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n'entreraient pas; mais l'Assemblée renvoya à sa commission des douze les différentes motions faites sur l'événement des Tuileries, ainsi qu'une lettre du roi et un rapport du ministre de l'intérieur ayant aussi cette circonstance pour objet. Voici le décret, puis la lettre et le rapport.

Décret du 21 juin 1792.

« L'Assemblée nationale, considérant que tout ce qui a l'apparcil de la force doit être écarté des corps délibérans, et qu'il est instant de rappeler ce prince, essentiellement lié aux bases de la Constitution et de l'ordre social, décrète qu'il y a urgence.

» L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que désormais, sous aucun prétexte que ce puisse être, aucune réunion de citoyens armés ne pourra se présenter à sa barre, défiler dans la salle de ses séances, ni se présenter à aucune autorité constituée. »

Lettre du roi ( 21 juin 1792.)

Messieurs, l'Assemblée nationale a déjà connaissance des événemens de la journée d'hier: Paris en est sans doute dans la consternation; la France les apprendra avec un étonnement mêlé de douleur. J'ai été très sensible au zèle que l'Assemblée nationale m'a témoigné dans cette circonstance. Je laisse à sa prudence de rechercher les causes de cet événement, d'en peser les circonstances, et de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la Constitution, et assurer l'inviolabilité et la liberté constitutionnelle du représentant héréditaire de la nation. Pour moi rien ne peut m'empêcher de faire en tout temps et dans toutes les circonstances ce qu'exigent les devoirs que m'impose la Constitution, que j'ai acceptée, et les vrais intérêts de la nation française. Signé Louis. Contresigné DURANTHON.

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Rapport du ministre de l'intérieur ( M. Terrier) sur la journée du 20 juin. (Séance du 21.)

Messieurs, je dois compte à l'Assemblée nationale, à la nation, des mesures que j'avais prises pour prévenir les excès. de la journée d'hier. Mon rapport ne consistera qu'en des faits; c'est ma correspondance avec le directoire du département. { Murmures.)

» Le 19 juin, instruit par différens rapports qu'il se prépa

rait dans plusieurs faubourgs de la ville des rassemblemens pour les jours suivans, j'ai écrit au directoire du département pour lui demander quelles étaient les mesures qu'il avait prises pour prévenir les rassemblemens. Si l'Assemblée l'exige je vais lui lire la réponse du département. (Non, non. Oui, oui, oui. Le ministre lit.)

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« A l'instant, monsieur, où nous avons reçu votre lettre » nous étions occupés à prendre les mesures nécessaires pour >> assurer la tranquillité publique, de concert avec M. le maire » et MM. les administrateurs de la police, que nous avons appelés au directoire. Nous avons pris l'arrêté dont nous joignons ici copie : nous l'envoyons sur le champ à la municipalité et au commandant général. Nous veillons à ce qu'il » soit promptement connu du public : nous vous prions de » vouloir bien en informer le aoi, et nous pensons qu'il serait » bon que vous le fissiez connaître à l'Assemblée nationale. »

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Messieurs, j'ai eu l'honneur d'en envoyer un double à » l'Assemblée le 19 au soir.

» Cet arrêté contenait en substance la défense de tout rassemblement armé. A six heures du matin j'ai reçu une autre lettre du directoire du département; je vais vous en donner également lecture :

>>

» Nous avons reçu, monsieur, cette nuit; de M. le maire et » de MM. les administrateurs de la police, la lettre que nous joignons ici, no 1. Nous n'avons point cru devoir adopter les » mesures qu'ils nous proposent; nous leur avons répondu par » la lettre dont la copie est ci-jointe, n° 2. Nous avons en » même temps écrit au commandant général pour recom» mander de nouveau à sa vigilance toutes les mesures qu'il jugerait nécessaires pour le maintien de la tranquillité publique. Nons n'avons pas dans ce moment-ci d'autres détails » sur les rassemblemens.; nous nous empresserons de vous >> informer successivement de tous ceux que nous recevrons. >>

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» Voici, messieurs, la lettre écrite au département le 20 juin, à minuit, par M. le maire et MM. les administrateurs de police :

« La municipalité et les administrateurs de police, instruits

> par différens rapports que des citoyens des faubourgs Saint» Marcel et Saint-Antoine marchaient en armes ; instruits que » des sections ont pris des délibérations à ce sujet pour autori» ser les commandans de bataillon à les conduire, les juges » de paix et les commissaires de police à les accompagner; » instruits enfin que les habitans des environs de Paris menaçaient de se réunir au cortége, a cru devoir réunir les com>>mandans de bataillon pour avoir d'eux des explications claires » et précises. Ils s'accordent à dire que les citoyens leur parais» sent dans les intentions les plus pacifiques, mais qu'ils tiennent >> avec la plus grande opiniâtreté à marcher en armes : ils s'appuient sur ce qu'ils y ont été jusqu'ici, et que l'Assemblée >> nationale les a bien reçus ; ils témoignent des méfiances, des >> craintes de marcher sans armes. Nous avons fortement insisté, » particulièrement auprès du commandant du faubourg Saint» Marcel et d'un commandant du faubourg Saint-Antoine : » ils nous ont répondu qu'il leur paraissait impossible de » vaincre l'opiniâtreté des esprits à cet égard.

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» Cette position, ainsi que vous le voyez, messieurs, est » très délicate. Ne pourrait-on pas prendre un parti tout à la » fois prudent, et qui se concilie avec la loi? Toutes les armes » doivent se ranger autour de la garde nationale : si les magis» trats autorisaient légalement les commandans de bataillon à » marcher en armes, alors tout rentrerait dans l'ordre, et les » armes fraterniseraient ensemble. Nous n'entendons pas que » les pétitionnaires puissent se présenter en armes à la barre » de l'Assemblée et chez le roi; ils paraissent convaincus dès >> ce moment qu'ils ne le doivent pas : nous soumettons ces ré» flexions à votre prudence. Nous vous prions de nous faire connaître promptement votre avis. »

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Voici la réponse du directoire :

» Nous avons reçu, messieurs, votre lettre du 20. Nous ne croyons pas pouvoir en aucune circonstance composer avec » la loi; nous avons fait le serment de la faire exécuter : elle » nous trace nos devoirs d'une manière impérieuse. Nous croyons devoir nous en tenir à ce que nous avons arrêté hier.

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» P. S. Nous recevons à cinq heures votre lettre; nous ne

»jugeons pas qu'elle doive nous faire changer les dispositions déjà prises.

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» A six heures du matin le directoire m'a écrit une autre lettre; la voici :

>>

»

D'après les rapports qui nous ont été faits par les officiers >> municipaux et par l'administration de la police, nous de»vons présumer qu'un des objets du rassemblement qui se projette par plusieurs citoyens des faubourgs Saint-Antoine, Saint-Jacques, Saint-Marceau, est de présenter au roi une » pétition dont on ignore le sujet : on dit qu'elle est rédigée en » termes peu modérés; on ajoute que les pétitionnaires étaient » d'accord de ne pas se présenter en armes pour la remise » de cette pétition. Nous avons cru ne pas devoir perdre un » moment pour vous transmettre ces renseignemens aussitôt qu'ils nous sout parvenus. »

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» Vers neuf heures je reçus des avis particuliers très pressans, qui annonçaient que ces différens faubourgs, réunis en armes, marchaient du côté de l'Assemblée nationale, et qu'ils disaient ‹tous que leur intention était de se porter en armes au château. J'ai sur le champ écrit au département la lettre suivante :

»Sans perdre un moment, faites marcher des troupes pour » la défense du château; les nouvelles m'apprennent que le danger est présent.

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>>

» Voici la réponse du directoire :

» A l'instant où nous recevons votre lettre, monsieur, nous » en faisons passer une copie au maire de Paris, au corps municipal et au commandant, en les priant de faire exécuter sur le champ l'ordre qu'elle contient. »

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Messieurs, à cette époque je me suis rendu au château : tout y a paru assez tranquille jusqu'à trois heures et demie ; à ce moment les portes ont été forcées. Nous nous sommes rendus auprès du roi, qui était presque seul dans ses appartemens ; il s'est avancé jusqu'à la dernière pièce qui précède la salle des gardes. Dans cet instant nous avons entendu un bruit considérable; on attaquait une porte de l'intérieur; des haches l'enfonçaient, lorsque le roi à donné l'ordre qu'on l'ouvrit : à l'ins

tant une foule immense de peuple s'est précipitée dans les appartemens. Le roi s'est placé dans une embrasure de croisée, où il a été entouré de plusieurs personnes ; sa vie a été mise en sûreté contre les dangers sur lesquels on ne pouvait pas être rassuré, car dans un grand rassemblement quel est celui qui peut répondre qu'un citoyen perfide ou un malheureux ne veuille faire porter un deuil éternel à la France!... (Murmures et applaudissemens.) Messieurs, je respecte trop mon pays et mes concitoyens pour ne pas croire qu'ils prendraient tous le deuil s'il se commettait un grand crime. (Applaudissemens d'une grande partie de l'Assemblée. })

» Un très grand nombre de membres de cette Assemblée ont vérifié par leurs yeux les effractions qui avaient été faites aux portes tant de l'appartement du roi que de celui du prince royal: le juge de paix en a dressé procès verbal. C'est à l'Assemblée nationale à prendre les mesures que sa prudence lui dictera, à remonter aux causes de cet événement, qui nous sont inconnues. J'ai été témoin des circonstances dont je vous ai rendu compte. M. Pétion est arrivé à six heures. D'autres rapports vous apprendront le reste quand vous le jugerez à propos, d'après les informations des juges, lesquelles vous seront communiquées si vous désirez qu'on vous les présente. Sans doute l'Assemblée dans cette circonstance montrera sa volonté pour le maintien de la Constitution. >>

La séance du 21 se termina par une discussion relative au veto; M. Couthon la provoqua. Après avoir rappelé les protestations de Louis XVI pour le bonheur du peuple, pour les vrais intérêts de la nation, l'orateur s'étonna que le roi eût précisément refusé sa sanction à des décrets qu'avaient essentiellement réclamés et la tranquillité publique et le maintien de la Constitution. M. Couthon demandait, ainsi que l'avait déjà fait M. Delcher (voyez tom. 8, page 228), que l'Assemblée examinât si les décrets de circonstances étaient sujets à la sanction. Sur la demande, ou plutôt sur les véhémentes représentations de MM. Ramond, Gentil, Quatremère, Théodore Lameth, Girardin, Pastoret, l'Assemblée décréta qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur la motion de M. Couthon.

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