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rendue au château ; elle a trouvé partout le calme, partout elle a reçu les témoignages de respect qui sont dus aux représentans du peuple. Introduits dans la chambre du roi, nous avons trouvé Sa Majesté parfaitement calme; elle nous a dit qu'elle n'avait aucune crainte au milieu de son peuple... » (Une voix : Son peuple! Murmures.)

M. Becquey. Eh, messieurs, ce n'est pas là le moment de disputer sur les mots! » (Murmures.)

M. Foissey. « Cela signifie, messieurs, le peuple qui l'aime, et je désirerais que les personnes qui murmurent fussent capables de sentir tout le prix de cette expression. »>

Le membre de la députation. « Tout est parfaitement calme dans le château ; il n'y a plus que de la force armée, et nous n'avons vu en nous retirant aucun attroupement qui pût inspirer aucune crainte. Notre devoir est pourtant de ne pas dissimuler à l'Assemblée qu'il a été commis des violences dans l'intérieur du château ; nous avons vu trois portes fracassées, et les serrures enlevées. Voilà, messieurs, le compte que nous avions à vous rendre; voilà, messieurs, les seuls excès qui aient été commis. »

La municipalité de Paris est introduite à la barre; on l'applaudit à gauche et dans les tribunes, le côté droit la reçoit par des huées. Le maire porte la parole.

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M. Pétion. « Messieurs, je vous demande un moment d'indulgence; je n'ai pas eu le temps de mettre en ordre mes idées.

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On a eu, messieurs, quelques inquiétudes sur une foule assez considérable de citoyens qui s'est portée dans les appartemens du roi. Le roi, messieurs, n'en a pas eu, parce qu'il connaît mieux les Français; il sait combien depuis trois années entières sa personne a été respectée; il sait que les magistrats du peuple veilleront toujours à ce qu'on ait pour le roi de la Constitution le respect qui lui appartient. Les magistrats, messieurs, ont fait leur devoir; j'ose dire qu'ils l'ont fait avec le plus grand zèle; et j'avoue qu'il m'a été sensible et douloureux de voir des membres de cette Assemblée qui aient pu un instant en douter...:

Plusieurs voix à droite. « Et qui en doutent encore. (Murmures. A l'ordre, à l'ordre!)

M. Becquey. » Je n'ai rien dit, mais je déclare que je le pense. (Bruit, agitation; d'un côté l'on crie aux calomniateurs, de l'autre aux factieux.)

M. Pétion. « Il paraît que quelques personnes ne savent pas assez tout ce que la municipalité a fait. Je ne dois pas donner d'éloges à sa conduite; mais je puis pourtant dire qu'elle a rempli dans cette circonstance ses devoirs d'une manière qui ne méritait pas d'improbation. En effet, messieurs, la municipalité a été instruite cette nuit même qu'on se disposait à se présenter en très grand nombre tant à l'Assemblée nationale que chez le roi. Une pétition avait été présentée le 16; cette pétition n'avait pas été présentée sous la forme où elle devait l'être, et cela est peut-être la cause première de ce qui est arrivé. Les citoyens avaient demandé à se présenter en armes sans avoir spécifié qu'ils appartenaient à la garde nationale, qu'ils étaient d'un bataillon, et sans réquisition légale. De là, messieurs, il est arrivé que les magistrats du peuple ne se sont pas cru permis et n'ont pas cru pouvoir autoriser un rassemblement armé. Mais, messieurs, la chose a changé de face, et les citoyens qui se sont présentés tant à l'Assemblée nationale que chez le roi étaient des citoyens autorisés par une autorité constituée pour le faire, et ils pouvaient, non pas se présenter en armes, et ils ne l'ont pas fait, mais les bataillons étaient autorisés à se présenter en armes. Ces bataillons, ou du moins leurs chefs, se sont présentés, non pas à la municipalité, mais à la mairie; les chefs des bataillons nous ont dit: - Les intentions des citoyens sont bonnes; on peut être tranquille; mais les citoyens désirent marcher en armes ; ils regarderaient comme un déshonneur de ne pas marcher en armes : plusieurs ont déjà marché de cette manière; les autorités constituées les ont autorisés de marcher ainsi; ils ont été reçus au sein de l'Assemblée nationale; ils ont été bien accueillis alors. Quelle différence voulez-vous mettre entre eux et les autres citoyens? Ils nous ont dit et répété : Nous ne serons pas les maîtres d'empêcher ces citoyens de marcher en armes.-Alors une mesure très simple,

très légale, qui était en même temps très prudente, a été saisie; on a dit:-On peut autoriser les bataillons à marcher en armes, et alors tout rentrera dans l'ordre; les autres seront tenus de se ranger sous les bannières nationales, et seront sous la direction des chefs reconnus par la loi. Ainsi de cette manière tout se trouve concilié : les citoyens marchent légalement, et ne peuvent pas s'écarter parce qu'ils sont sous des chefs avoués.-Voilà ce qui a été fait, et je dis que cela est parfaitement conforme aux principes.

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» On a fait part de cette mesure au département, qui ne pas adoptée. A l'instant les officiers au département de police, avec le maire, ont pris toutes les précautions possibles, se sont conformés à la lettre qu'avait écrite le directoire, et sur cette mesure il n'était pas besoin de lui en déférer, parce que la municipalité a l'action directe sur la force publique; et quand la force publique fait une pétition, demande à la municipalité de marcher en armes, la municipalité a le droit de l'autoriser; pour mieux dire, la force publique ne peut pas faire de mouvement sans être autorisée par les magistrats. Plusieurs officiers municipaux se sont portés dans les faubourgs : là ils ont harangué les citoyens. Les citoyens ont dit : Nous ne formons pas un attroupement; vous savez quel est le but qui nous rassemble. Les commandans de bataillon demandent qu'on les requière, et nous marcherons sous leurs drapeaux.

» Déjà depuis quatre à cinq heures les citoyens étaient réunis en grand nombre; les commandans avaient disposé tout pour la marche : la municipalité a été assemblée; on a fait part des circonstances dans lesquelles on se trouvait. Je demande, messieurs, s'il y eût eu la moindre prudence à laisser mettre en marche trente à quarante mille hommes sans avoir ni guide, ni directeur! Or qu'a fait la municipalité? La municipalité a senti qu'il fallait de toute nécessité légaliser la mesure, et faire en sorte que les citoyens ne manquassent jamais à la loi : aussi voilà ce la municipalité a fait; elle a requis les commandans de bataillon, qui les mettaient en marche, qui avaient écrit qu'ils ne pouvaient pas se dispenser de se mettre en marche, parce que tous les citoyens de leurs bataillons voulaient marcher. Alors, messieurs, les commandans de bataillon, qui se trou

que

vaient dans la nécessité de marcher, ont été requis de marcher légalement et de se mettre à la tête des bataillons, et en même temps tous les citoyens, quelques armes qu'ils eussent, ont été tenus de se ranger sous les drapeaux de la garde nationale, et d'obéir à la garde nationale. C'est donc dans cette position que l'on est venu présenter une pétition à l'Assemblée, et qu'on a été ensuite en présenter une également chez le roi.

> Tout annonçait le plus grand calme, le meilleur ordre; personne dans la marche n'a eu à se plaindre; les propriétés avaient été respectées; nul événement, nul accident. Qu'est-il arrivé, messieurs? On a défilé, et l'on a passé par la grille qui conduit des Tuileries dans le château; c'est là que plusieurs citoyens et ensuite un très grand nombre se sont précipités dans les appartemens. Messieurs, ces citoyens pourtant n'ont insulté personne; ces citoyens ne se sont pas conduits en hommes qui veulent commettre aucun excès, car assurément le nombre était ́si immense que toute la force publique n'aurait pas pu prévenir tous les délits que les citoyens auraient voulu commettre; mais ils n'en ont nullement commis, et cela prouve bien qu'il n'était pas dans leur intention d'en commettre.

>> Aussitôt, messieurs, que j'ai été prévenu je m'y suis transporté ; j'ai fait là tout ce qui dépendait de moi pour ramener le calme et la tranquillité, pour faire évacuer le plus promptement possible les différens appartemens du roi : le roi lui-même n'a eu en aucune manière à se plaindre de ces citoyens. Le roi au' surplus a dû s'exprimer de cette manière aux différentes députations que l'Assemblée nationale lui a envoyées; il s'en est exprimé ainsi avec les magistrats. Dans le moment actuel, messieurs, il n'y a plus personne dans l'intérieur du château des Tuileries, si ce n'est la force armée ordinaire et suffisante; tout est rentré dans le calme, et j'espère, messieurs, que tout y restera ; et les magistrats ne négligeront aucune des mesures qui pourront maintenir la tranquillité et la sûreté publique. (Applaudissemens réitérés.)

» Je viens d'entendre, et cela se répète très souvent, qu'il y a des complots. Il serait bien nécessaire pour la tranquillité publique que les complots fussent connus, et je ne crois pas qu'aucun bon citoyen puisse se dispenser de dire à cet égard ce

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qu'il sait, car pourtant il faut que les magistrats du peuple soient à portée de surveiller ces conspirateurs, et de déjouer et les intrigues et les complots. (Applaudissemens. )Je vous supplie instamment de vouloir bien engager tout membre de l'Assemblée qui pourrait avoir à cet égard les indices les plus légers de vouloir bien en faire part, car assurément ils doivent être convaincus que les magistrats du peuple feront toujours leur devoir. (Applaudissemens du côté gauche et des tribunes.)

M. Charlier demande qu'il soit fait mention honorable du zèle et de la conduite de la municipalité; M. Becquey se lève pour combattre cette proposition; mais l'Assemblée décide qu'elle passera à l'ordre du jour. Une dernière députation revient du château : elle annonce que le plus grand calme y règne, et que le roi a témoigné le désir de rester seul. Il est dix heures; l'Assemblée lève sa séance.

que

A l'ouverture de la séance du lendemain, au moment où il était si nécessaire de rapprocher les esprits, et non de les aigrir encore, plusieurs membres du côté droit s'écrièrent : Un grand attentat a été commis! Il faut rechercher, punir les coupables.... On objecta qu'il était difficile de sévir contre une cinquantaine de mille hommes : que d'ailleurs, de l'aveu des députations, il n'y avait pas eu d'excès notables : si les citoyens eussent apporté au château des intentions criminelles rien n'aurait pu les empêcher d'y satisfaire : que le peuple, justement inquiet, avait cédé à un mouvement natnrel en réclamant auprès de ceux qui tiennent ses destinées ; que le roi, en se couvrant de sa propre main du bonnet de la liberté ; que le prince royal, assis sur une table et jouant avec des cocardes tricolores; que la reine, en distribuant des rubans au milieu de la foule, loin de courir aucun danger, s'étaient unis au peuple, l'avaient calmé, satisfait, et qu'il serait de la plus grande impolitique de détruire ce pacte, formé sous les auspices de la confiance royale et du patriotisme ardent. Cependant le côté droit obtint sans beaucoup d'efforts, par l'organe de M. Bigot-Préameneu, un décret que M. Vergniaud lui-même avait proposé la veille, au moment où l'on discutait si les pétitionnaires (entreraient ou

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