifqu'il n'en allegue point. Au lieu de cela, il fe donne beaucoup de peine à expofer celles que l'Angleterre a de rechercher la Suede fi foigneufement: Perfonne ne doute qu'elle n'en ait, & fon empreffement feul en fait juger.

L'unique chofe qu'il dit, & qui approche tant foit peu d'un argument perfuafif, confifte à prôner de nouveau, l'interêt que le Roi fon Maître prend au bonheur d'une Nation toû jours alliée étroitement avec l'Angleterre.

On avoue de grand cœur en Suede, & je l'ai déja remarqué que l'Angleterre a eu au-trefois l'attention dont le Miniftre fait un merite à fon Maître; mais c'étoit dans un tems où les vûes du Souverain & de fon Ministere, n'étoient ni differentes, ni contraires à celles de la Nation. Peut-on dire quelle l'ait à prefent, & qu'elle s'intereffe fincerement au bonheur de la Suede, lorfqu'elle pretend que cette Couronne entre par pure amitié, & contre fes veritables interêts dans des affaires qui ne la regardent ni de près, ni de loin; &

qu'elle

qu'elle prenne des engagemens capables de luf attirer toutes fortes d'embarras.

Cependant le Miniftre Anglois fe plaint amiablement de ce que la conduite de la Suede n'a pas encore répondu aux efperances de fon Maître: Mais pourroit-il le faire avec justice, à moins qu'il ne croie, qu'elle foit obligée d'entrer aveuglement dans tous les engagemens que Sa Majefté Britannique trouve bon de lui propofer, fans aucun égard à ce qui lui convient, ou ne lui convient pas. Elle n'entreprent pas de decider, fi le Traité en queftion peut offenfer quelqu'un avec raison ou non; il lui fuffit que d'autres Puiffances, dont elle a grand interêt de conferver l'amitié, y trouvent à redire, & en prennent ombrage. Elle cherche uniquement la Paix, comme je l'ai dit. Pour la conferver, elle évite foigneufement d'époufer les querelles d'autrui Elle a outre cela la fatisfaction d'être alliée à l'Angleterre, & ne comprend pas à quoi il ferviroit de faire alliance fur alliance: feroit ce qu'on eût l'intention en Angleterre de deroger par une feconde, aux obligations de la premiere, ou fe reprocheroit-on tacitement d'avoir mal obfervé celle de 1720. Sa Majefté Britannique s'y eft engagé par le XVI. Article, de ne pas feulement continuer en faveur de la Suede les fe cours qu'Elle y promet, jufques à ce qu'on ait mis le Commerce de la Mer Baltique fur le même pied où il étoit avant la Guerre, mais encore de porter fes Amis & Alliés, à contribuer par des Subfides & des Troupes auxiliares à réprimer, à dompter le Czar, (ad coercendum Czarum Ruffia, comme les termes du Traité le portent.) La Ceffion des Du

chés

chés de Brehmen & de Vehrden fut le prix de cette promeffe. Cependant le 5. Novembre (v. ft.) de la même année, ce Prince écrivit une Lettre au Roi de Suede, de faire la paix avec la Ruffie, le mieux qu'il pourroit, fe rapportant au refte à ce qu'en expoferoit Mr. Finch alors Miniftre de la Cour Britannique. Celui-ci commença par un grand detail des circonftances d'une Ligue qu'il affuroit avoir été faite entre l'Empereur, la Ruffie & la Po logne contre la Suede, dont l'évenement a montré la fauffeté ce qui devoit fervir de preambule à la declaration inopinée & furprenante, qu'il étoit impoffible au Roi fon Maitre de remplir fes engagemens avec fa Flotte feule.

Après ce bel exemple atrivé dans un temps, où les conjonctures paroiffoient bien autrement favorables qu'à prefent; doit-on être furpris que la Suede ait differé six mois à se declarer fur l'Acceffion; n'auroit on pas plûtôt lieu de l'être, fi Elle avoit voulu donner fans examen & tête baiffée dans les vûes qui ne tendent qu'à la brouiller avec ses Allies, & lui attirer des fâcheufes affaires.

On doit être d'ailleurs bien aife en Suede, que le Miniftre Anglois reconnoit en quelque façon l'obligation où eft l'Angleterre de faire de grandes & onereufes depenies, en cas que la Couronne de Suede fut expofée aux deffeins dangereux de fes Voifins. On fouhaiteroit feulement qu'elle les eut faites lorsqu'elle y étoit autant obligée qu'à prefent, & qu'il y avoit apparence que ces depences euffent pu tourner au bien de la Suede, & l'empêcher de devenir la proie de fes Ennemis. Le Roiau

me fe refervera auffi fans doute de les recla mer en cas de befoin, confiderant trop un fi bon Allié comme le Roi d'Angleterre, pour vouloir l'expofer à de grands fraix, hors de faifon & fans neceffité.

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Le Miniftre Anglois ne fe contente pas de s'être plaint amiablement du delai qu'on a apporté en Suede à l'Acceffion, il reproche en core à cette Nation d'avoir pris en attendant de nouveaux engagemena avec d'autres » Puiffances, qui, fi l'on en devoit juger par l'experience des tems paffez, n'ont ni les mêmes interêts, ni le même pouvoir, ni les mêmes inclinations de fecourir la Suede, » ce dont la Couronne de la Grande-Bretagne » avoit toujours été en poffeffion.

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Ce reproche eft auffi injufte que mal fondé : La Suede conclut l'année 1724. une Alliance Defenfive avec la Ruffie, fi innocente, que la France & l'Angleterre n'y ont jamais eu rien à redire. La premiere fut encore invitée de la part de la Suede & de la Ruffie, d'y acceder dans le tems que la Suede commençoit à employer conjointement avec Elle fes bons offices, pour menager une reconciliation entre le Roi de la Grande-Bretagne, & le Czar de Ruffie, afin de mettre par la Sa Majesté Britannique en état d'y acceder enfuite. Celle-ci en parut d'autant plus aise alors, qu'Elle cherchoit, avec empreffement par un autre canal de s'allier avec la Ruffie; dans cette vûe elle accepta l'offre que la Suede venoit de faire de fa Mediation, mais peu de tems après elle en remercia le Roi de Suede, croyant apparemment fa Négociation plus fure de l'autre côté. Cependant Elle manqua fon coup, parce que

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la Ruffie ne vouloit pas, au prejudice de fon honneur & de fes engagemens, facrifier les interêts d'un Prince innocent, & qu'elle infiftoit fur la reftitution de Son Alteffe Royale le Duc d'Holstein, plus fortement & plus pofitivement qu'il ne convenoit aux vûes & aux interêts de l'Electeur de Brunswick, qui craignoit fans doute qu'au bout du compte, il ne fut obligé à contribuer du fien à la fatisfaction qui devoit être procurée au Duc, s'étant engagé par fon Traité de 1715 avec le Dannemarck, d'en fournir la moitié. La Suede & la Ruffie inviterent en même tems l'Empereur. d'acceder au Traité qui venoit d'être conclu à Stokholm; & l'on en entama la Negociation d'abord à Vienne, qui auroit été terminée il ý a long-tems, comme elle vient de l'être, fi l'on avoit pû trouver plûtôt un expedient convenable à lever la difficulté, que le Titre de P'Empereur, fur laquelle la Ruffie infiftoit, fit naître.

Par tout ce que je viens de dire, chacun qui veut faire ufage de la raifon, peut comprendre avec combien de mauvaise grace le Miniftre d'Angleterre donne le nom de Nouveaux Engagemens à une Acceffion qui a été menagée depuis prefque trois ans, & qui ne dependoit plus, que de la pure volonté de l'Empereur, puifque la Suede ne pouvoit revoquer fon Invitation, il n'auroit dépendu non plus, que du Roi d'Angleterre d'en être, fi il avoit voulu fe montrer moins roide, & plus équitable fur l'article du Duc de Schleswic Holstein. Nôtre Miniftre n'a pas moins tort de decider, fi nettement, que les deux Cours Imperiales n'ont ni le même interêt, ni les Tome IV mêmes

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