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Dans l'après-midi du même jour une nouvelle fraycur vint s'emparer des esprits. Le département, sans cesse en rivalité avec la municipalité, cherchant toujours à la prendre en défaut; le département, qui avait sollicité le veto apposé sur le premier décret porté contre les prêtres; qui, sous le prétexte du respect des formes, applaudissait avec imprudence aux mesures qui heurtaient le peuple; le département accueille quelques avis qui lui montrent un rassemblement se portant encore au château : il s'empresse d'en instruire l'Assemblée : les députés se réunissent; on parle de dangers pour le roi; on propose des moyens.... Bientôt le procureur général syndic vient avouer que dans l'excès de son zèle il s'est livré à de fausses terreurs. La municipalité veillait le maire paraît à la barre ; : il annonce. << que le calme règne dans Paris, que toutes les dispositions sont prises pour maintenir la tranquillité, que les magistrats ont fait leur devoir, qu'ils ont été calomniés, mais qu'un jour sans doute on leur rendra quelque justice. »

La crainte, si prompte à se répandre. était parvenue au château le maire se rend auprès du roi. Voici le résultat de leur entrevue.

:

Entretien de M. le maire de Paris avec le roi le jeudi 21 juin 1792, huit heures du soir, en présence de deux officiers municipaux et d'environ soixante personnes.

Le roi. « Hé bien, monsieur le maire, le calme est-il rétabli dans la capitale? >>

Le maire. « Sire, le peuple vous a fait ses représentations ; il est tranquille et satisfait. >>

Le roi. « Avouez, monsieur, que la journée d'hier a été d'un bien grand scandale, et que la municipalité n'a pas fait pour le prévenir tout ce qu'elle aurait pu faire! »>

Le maire. « Sire, la municipalité a fait tout ce qu'elle a pu et dû faire ; elle mettra sa conduite au grand jour, et l'opinion publique la jugera.

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Le roi. « Dites la nation entière. »

Le maire. « Elle ne craint pas plus le jugement de la nation entière. »

Le roi. Dans quelle situation se trouve en ce moment la capitale ? »

Le maire, « Sire, tout est calme. »

Le roi. « Cela n'est pas vrai. »

Le maire. « Sire.... »

Le roi. « Taisez-vous. »

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Le maire. « Le magistrat du peuple n'a pas à se taire quand il a fait son devoir et qu'il a dit la vérité. »

Le roi. « La tranquillité de Paris repose sur votre responsabilité. »

Le maire. « Sire, la municipalité....

Le roi. « C'est bon; retirez-vous.

>>

Le maire. « La municipalité connaît ses devoirs; elle n'attend pas pour les remplir qu'on les lui rappelle.

Le lendemain furent publiées les deux proclamations qui suivent :

Municipalité de Paris. - Proclamation. - Du 22 juin 1792, an 4 de la liberté.

Citoyens, gardez le calme et votre dignité.

» Garantissez-vous des piéges qui vous sont tendus: on veut diviser entre eux les citoyens armés, les diviser des citoyens non armés.

« Couvrez de vos armes le roi de la Constitution; environnez de respect sa personne ; que son asile soit sacré!

Respectez, faites respecter l'Assemblée nationale et la majesté des représentans d'un peuple libre!

Ne vous rassemblez pas en armes; la loi vous le défend : » Cette loi vient d'être renouvelée.

» Dans les rassemblemens les plus innocens se mêlent toujours des mal intentionnés.

» La loi réprouve toute violence; et vous avez confié à vos magistrats l'exécution de la loi.

» Montrez-vous digue de la liberté, et souvenez-vous que les peuples les plus libres sont les plus esclaves de leurs lois. Signé PETION, maire; DEJOLY, secretaire greffier. »

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Proclamation du roi sur les événemens du 20 juin. 22 juin 1792, an 4 de la liberté.

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» Les Français n'auront pas appris sans douleur qu'une multitude égarée par quelques factieux est venue à main armée dans l'habitation du roi a traîné du canon jusque dans la salle des ' gardes, a enfoncé les portes de son appartement à coups de hache; et là, abusant audacieusement du nom de la nation, elle a tenté d'obtenir par la force la sanction que Sa Majesté a constitutionnellement refusée à deux décrets.

» Le roi n'a opposé aux menaces et aux insultes des factieux que sa conscience et son amour pour le bien public.

» Le roi ignore quel sera le terme où ils voudront s'arrêter; mais il a besoin de dire à la nation française que la violence, à quelque excès qu'on veuille la porter, ne lui arrachera jamais un consentement à tout ce qu'il croira contraire à l'intérêt public. Il expose sans regret sa tranquillité, sa sûreté; il sacrifie même sans peine la jouissance des droits qui appartiennent à tous les hommes, et que la loi devrait faire respecter chez lui comme chez tous les citoyens ; mais, comme représentant héréditaire de la nation française, il a des devoirs sacrés à remplir, et s'il peut faire le sacrifice de son repos il ne fera pas le

sacrifice de ces devoirs.

» Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont besoin d'un crime de plus ils peuvent le commettre; dans l'état de crise où elle se trouve le roi donnera jusqu'au dernier moment à toutes les autorités constituées l'exemple du courage et de la fermeté, qui seuls peuvent sauver l'empire. En conséquence il ordonne à tous les corps administratifs et municipalités de veiller å la sûreté des personnes et des propriétés.

» Fait à Paris, le 22 juin 1792, an 4 de la liberté.

» Signé Lovis, et plus bas TERRIER. »

L'Assemblée avait renvoyé à l'examen de son comité des douze les motions et les pièces relatives à la journée du 20; le comité s'en occupa sans délai. Il jugea que cette affaire avait sa cause principale dans le refus de sanction à deux décrets qui importaient à la sûreté publique; de sorte qu'avant de présenter de nouveaux moyens il lui parut nécessaire d'interpeler le pouvoir exécutif, essentiellement chargé du maintien de l'ordre et de l'exécution des lois, de l'interpeler sur les mesures qu'il avait substituées ou qu'il substituerait aux mesures décrétées et non sanctionnées.

Dans la séance du 22 M. Guyton-Morveau proposa au nom de ce comité, et l'Assemblée décréta sans discussion, que les ministres seraient mandés le lendemain, et que le président leur adresserait ces paroles :

"

« Deux objets urgens et de la plus haute importance excitent en ce moment la sollicitude du corps législatif.

» Le premier est la nécessité d'arrêter les troubles excités par le fanatisme; le second est l'intérêt pressant de placer une armée de réserve entre les frontières et Paris.

>> Le roi est chargé par la Constitution de veiller à la sûreté générale de l'Etat : l'Assemblée nationale vous ordonne de lui rendre compte par écrit à sa séance de demain des mesures qui ont été prises pour y pourvoir.

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Les six ministres parurent devant l'Assemblée; mais ils répondirent à cette interpellation d'une manière peu satisfaisante, s'excusant sur le peu de temps qu'ils étaient au ministère, rejetant les succès des perturbateurs sur l'insuffisance du code pénal, cherchant tous à éluder la responsabilité collective, et surtout se justifiant du veto, qui appartenait au roi seul. L'Assemblée renvoya leurs différens rapports, ainsi que les nombreuses adresses et réclamations parvenues de tous les départemens, à la commission des douze, chargée de lui présenter enfin un tableau vrai de la situation de la France. (Voyez plus loin, Des dangers de la patrie. ),

A cette interpellation infructueuse faite aux ministres joignons un projet d'interpellation au roi dont son auteur, M. Isnard, attendait le plus grand effet; mais l'ayant fait précéder d'un très long discours, l'Assemblée ne l'écouta qu'avec impatience, et passa à l'ordre du jour : c'était plus d'un mois avant l'événement du 20 juin. M. Isnard dans son discours montrait les fautes de la cour, la juste inquiétude du peuple; il prévoyait une insurrection, et son projet avait pour but de l'éviter en faisant prendre à l'Assemblée l'initiative sur le peuple dans les demandes à faire au roi.

Projet d'interpellation nationale à faire au roi par le corps législatif, présenté par M. Isnard. (Séance du 16 mai 1792.)

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« Roi des Français,

Au moment où la guerre s'engage la nation veut avoir avec vous une explication franche et définitive.

» Nous vous entretiendrons de ce que le peuple a fait pour vous, de ce que vous auriez dû faire pour lui, et des dangers d'une conduite équivoque.

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Sire, la nature vous fit homme, le hasard de la naissance roi, l'ambition ministérielle despote. Vous régniez comme tel lorsqu'en 1789 la nation sort tout à coup d'un sommeil de plusieurs siècles, voit ses fers, s'en indigne, et veut les briser. Votre volonté s'y oppose : la noblesse vous seconde; on vous fait signer l'ordre d'égorger Paris : le peuple alors se lève, renverse le despotisme, détruit la noblesse, reprend sa souveraineté, et veut se donner une Constitution. A cette époque tous vos droits devinrent nuls; vous ne fûtes plus qu'un citoyen, jadis et provisoirement roi : cette ancienne royauté et celle de vos ancêtres n'étaient rien moins qu'un titre à la royauté nouvelle. Plus le peuple avait déjà fait pour vous et votre famille, plus vous lui deviez; mais moins il vous devait. La nation, ainsi souveraine et libre, ne se dissimula pas le danger de confier le sceptre constitutionnel aux mêmes mains qui tenaient la verge despotique, et qui venaient de l'en frapper; cependant son premier soin fut d'excuser vos torts, son premier sentiment de vous rendre sa confiance, son premier acte de vous replacer sur le trône. Vous fûtes peu sensible à tant de générosité, et dans les premiers jours d'octobre vous projetiez de nous fuir; le peuple, qui l'apprend, réclame votre présence à Paris, continue d'excuser vos torts, de vous traiter en roi. Votre cœur alors devait s'embraser de reconnaissance et de patriotisme; mais vous feignîtes ces sentimens ; et tandis que la France,

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