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par différens rapports que des citoyens des faubourgs Saint» Marcel et Saint-Antoine marchaient en armes ; instruits que » des sections ont pris des délibérations à ce sujet pour autoriser les commandans de bataillon à les conduire, les juges » de paix et les commissaires de police à les accompagner; » instruits enfin que les habitans des environs de Paris mena

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çaient de se réunir au cortége, a cru devoir réunir les com>> mandans de bataillon pour avoir d'eux des explications claires » et précises. Ils s'accordent à dire que les citoyens leur parais» sent dans les intentions les plus pacifiques, mais qu'ils tiennent

avec la plus grande opiniâtreté à marcher en armes : ils s'appuient sur ce qu'ils y ont été jusqu'ici, et que l'Assemblée nationale les a bien reçus ; ils témoignent des méfiances, des >> craintes de marcher sans armes. Nous avons fortement insisté, particulièrement auprès du commandant du faubourg Saint» Marcel et d'un commandant du faubourg Saint-Antoine : » ils nous ont répondu qu'il leur paraissait impossible de » vaincre l'opiniâtreté des esprits à cet égard.

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» Cette position, ainsi que vous le voyez, messieurs, est » très délicate. Ne pourrait-on pas prendre un parti tout à la » fois prudent, et qui se concilie avec la loi ? Toutes les armes » doivent se ranger autour de la garde nationale : si les magis» trats autorisaient légalement les commandans de bataillon à » marcher en armes, alors tout rentrerait dans l'ordre, et les >> armes fraterniseraient ensemble. Nous n'entendons pas que » les pétitionnaires puissent se présenter en armes à la barre » de l'Assemblée et chez le roi; ils paraissent convaincus dès >> ce moment qu'ils ne le doivent pas : nous soumettons ces ré» flexions à votre prudence. Nous vous prions de nous faire connaître promptement votre avis. »

» Voici la réponse du directoire :

» Nous avons reçu, messieurs, votre lettre du 20. Nous ne » croyons pas pouvoir en aucune circonstance composer avec » la loi; nous avons fait le serment de la faire exécuter : elle nous trace nos devoirs d'une manière impérieuse. Nous croyons devoir nous en tenir à ce que nous avons arrêté hier. » P. S. Nous recevons à cinq heures votre lettre; nous ne

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» A six heures du matin le directoire m'a écrit une autre lettre; la voici :

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D'après les rapports qui nous ont été faits par les officiers municipaux et par l'administration de la police, nous de»vons présumer qu'un des objets du rassemblement qui se projette par plusieurs citoyens des faubourgs Saint-Antoine, Saint-Jacques, Saint-Marceau, est de présenter au roi une pétition dont on ignore le sujet : on dit qu'elle est rédigée en » termes peu modérés; on ajoute que les pétitionnaires étaient » d'accord de ne pas se présenter en armes pour la remise » de cette pétition. Nous avons cru ne pas devoir perdre un » moment pour vous transmettre ces renseignemens aussitôt qu'ils nous sont parvenus. »

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jugeons pas qu'elle doive nous faire changer les dispositions déjà prises.

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» Vers neuf heures je reçus des avis particuliers très pressans, qui annonçaient que ces différens faubourgs, réunis en armes, marchaient du côté de l'Assemblée nationale, et qu'ils disaient ‹tous que leur intention était de se porter en armes au château. J'ai sur le champ écrit au département la lettre suivante :

» Sans perdre un moment, faites marcher des troupes pour » la défense du château; les nouvelles m'apprennent que le

danger est présent. »

Voici la réponse du directoire:

» A l'instant où nous recevons votre lettre, monsieur, nous » en faisons passer une copie au maire de Paris, au corps mu

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nicipal et au commandant, en les priant de faire exécuter sur le champ l'ordre qu'elle contient. »

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» Messieurs, à cette époque je me suis rendu au château : tout y a paru assez tranquille jusqu'à trois heures et demie; à ce moment les portes ont été forcées. Nous nous sommes rendus auprès du roi, qui était presque seul dans ses appartemens ; il s'est avancé jusqu'à la dernière pièce qui précède la salle des gardes. Dans cet instant nous avons entendu un bruit considérable; on attaquait une porte de l'intérieur; des haches l'enfonçaient, lorsque le roi à donné l'ordre qu'on l'ouvrît: à l'ins

tant une foule immense de peuple s'est précipitée dans les appartemens. Le roi s'est placé dans une embrasure de croisée, où il a été entouré de plusieurs personnes ; sa vie a été mise en sûreté contre les dangers sur lesquels on ne pouvait pas être rassuré, car dans un grand rassemblement quel est celui qui peut répondre qu'un citoyen perfide ou un malheureux ne veuille faire porter un deuil éternel à la France!... (Murmures et applaudissemens.) Messieurs, je respecte trop mon pays et mes concitoyens pour ne pas croire qu'ils prendraient tous le deuil s'il se commettait un grand crime. (Applaudissemens d'une grande partie de l'Assemblée.)

» Un très grand nombre de membres de cette Assemblée ont vérifié par leurs yeux les effractions qui avaient été faites aux portes tant de l'appartement du roi que de celui du prince royal le juge de paix en a dressé procès verbal. C'est à l'Assemblée nationale à prendre les mesures que sa prudence lui dictera, à remonter aux causes de cet événement, qui nous sont inconnues. J'ai été témoin des circonstances dont je vous ai rendu compte. M. Pétion est arrivé à six heures. D'autres rapports vous apprendront le reste quand vous le jugerez à propos, d'après les informations des juges, lesquelles vous seront communiquées si vous désirez qu'on vous les présente. Sans doute l'Assemblée dans cette circonstance montrera sa volonté pour le maintien de la Constitution. »

La séance du 21 se termina par une discussion relative au veto; M. Couthon la provoqua. Après avoir rappelé les protestations de Louis XVI pour le bonheur du peuple, pour les vrais intérêts de la nation, l'orateur s'étonna que le roi eût précisément refusé sa sanction à des décrets qu'avaient essentiellement réclamés et la tranquillité publique et le maintien de la Constitution. M. Couthon demandait, ainsi que l'avait déjà fait M. Delcher (voyez tom. 8, page 228), que l'Assemblée examinât si les décrets de circonstances étaient sujets à la sanction. Sur la demande, ou plutôt sur les véhémentes représentations de MM. Ramond, Gentil, Quatremère, Théodore Lameth, Girardin, Pastoret, l'Assemblée décréta qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur la motion de M. Couthon.

Dans l'après-midi du même jour une nouvelle fraycur vint s'emparer des esprits. Le département, sans cesse en rivalité avec la municipalité, cherchant toujours à la prendre en défaut; le département, qui avait sollicité le veto apposé sur le premier décret porté contre les prêtres; qui, sous le prétexte du respect des formes, applaudissait avec imprudence aux mesures qui heurtaient le peuple; le département accueille quelques avis qui lui montrent un rassemblement se portant encore au château : il s'empresse d'en instruire l'Assemblée : les députés se réunissent; on parle de dangers pour le roi; on propose des moyens.... Bientôt le procureur général syndic vient avouer que dans l'excès de son zèle il s'est livré à de fausses terreurs. La municipalité veillait le maire paraît à la barre ; il annonce. « que le calme règne dans Paris, que toutes les dispositions sont prises pour maintenir la tranquillité, que les magistrats ont fait leur devoir, qu'ils ont été calomniés, mais qu'un jour sans doute on leur rendra quelque justice.

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La crainte, si prompte à se répandre. était parvenue au château le maire se rend auprès du roi. Voici le résultat de leur entrevue.

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Entretien de M. le maire de Paris avec le roi le jeudi 21 juin 1792, huit heures du soir, en présence de deux officiers municipaux et d'environ soixante personnes.

Le roi. « Hé bien, monsieur le maire, le calme est-il rétabli dans la capitale? »

Le maire. « Sire, le peuple vous a fait ses représentations ; il est tranquille et satisfait. »

Le roi. « Avouez, monsieur, que la journée d'hier a été d'un bien grand scandale, et que la municipalité n'a pas fait pour le prévenir tout ce qu'elle aurait pu faire! »

Le maire. « Sire, la municipalité a fait tout ce qu'elle a pu et dû faire ; elle mettra sa conduite au grand jour, et l'opinion publique la jugera. >>

Le roi.« Dites la nation entière. »

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Le maire. « Elle ne craint pas plus le jugement de la nation entière. »

Le roi. Dans quelle situation se trouve en ce moment la capitale ? »

Le maire. « Sire, tout est calme. »

Le roi.

Cela n'est pas vrai. »

Le maire. « Sire.... »

Le roi. « Taisez-vous. »

Le maire. « Le magistrat du peuple n'a pas à se taire quand il a fait son devoir et qu'il a dit la vérité. »

Le roi. « La tranquillité de Paris repose sur votre responsabilité. »

Le maire. « Sire, la municipalité.... »

Le roi. « C'est bon; retirez-vous.

Le maire. « La municipalité connaît ses devoirs; elle n'attend pas pour les remplir qu'on les lui rappelle. »

Le lendemain furent publiées les deux proclamations qui suivent :

Municipalité de Paris. - Proclamation. - Du 22 juin 1792, an 4 de la liberté.

• Citoyens, gardez le calme et votre dignité.

» Garantissez-vous des piéges qui vous sont tendus: on veut diviser entre eux les citoyens armés, les diviser des citoyens non armés.

« Couvrez de vós armes le roi de la Constitution; environnez de respect sa personne; que son asile soit sacré !

» Respectez, faites respecter l'Assemblée nationale et la majesté des représentans d'un peuple libre !

Ne vous rassemblez pas en armes; la loi vous le défend : » Cette loi vient d'être renouvelée.

» Dans les rassemblemens les plus innocens se mêlent toujours des mal intentionnés.

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