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» La loi réprouve toute violence; et vous avez confié à vos magistrats l'exécution de la loi.

>> Montrez-vous digue de la liberté, et souvenez-vous que les peuples les plus libres sont les plus esclaves de leurs lois. Signé PETION, maire; DEJOLY, secretaire greffier. »

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Proclamation du roi sur les événemens du 20 juin. Du 22 juin 1792, an 4 de la liberté.

» Les Français n'auront pas appris sans douleur qu'une multitude égarée par quelques factieux est venue à main armée dans l'habitation du roi, a traîné du canon jusque dans la salle des ' gardes, a enfoncé les portes de son appartement à coups de hache; et là, abusant audacieusement du nom de la nation, elle a tenté d'obtenir par la force la sanction que Sa Majesté a constitutionnellement refusée à deux décrets.

» Le roi n'a opposé aux menaces et aux insultes des factieux que sa conscience et son amour pour le bien public.

» Le roi ignore quel sera le terme où ils voudront s'arrêter; mais il a besoin de dire à la nation française que la violence, à quelque excès qu'on veuille la porter, ne lui arrachera jamais un consentement à tout ce qu'il croira contraire à l'intérêt public. Il expose sans regret sa tranquillité, sa sûreté; il sacrifie même sans peine la jouissance des droits qui appartiennent à tous les hommes, et que la loi devrait faire respecter chez lui comme chez tous les citoyens ; mais, comme représentant héréditaire de la nation française, il a des devoirs sacrés à remplir, et s'il peut faire le sacrifice de son repos il ne fera pas le sacrifice de ces devoirs.

» Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont besoin d'un crime de plus ils peuvent le commettre, dans l'état de crise où elle se trouve le roi donnera jusqu'au dernier moment à toutes les autorités constituées l'exemple du courage et de la fermeté, qui seuls peuvent sauver l'empire. En conséquence il ordonne à tous les corps administratifs et municipalités de veiller à la sûreté des personnes et des propriétés.

» Fait à Paris, le 22 juin 1792, an 4 de la liberté. » Signé Lovis, et plus bas TERRIER. »

L'Assemblée avait renvoyé à l'examen de son comité des douze les motions et les pièces relatives à la journée du 20; le comité s'en occupa sans délai. Il jugea que cette affaire avait sa cause principale dans le refus de sanction à deux décrets qui importaient à la sûreté publique; de sorte qu'avant de présenter de nouveaux moyens il lui parut nécessaire d'interpeler le pouvoir exécutif, essentiellement chargé du main⚫tien de l'ordre et de l'exécution des lois, de l'interpeler sur les mesures qu'il avait substituées ou qu'il substituerait aux mesures décrétées et non sanctionnées.

Dans la séance du 22 M. Guyton-Morveau proposa au nom de ce comité, et l'Assemblée décréta sans discussion, que les ministres seraient mandés le lendemain, et que le président leur adresserait ces paroles:

« Deux objets urgens et de la plus haute importance excitent en ce moment la sollicitude du corps législatif.

» Le premier est la nécessité d'arrêter les troubles excités par le fanatisme; le second est l'intérêt pressant de placer une armée de réserve entre les frontières et Paris.

» Le roi est chargé par la Constitution de veiller à la sûreté générale de l'Etat : l'Assemblée nationale vous ordonne de lui rendre compte par écrit à sa séance de demain des mesures qui ont été prises pour y pourvoir. »

Les six ministres parurent devant l'Assemblée; mais ils répondirent à cette interpellation d'une manière peu satisfaisante, s'excusant sur le peu de temps qu'ils étaient au ministère, rejetant les succès des perturbateurs sur l'insuffisance du code pénal, cherchant tous à éluder la responsabilité collective, et surtout se justifiant du veto, qui appartenait au roi seul. L'Assemblée renvoya leurs différens rapports, ainsi que les nombreuses adresses et réclamations parvenues de tous les départemens, à la commission des douze, chargée de lui présenter enfin un tableau vrai de la situation de la France. (Voyez plus loin, Des dangers de la patrie.)

A cette interpellation infructueuse faite aux ministres joignons un projet d'interpellation au roi dont son auteur, M. Isnard, attendait le plus grand effet; mais l'ayant fait précéder d'un très long discours, l'Assemblée ne l'écouta qu'avec impatience, et passa à l'ordre du jour : c'était plus d'un mois avant l'événement du 20 juin. M. Isnard dans son discours montrait les fautes de la cour, la juste inquiétude du peuple; il prévoyait une insurrection, et son projet avait pour but de l'éviter en faisant prendre à l'Assemblée l'initiative sur le peuple dans les demandes à faire au roi.

Projet d'interpellation nationale à faire au roi par le corps législatif, présenté par M. Isnard. (Séance du 16 mai 1792.)

« Roi des Français,

» Au moment où la guerre s'engage la nation veut avoir avec vous une explication franche et définitive.

>>

Nous vous entretiendrons de ce que le peuple a fait pour vous, de ce que vous auriez dû faire pour lui, et des dangers d'une conduite équivoque.

»

Sire, la nature vous fit homme, le hasard de la naissance roi, l'ambition ministérielle despote. Vous régniez comme tel lorsqu'en 1789 la nation sort tout à coup d'un sommeil de plusieurs siècles, voit ses fers, s'en indigne, et veut les briser. Votre volonté s'y oppose : la noblesse vous seconde; on vous fait signer l'ordre d'égorger Paris : le peuple alors se lève, renverse le despotisme, détruit la noblesse, reprend sa souveraineté, et veut se donner une Constitution. A cette époque tous vos droits devinrent nuls; vous ne fûtes plus qu'un citoyen, jadis et provisoirement roi : cette ancienne royauté et celle de vos ancêtres n'étaient rien moins qu'un titre à la royauté nouvelle. Plus le peuple avait déjà fait pour vous et votre famille, plus vous lui deviez; mais moins il vous devait. La nation, ainsi souveraine et libre, ne se dissimula pas le danger de confier le sceptre constitutionnel aux mêmes mains qui tenaient la verge despotique, et qui venaient de l'en frapper; cependant son premier soin fut d'excuser vos torts, son premier sentiment de vous rendre sa confiance, son premier acte de vous replacer sur le trône. Vous fûtes peu sensible à tant de générosité, et dans les premiers jours d'octobre vous projetiez de nous fuir; le peuple, qui l'apprend, réclame votre présence à Paris, continue d'excuser vos torts, de vous traiter en roi. Votre cœur alors devait s'embraser de reconnaissance et de patriotisme; mais vous feignîtes ces sentimens ; et tandis que la France,

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séduite par vos proclamations, applaudissait à votre bonne foi, on vous arrête fugitif à Varennes!

» Sire, ce n'est pas à Montiédi que s'est rendu votre frère, compagnon de votre voyage... Chez tout autre peuple la dé→ chéance eût vengé la fuite; en Angleterre on vous eût puni: la France, plus généreuse, s'est vengée par des bienfaits. A cette époque même elle vous a raffermi sur le trône et prodigué ses trésors; et, mitigeant en votre faveur l'acte constitutionnel autant que pouvaient le permettre les droits de l'homme, elle la présenté à votre acceptation: libre, vous avez juré devant Dieu et les hommes de le maintenir de tout votre pouvoir : est-il bien vrai que vous avez rempli cet engagement?

Depuis cette époque un plan de contre-révolution couvre la France et se ramifie dans les cours étrangères : qu'avez-vous fait pour conjurer cet orage? Votre langage fut toujours constitutionnel; mais les faits seuls méritent d'être appréciés.

"

» Vous auriez dû sévir contre une noblesse factieuse, et vous l'avez protégée en lui prodiguant presque toutes les places dont votre choix dispose.

I existe un clergé rebelle à la Constitution, et il est fonctionnaire dans votre église, d'où il souffle peut-être le schisme et le désordre.

>> Tous vos ministres devaient être d'un civisme irréprochable; cependant il en fut que la nation soupçonna d'aristocratie, de duplicité, et ce sont ceux-là que vous nous avez dit vous être les plus recommandables.

Des émigrés épuisent et menacent leur patrie : nous fai➡ sons des lois contr'eux; vous les rendez nultes.

» Des prêtres fanatiques tentent d'allumer la guerre civile : nous voulons les frapper; vous retenez notre bras.

» Des malveillans parcourent le royaume pour fomenter l'insurrection: l'intérêt public nous dicte une loi relative; vous en retardez deux mois la sanction.

» Votre velo ne peut être que suspensif; telle a été la volonté nationale; et vous l'étendez sur les décrets de circonstance, ce qui le rend absolu, vous permet d'entraver à volonté la machine politique, détruit le tribunal d'appel au peuple, et enchaîne la souveraineté nationale.

» Vous devez avoir de l'ascendant sur l'esprit des rois vos parens; et ce sont eux qui ont provoqué contre nous la conspiration des couronnes.

» Pour 'qui s'arment les cours ? Pour vous.

>>

Que nous demandent-elles? De vous rétablir despote.

*

» La guerre s'est déclarée; un plan d'attaque a été combiné sous vos yeux; et nos ennemis out agi comme s'ils l'avaient lu

» Tous ces faits, Sire, affligent et inquiètent la nation; elle craint qu'il n'existe dans votre cour même et à votre insu un foyer de contre-révolution; que l'on ait le projet de rendre la liberté odieuse au peuple, de mettre la nation aux prises avec tous les fléaux pour lui faire acheter la paix au prix de l'égalité. Que ces craintes soient fondées ou non, leur effet est funeste, et la nation vous conseille de les dissiper en adoptant sincèrement le parti de la révolution : vos souvenirs et vos préjugés s'y opposent; mais votre honneur l'exige, puisque vous êtes lié par des sermens; votre intérêt le commande, puisque ce n'est plus qu'à ce prix que vous pourrez régner en paix.

>>

>> Nous nous croirions coupables si nous tardions plus longtemps de vous faire connaître des vérités sur lesquelles on vous abuse. Vos courtisans vous disent que beaucoup de citoyens regrettent l'ancien régime, que les émigrés seront vainqueurs, que votre politique exige de ménager les deux partis, afin de régner tout puissant si l'aristocratie triomphe, et de rester roi constitutionnel si le peuple est vainqueur... Hé bien, sachez que tout le peuple brûle de civisme! Il existe, il est vrai, quelques hommes peu jaloux d'une égalité qui les blesse, mais assez vils pour ne pas la défendre; ils n'oseront la combattre; leur égoïsme nous répond de leur lâcheté.

» Sachez que les émigrés et leurs soutiens seront vaincus parce que les peuples sont plus forts que les armées, et que si la nation s'aperçoit que vous n'avez pas concouru à la victoire vous n'en partagerez pas le fruit.

» Mais supposons que les troupes étrangères fussent victorieuses; en seriez-vous plus heureux? Ne craignez-vous pas qu'alors les maisons d'Autriche et de Brandebourg fissent de la France ce qu'elles ont fait de la Pologne? L'alliance monstrueuse de ces deux cours rivales peut-elle avoir d'autre but? Sans doute elles ont promis d'être généreuses; mais vous savez que les promesses des rois ne sont pas toujours sacrées; que l'ambition des conquêtes est l'idole des princes, et surtout de la maison d'Autriche; que tout est trahison en diplomatie. D'ailleurs qui rembourserait les puissances des frais de la guerre et des avances faites aux émigrés? Ce ne serait pas les peuples, épuisés, mécontens, dénués de numéraire : il faudrait donc qu'elles se payassent sur le territoire des départemens du Nord. Si ce malheur arrivait les départemens du Midi, que l'on n'aurait pu vaincre, ne tenteraient-ils pas de jouir entre eux de la liberté? Que vous resterait-il alors? Ne seriez-vous pas un monarque sans états, un despote sans sujets?

»

Ce n'est pas tout: supposons même que l'empereur et le roi de Prusse, après avoir triomphé, ne voulussent que réta

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