chez le roi pourront faire exécuter tout ce qu'ils croiront utile pour procurer la liberté et la sûreté de sa personne. Messieurs, peu de temps après la levée de la séance de l'Assemblée, ayant appris qu'un grand nombre d'hommes armés remplissaient les appartemens du roi, après avoir forcé sa garde, je me suis réuni à quelques uns de mes collègues pour entrer au château ; nous avons vu le roi dans un imminent danger....» (Mur— mures à gauche et dans les tribunes.) ་་ M. Charlier. « Le roi est au milieu du peuple français il ne peut courir aucun danger.» (Applaudissemens d'un cóté; bruil. ) M. Dumas. « Je demande du silence; l'objet est assez important pour en obtenir. Il est question, je le répète, de la sûreté du roi.... (Murmures.) Je demande d'être entendu en silence.... (Les murmures continuent.) Le moment presse; j'ai la parole; je veux être entendu. » M. Chabot. » Il calomnie le peuple! ( Bruit.) ་ M. Dumas. « Si j'avais vu le roi entre les mains du peuple je n'aurais aucune inquiétude; je l'y ai vu souveut pendant la révolution, et je n'en ai jamais conçu. Mais ce n'est pas le peuple qui est auprès du roi dans ce moment; ce sont des furieux, des hommes égarés : j'en atteste MM. Isnard, Vergniaud et plusieurs autres membres de l'Assemblée, qui ont parlé à ces séditieux pour les ramener au respect dû aux autorités constituées. Ces faits sont suffisans pour motiver la proposition que je fais dans ce moment de mander le commandant général de la garde nationale, pour qu'il soit donné au château les ordres nécessaires pour y rétablir l'ordre et procurer la sûreté de la personne du roi. (Murmures.) Quoi! j'entends des murmures. L'Assemblée nationale voudrait-elle se charger d'une telle responsabilité aux yeux de la postérité? Quoi! elle entendrait ces détails, et ne prendrait aucune précaution suffisante! Il était manifeste au moment où j'ai parcouru le château, et non pas seulement à mes yeux, mais à ceux de tous les membres qui étaient avec moi, et plusieurs sont ici présens; il était, dis-je, manifeste qu'aucune consigne n'était plus respectée, que le roi n'était pas dans un état de liberté tel qu'il pût donner aucun ordre; il était entouré, assailli, menacé, avili par le signe d'une faction; il avait un bonnet rouge sur la tête..... (Les tribunes applaudissent; 'quelques membres aussi; d'autres s'écrient que la Constitution est détruite, et le roi dégradé; la plus grande agitation règne dans l'Assemblée; on entend plusieurs voix répéter: Le bonnet de la liberté n'est point avilissant.-A l'ordre! -A l'Abbaye! - Abas l'orateur! -M. Dumas, resté à la tribune, conclut ainsi :) » Je demande que l'Assemblée nationale prenne les précautions nécessaires pour s'assurer que les mesures qu'auraient à prendre ses députés au château soient rendues efficaces par une force suffisante. Le compte que l'Assemblée se fera rendre ne justifiera que trop cette proposition; et celui que l'Assemblée constituante a chargé de répondre à la nation de la sûreté de la famille royale au 21 juin de l'année 1791 (1) paraîtra sans doute excusable de se montrer si affecté de ses dangers au mois de juin 1792. » (Murmures. ) Les députés envoyés au château rentrent dans la salle; l'un d'eux porte la parole: M. Granet (de Toulon). « Je supplie l'Assemblée de vouloir bien m'accorder un instant de silence pour lui rendre compte des faits. La députation de l'Assemblée nationale s'est rendue au château des Tuileries avec la plus grande facilité; partout elle a trouvé dans le peuple des marques du plus profond respect pour la loi et pour ses représentans. (Applaudissemens. ) Arrivant au château, nous avons trouvé une foule de citoyens armés qui nous ont ouvert le passage; la garde nationale nous a accompagnés. Sa Majesté était assise devant une croisée; elle était déjà entourée d'une foule de députés qui s'y étaient rendus. M. Brunck, au nom de la députation, lui a expliqué l'objet de notre mission. M, le maire de Paris en a informé les citoyens, et leur a enjoint de se retirer comme ils commençaient à défiler, ayant trouvé que le moment était favorable, nous avons ramené le roi dans son appartement. Sa Majesté y est rentrée avec une grande partie : (1) Voyez tome III, page 130, le rapport de Barnave à l'occasion du retour du roi après son arrestation à Varennes. des représentans du peuple qui formaient la députation. Nous étions au nombre de quatre ou cinq; comme la foule se pressait dans cet instant, nous en avons été séparés, et nous venons dire à l'Assemblée que le roi est dans son appartement au milieu de la députation. Voilà le seul compte que nous ayons à lui rendre. A notre retour nous avons trouvé les mêmes marques de respect. " Sur la motion de M. Lacroix, adoptée à l'unanimité, l'Assemblée décrète que la députation auprès du roi sera renouvelée de demi-heure en demi-heure; de ce moment les récits se succèdent presque sans intervalle. M. Isnard. « Témoin oculaire de tout ce qui s'est passé au château des Tuileries avant que la députation que vous avez envoyée n'arrivât, je vais vous en rendre compte. Après que vous avez eu levé la séance un peuple immense s'est porté au château pour y faire une pétition; le nombre était infiniment plus considérable que celui qui a défilé dans cette salle: il s'est présenté aux portes du château, qui lui ont été ouvertes. Le roi s'est présenté lui-même au devant du peuple; le peuple a manifesté le vœu de lui faire une pétition; le roi est monté sur une chaise, dans les deux embrasures d'une grande fenê– tre, entouré de plusieurs gardes nationaux, et là un peuple immense, entré dans ses appartemens, a paru manifester le vœu qu'il donnât sa sanction à deux décrets, et qu'il rappelât les ministres patriotes : le roi a manifesté que son amour pour Ja Constitution était inviolable. Pendant que cela se passait plusieurs députés, qui voyaient une foule immense autour du château, ont tenté de s'y porter afin d'y mettre le calıne ; j'ai été de ce nombre, et je me félicite d'avoir concouru à le rétablir. Lorsque nous sommes arrivés dans la salle où était le roi nous avons trouvé un peuple immense; on nous a dit : le roi est de ce côté; en effet, nous l'avons vu dans le lieu que je vous ai désigné; il avait arboré lui-même et de sa propre volonté le bonnet de la liberté, et il disait : vive la nation! (Applaudissemens des tribunes.) » Le peuple qui l'entourait demandait obstinément les objets dont j'ai parlé; alors j'ai cru qu'il était nécessaire de parler au peuple au nom de la loi; quelques citoyens qui m'entou raient m'ayant élevé, j'ai dit à ces citoyens que si ce qu'ils. demandaient était accordé à l'instant il paraîtrait être enlevé par la force; qu'en conséquence je leur ordonnais au nom de la loi, au nom de l'Assemblée nationale, au nom des représentans de tout le peuple français, de rester dans le calme, de respecter les autorités constituées; je leur ai dit que l'Assemblée nationale sans leur intervention ferait justice, que c'était à elle seule que le peuple devait s'en rapporter ; j'ai dit que quant à moi j'y concourrais de toute ma puissance : alors le peuple s'est montré plus tranquille. » M. Vergniaud a fait un discours au peuple propre à le calmer, et successivement les députés ont parlé, et ont maintenu le plus grand calme. Tout ce qu'il demandait était la pétition dont j'ai parlé ; mais on lui a sans cesse représenté que n'était pas par la violence, que c'était par l'effet de la loi qu'il fallait tout obtenir. Ensuite, messieurs, est venu M. Pétion, qui a également harangué le peuple dans le même sens : le peuple a été également plus tranquille. Après plusieurs harangues le roi lui-même a dit au peuple de défiler devant lui dans ses appartemens, afin qu'il eût le plaisir de le voir; alors le peuple s'est soumis à cela; il a défilé dans les appartemens du roi pendant un très long temps. C'est dans le moment où le défilement se faisait qu'est arrivée votre députation, qui vous rendra compte de la suite. » (Applaudissemens.) M. Brunck. « Messieurs, la députation que vous avez envoyée vers le roi l'a trouvé dans la situation dont on vient de vous rendre compte. La députation ayant vu l'affluence des citoyens qui étaient dans les appartemens du roi, a pénétré avec peine dans la salle où était le roi. Je suis monté sur un fauteuil dont est descendu M. Pétion, pour être plus élevé et à portée de parler au roi, qui était élevé aussi : je lui ai dit à peu près en ces termes : Sire, l'Assemblée nationale a député vers vous vingt-quatre de ses membres pour s'assurer de l'état dans lequel est votre personne, pour protéger votre liberté constitutionnelle, et courir avec vous tous les périls qu'il pourrait y avoir... (Murmures ; quelques voix : Oui, oui, les périls! Nouveaux murmures de la majorité.) Je rappelle à peu près ce que j'ai dit au nom de la députation; si l'Assemblée le trouve mauvais elle me blâmera. Le roi a répondu qu'il était sensible et reconnaissant de la sollicitude de l'Assemblée, qu'il était tranquille au milieu de son peuple... (Murmures.) En ce moment-là votre seconde députation est arrivée. » M. Leremboure. « M. Brunck s'est trompé; le roi n'a pas dit mon peuple, mais bien je suis au milieu des Français. M. Lejosne. « J'étais de la députation, et je demande à relever quelques expressions. Nous nous sommes rendus chez le roi ; il n'est pas inutile de vous dire que le peuple dans notre passage a donné les témoignages les plus éclatans du respect dû à l'Assemblée nationale. Il se trouvait en effet chez le roi une grande affluence de citoyens. Le roi paraissait être dans la plus grande sérénité, et ne paraissait point avoir d'inquiétude pour sa liberté constitutionnelle. (Applaudissemens.) Le roi a dit, et c'est une justice qu'il faut lui rendre, qu'il se trouvait tranquille au milieu du peuple français. (Applaudissemens.) La députation a invité le roi pour sa propre santé, à cause du grand nombre de citoyens, à se retirer dans un appartement prochain : le peuple a fait place; le roi, accompagné des députés, s'est retiré dans un appartement: quelques membres de la députation sont revenus, ont invité le peuple à se retirer : le peuple s'est retiré." (Applaudissemens des tribunes.) M. Dalloz. « Je demande la parole pour un fait qui prouvera que le peuple a eu un très grand respect pour les représentans de la nation; c'est que plusieurs députés, montrant leur carte pour entrer, n'ont reçu que des marques de respect; ils se sont approchés du roi, qui était resté constamment dans l'embrasure d'une croisée. Quelques personnes voulaient rassurer sa majesté sur les craintes que l'on supposait qu'elle pouvait avoir je lui ai entendu répondre que l'homme de bien qui avait sa conscience pure ne pouvait concevoir aucune crainte, et je l'ai vu prendre la main d'un garde national, la porter sur et lui dire : tenez, voyez s'il palpite, et si j'ai la moindre frayeur. (Vifs applaudissemens.) son cœur, Un membre d'une députation. « Votre députation s'est |