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juger! Leur place n'est point ici : qu'ils purgent la terre de la liberté; qu'ils aillent à Coblentz rejoindre les émigrés! Prèsd'eux leurs cœurs s'épanouiront; là ils distilleront tout leur venin ; ils machineront sans regrets; là ils conspireront contre leur patrie, qui ne tremblera jamais!

» C'est ainsi que parlait Cicéron dans le sénat de Rome lorsqu'il pressait le traître Catilina d'aller joindre le camp des traîtres à la patrie: faites donc exécuter la Constitution, la volonté du peuple, qui vous soutient, qui périra pour vous défendre! Réunissez-vous, agissez; il en est temps! Oui, il est temps, législateurs, que le peuple français se montre digne du caractère qu'il a prís: il a abattu les préjugés; il entend rester libre, se délivrer des tyrans ligués contre lui! Ces tyrans vous les connaissez: ne mollissez point devant eux, tandis qu'un simple parlement foudroyait souvent la volonté des de potes-!

Le pouvoir exécutif n'est point d'accord avec vous: nous n'en voulons d'autre preuve que le renvoi des ministres patriotes. C'est donc ainsi que le bonheur d'un peuple libre dépendra du caprice d'un roi ! Mais ce roi doit-il avoit d'autre volonté que celle de la loi? Le peuple le veut ainsi, et sa tête vaut bien celle des despotes couronnés ! Cette tête est l'arbre généalogide la nation, et devant ce chêne robuste le faible roseau doit plier!

que

» Nous nous plaignons, messieurs, de l'inaction de nos armées; nous demandons que vous en pénétriez la cause : si elle dérive du pouvoir exécutif, qu'il soit anéanti! Le sang des patriotes ne doit point couler pour satisfaire l'orgueil et l'ambition du château perfide des Tuileries! (Applaudissemens des tribunes.)

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Qui peut donc nous arrêter dans notre marche? Verronsnous nos armées périr partiellement? La cause étant commune, l'action doit être générale, et si les premiers défenseurs de la liberté eussent ainsi temporisé, siégerez-vous aujourd'hui dans cet auguste aréopage?

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Réfléchissez-y bien; rien ne peut vous arrêter; la liberté ne peut être suspendue; si le pouvoir executif n'agit point, il ne peut y avoir d'alternative; c'est lui qui doit l'être! Un seul homme ne doit point influencer la volonté de vingt-cinq mil

lions d'hommes: si par un souvenir nous le maintenons dans son poste, c'est à la condition qu'il le remplira constitutionnellement; s'il s'en écarte il n'est plus rien pour le peuple français.

» Nous nous plaignons enfin des lenteurs de la haute cour nationale vous lui avez remis le glaive de la loi ; qu'attendelle pour l'appesantir sur la tête des coupables? La liste civile aurait-elle encore ici quelque influence? Aurait-elle des criminels privilégiés, des criminels qu'elle puisse impunément soustraire à la vengeance de la loi ? Forcera-t-on le peuple à se reporter à l'époque du 14 juillet, à reprendre lui-même ce glaive, à venger d'un seul coup la loi outragée, et à punir les coupables et les dépositaires pusillanimes de cette même loi ? Non, messieurs, non; vous voyez nos craintes, nos alarmes, et vous les dissiperez!

» Nous avons déposé dans votre sein une grande douleur; nous vous avons ouvert nos cœurs, ulcérés depuis long-temps: nous espérons que le dernier cri que nous vous adressons se fera sentir au vôtre ! Le peuple est là ; il attend dans le silence une réponse digne de sa souveraineté. (Bruit.) Législateurs, nous demandons la permanence de nos armes jusqu'à ce que la Contitution soit exécutée.

» Cette pétition n'est pas seulement des habitans du faubourg Saint-Antoine, mais de toutes les sections de la capitale et des environs de Paris. Les pétitionnaires de cette adresse demandent à avoir l'honneur de défiler devant vous. » ( La majorité de l'Assemblée et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.)

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Réponse du président ( M. Français de Nantes.)

Citoyens, l'Assemblée nationale et le peuple ne font qu'un. Nous voulons votre intérêt, votre bonheur, votre liberté ; mais nous voulons aussi la Constitution et la loi. Les représentans de vingt-quatre millions d'homme vous assurent par mon organe qu'ils déjoueront les trames des conspirateurs ; qu'ils les livreront au glaive des lois, parce que les lois seules ont le droit de venger le peuple, et que ce n'est que dans elles et que par elles que vous trouverez cette Constitution et cette liberté que vous cherchez. L'Assemblée nationale vous invite au respect pour les lois et pour les autorités constituées, et vous

y invité au nom de la patrie et de la liberté, que nous sommes résolus à défendre au péril de notre vie, et en mourant s'il le' faut au poste où le peuple nous a placés, et où nous ne respirons que pour sa félicité, et pour le maintien des saintes lois que nous avons juré de faire observer et respecter. l'Assemblée prendra en considération la pétition que vous venez de lui faire; elle vous invite à assister à sa séance. » (Applaudissemens unanimes.)

Un grand nombre de pétitionnaires entre dans la salle aux acclamations de la majorité. L'Assemblée reprend le cours de ses délibérations; elle reçoit d'autres pétitionnaires; enfin elle donne l'ordre de laisser défiler dans son sein la foule impatiente qui l'environne, et qui s'était considérablement accrue; elle s'élevait alors à plus de trente mille âmes.

MM. Santerre et Saint-Huruge dirigent le cortége; ils ont le sabre à la main; leur costume est celui de garde national. Des tambours et des musiciens ouvrent la marche. Hommes, femmes, enfans se pressent ensuite, mais cependant sans désordre; ils s'arrêtent par interval!e, puis ils dansent en chantant le refrain ah ça ira, toujours suivi des cris mille fois répétés de vive la nation, vivent les patriotes, vivent les sans-culottes, et surtout à bas le veto. La plupart sont armés, les uns de fusils, les autres de piques, ceux-ci de bâtons surmontés de bonnets de la liberté, ceux-là de faux, de couteaux, de tranchans, et d'instrumens des diverses professions mécaniques; plusieurs femmes portent des épées et des sabres ornés des couleurs nationales. Des drapeaux tricolors et différens emblèmes s'élèvent du milieu des groupes; on voit entr'autres une culotte noire déchirée, avec cette inscription: Avis à Louis XVI. Vivent les sans-culottes ! Plus loin sur une bannière : Le peuple est las de souffrir; la liberté ou la mort! Un indigne spectacle vient affliger les regards; c'est un cœur de veau au bout d'un bâton; au-dessous on lit Cour d'aristocrate; mais à la première invitation d'un membre de l'Assemblée ce dégoûtant tableau a disparu. Des détachemens de gardes nationaux de presque toutes les sections de Paris augmentaient

- encore ce cortège, qui mit plus de deux heures pour défiler devant l'Assemblée nationale.

Vers la fin de la marche M. Santerre se présente à la barre, et dit :

«Les citoyens du faubourg Saint-Antoine sont venus offrir leur vie pour la défense de vos décrets. Ils vous prient d'agréer ce drapeau pour les marques d'amitié que vous avez bien voulu

leur donner. »

Le président. « L'Assemblée nationale reçoit votre offrande; elle vous invite à continuer de marcher sous l'égide de la loi, sauvegarde de la patrie. » ( Applaudissemens.)

Une partie de l'Assemblée avait partagé l'abandon et le contentement qui régnaient dans le cortège et dans les tribunes publiques; une heureuse circonstance vint réunir tous les esprits dans une commune joie : le président annonça la prise de Courtrai par les Français; il venait à l'instant d'en recevoir la nouvelle : - Je m'empresse, di-il, de la communiquer au peuple et à l'Assemblée, afin que ce jour, qui inspirait de la défiance et des a'armes, se change en un jour de confiance et d'allégresse. ( La salle retentit d'applaudissemens, et des cris: vive la nation française! vive l'Assemblée nationale!)

Il était trois heures et demie; le président lève la séance. Bientôt on apprend que le cortège s'est porté aux Tuileries, qu'il environne le château, et que les citoyens qui le composent manifestent l'impérieuse volonté de pénétrer jusqu'à la personne du roi. Les deputés reviennent successivement à leur poste: vers cinq heures ils se trouvent en nombre suffisant pour délibérer; M. Guyton-Morveau, ex-président, ouvre la séance. M. Regnault-Beaucaron expose que la garde du roi a été forcée, qu'une foule armée est dans ses appartemens, que ses jours sont en danger; il demande que l'Assemblée nationale se transporte en corps auprès de sa personne. M. Hébert pense qu'il suffit d'y envoyer une députation de vingt-quatre membres. (La proposition faite le matin par M. Vergniaud de nommer une deputation de

soixante membres chargée de veiller à la sûreté du roi u'avait pas eu de suite.)

M. Thuriot. « Je suis bien éloigné de croire que le roi soit en danger au milieu du peuple; cependant si l'Assemblée juge à propos de lui envoyer une députation je ne m'y oppose pas. »

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M. Beugnot. « Messieurs, ce n'est pas, comme le dit M. Thuriot, le peuple qui est chez le roi; ce sont des brigands...... (D'un côté : Oui, oui! De l'autre on réclame contre l'expression de brigands. ) Le peuple est soumis à la loi et les personnes qui sont chez le roi ne le sont pas.

M. Thuriot. « Si les membres de l'Assemblée qui se permettent de semblables qualifications voulaient réfléchir un seul instant..... (Murmures à droite.) Je demande à être entendu; ce n'est pas avec des calomnies que l'on sauve la république.... (Bruit.) Je demande que le premier membre qui se permettra une expression irritante contre le peuple soit rappelé à l'ordre. » Une voix. « Vous êtes un factieux. »

L'assemblée ferme la discussion : il est décidé qu'une députation se rendra auprès du roi. Plusieurs membres veulent qu'elle soit de soixante membres, d'autres de vingt-quatre; quelques débats s'élèvent; M. Thuriot crie de sa place : —Le roi n'a qu'à se bien comporter, le peuple ne se portera pas chez lui. - L'Assemblée décrète que la députation sera de vingt-quatre membres, et qu'elle se rendra sur le champ chez le roi; elle part. Un secrétaire commence la lecture du procès verbal de la veille : au même instant arrive M. Dumas; il prend la parole.

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M. Dumas. « J'interromps la lecture du procès verbal; des soins plus instans nous pressent. Je demande la parole sur un objet qui concerne la tranquillité publique; l'honneur de l'Assemblée nationale et la sûreté du représentant héréditaire du peuple français.

» Vous venez d'envoyer chez le roi une députation de vingtquatre membres : je crois qu'il est nécessaire de prendre immédiatement des mesures qui-puissent vous assurer que vos députés

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