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la concerne particulièrement, et que nous soumettons à sa sagesse.

» La loi défend tout rassemblement armé sans une réquisition préalable, et même tout rassemblement non armé sans une permission de la municipalité, la loi défend aussi de députer plus de vingt citoyens pour apporter et présenter des pétitions. Ces lois, messieurs, nécessaires pour la tranquillité publique et pour celle du corps législatif, le sont encore pour la responsabilité des corps administratifs et municipaux, afin que cette responsabilité ne soit pas tout à la fois inutile pour la chose publique et accablante pour eux. Aujourd'hui un grand nombre de citoyens armés accompagnent des pétitionnaires ; ils se portent vers l'Assemblée nationale par un mouvement civique mais demain il peut se rassembler une foule de malveillans, d'ennemis secrets de la révolution et de l'Asemblee nationale elle-même. ( Murmures d'un côté, approbation de l'autre.)

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» Je vous le demande, messieurs, qu'aurions-nous à leur dire? Quel obstacle pourrions-nous mettre à ces funestes rassemblemens? en un mot comment la municipalité et nous pourrionsnous répondre de votre sûreté si la loi ne nous en donnait le moyen, ou si ce moyen était affaibli dans nos mains par la

condescendance de l'Assemblée nationale à recevoir des multitudes armées dans son sein? Nous demandons, messieurs, à rester chargés de tous nos devoirs, de toute notre responsabilité; nous demandons que rien ne diminue l'obligation où nous sommes de mourir pour maintenir l'ordre public et le respect dû aux pouvoirs qui forment les bases de la Constitution. » (Applaudissemens de la minorité; murmures de l'autre partie de l'Assemblée et des tribunes publiquse).

M.Vergniaud. « Je crois, et nous avons entendu avec plaisir M. Roederer nous le confirmer, que le civisme seul anime les citoyens qui ont formé le rassemblement dont on vient de vous parler; je crois aussi que vous devez prendre les précautions que la prudence commande pour prévenir les événemens que la malveillance pourrait tenter et occasionner. Nous aurions mieux fait sans doute, et il serait à désirer que l'Assemblée consti

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tuante ne nous en eût point donné l'exemple, de ne jamais recevoir ici d'hommes a rinés; car, comme l'a observé M. Roederer, si aujourd'hui le civisme y conduit de bons citoyens, demain l'aristocratie peut y conduire des janissaires. Le sanctuaire de la loi ne doit être ouvert qu'aux législateurs et aux citoyens paisibles, jamais l'appareil de la force ne doit y apporter son influence en le souffrant nous nous sommes écartés des principes; mais c'est par l'erreur dans laquelle nous sommes tombés nous-mêmes que nous avons provoqué celle du peuple. Comment nous étonnerions-nous de ce qu'un rassemblement d'hommes arinés demande à défiler dans cette salle puisque nous y avon déjà admis plusieurs sections, et que pas plus tard qu'hier nous l'avons encore permis à un bataillon? Cependant vous vous trouvez aujourd'hui dans une position extrêmement critique : les rassemblemens armés qui jusqu'à présent ont défilé dans la salle du corps législatif paraissaient autorisés par le silence des organes de la loi; ils s'étaient formés sans avoir eu recours aux corps administratifs pour en demander la permission: mais ici il existe un refus de la part des magistrats du peuple. Dans ces circonstances que devez-vous faire ? Je crois qu'il y aurait une extrême rigueur à calculer avec une faute dont le principe est dans vos décrets; que ce serait faire injure aux citoyens qui demande ut en ce moment à vous présenter leurs hommages que de leur supposer de mauvaises intentions; qu'il serait inconvenant et imprudent de leur refuser la faveur qu'ils sollicitent; que la première loi est celle de l'égalité, et que nous devons nous conduire à leur égard comme avec ceux que nous avons reçus. Ce rassemblement est formé; il est comme autorisé par l'usage que vous avez introduit. On prétend que ce rassemblement vent présenter une adresse au roi : je ne pense pas que les citoyens qui le composent demandent à être introduits en armes auprès de la personue du roi ; je pense qu'ils se conformeront aux lois, et que de même qu'ils enverront des citoyens sans armes à la barre pour Vous deman ter la permission de défiler devant vous, ils euverront aussi des citoyens sans armes porter leur pétition au roi. Au reste si l'ou croit que jusqu'au moment où ce rassemblement sera dispersé il existe quelque danger, vous devez le partager, et je demande

'que vous envoyiez soixante commissaires chez le roi.. (Applaudissemens.)

M. Dumolard. « Je déclare d'abord que je rends justice à la pureté des sentimens qui animent les citoyens de Paris, et que je suis loin de croire que la majorité de ceux qui composent le rassemblement dont il s'agit, puisse avoir des intention s criminelles; mais je rappelle à l'Assemblée que dans les cir. constances critiques où nous sommes les meilleurs citoyens peuvent devenir les instrumens des intrigues et des manœuvres dont on nous assiége tous les jours. Le temps est venu où nous devons asseoir la Constitution sur la base respectable de la tranquillité et du bonheur de l'empire; le temps est venu où nous devons exécuter les lois pour les faire exécuter nousmêmes aux autorités qui nous sont subordonnées! (Bruit.) Je conçois que l'Assemblée nationale, entraînée par l'exemple de ses prédécesseurs, ait pu jusqu'ici recevoir dans son sein des députations d'hommes armés, elle est excusable sans doute ; mais la loi qui les prohibe n'existe pas moins, et des infractions passées n'autorisent pas des infractions futures. Vous avez senti vous-mêmes au commencement de votre session combien il serait dangereux d'admettre dans le sein du corps législatif non seulement des députations armées, mais même des députations trop nombreuses, et vous rendîtes un décret réglementaire qui en réduisait le nombre à dix personnes au plus. Ce décret tutélaire doit être observé à la rigueur, et ce serait en éluder perfidement les dispositions si dix hommes, parlant à la barre, pouvaient se dire appuyés par un rassemblement de sept à huit mille hommes armés qui investiraient votre salle, et finiraient par la traverser en triomphe.

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» Je vous prie d'observer que la France entière a les yeux sur vous (murmures. ); je vous prie d'observer que les malveillans peuvent abuser de votre conduite; je vous prie d'observer enfin que si malgré les arrêtés du département et de la municipalité de Paris, malgré la prohibition des lois les plus formelles et les plus saintes, malgré l'agitation et le désordre qui paraissent régner dans une multitude égarée, elle pénètre dans cette enceinte et se porte ensuite au château, on en

pourra conclure que l'Assemblée nationale et le roi, instrumens et victimes d'une faction coupable, ne jouissent pas de la liberté et du respect dont il est nécessaire qu'ils soient investis. Cette imputation, je le sais, serait injurieuse à tous les bons citoyens de la capitale; mais il est important de faire taire les calomniateurs ; il est important de montrer à nos compatriotes que les intrigues et les manœuvres des aristocrates et des anarchistes sont également impuissantes, que la Constitution ne périra pas sous leurs efforts, et qu'elle triomphera de tous ses ennemis !(Applaudissemens d'une grande partie de l'Assemblée.)

» Je suis loin de repousser la motion de M. Vergniaud; elle me paraît au contraire bien essentielle, puisqu'elle peut étouffer des espérances criminelles en favorisant l'union qui doit exister entre les deux pouvoirs pour le bonheur de la patrie : elle est plus essentielle encore pour faire voir à l'Europe atten tive que l'Assemblée nationale n'est pas l'organe servile d'une faction dont le but est d'anéantir en France la Constitution et la royauté ( Applaudissemens.)

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» Mais vous vous devez à vous-mêmes vous devez à vos commettans d'imposer à cette faction qui nous déchire en développant un caractère digne d'eux et de vous: il faut enfin que la loi triomphe, ou que nous nous ensevelissions avec elle!

» Je demande 1o que la motion de M. Vergniaud soit décrétée. (Applaudissemens.)

» Je demande ensuite que le département et la municipalité de Paris vous rendent compte à la séance de ce soir des mesures qu'ils auront prises pour dissiper les rassemblemens d'hommes armés qui seraient contraires aux lois. » (Nombreux murmures; quelques applaudissmens.)

Plusieurs membres se pressent à la tribune pour obtenir la parole. M. Gilbert soupçonne que l'aristocratie elle-même a provoqué le rassemblement, et il s'appuie sur les vains efforts que M. Pétion, malgré toute son influence sur l'esprit du peuple, a fait pour le dissip r. M. Thorillon informe l'Assemblée que les citoyens rassemblés traînent avec eux des pièces de canon. M. Vergniaud veut répondre à

M. Dumolard; mais le président l'interrompt pour annoncer une lettre de M. Santerre, commandant du bataillon du faubourg Saint-Antoine; les tribunes applaudissent; on fait lecture de la lettre.

» Monsieur le président, les habitans du faubourg SaintAntoine célèbrent aujourd'hui l'anniversaire du serment du jeu de paume. Ils veulent présenter leurs hommages à l'Assemblée nationale. On a calomnié leurs intentions; ils demandent l'honneur d'être admis aujourd'hui à la barre pour confondre une seconde fois leurs lâches détracteurs, et prouver qu'ils sont toujours les amis de la liberté et les hommes du 14 juillet. Je suis avec respect, etc. SANTERRE. » (Le côté gauche et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises; agitation dans l'autre partie de l'Assemblée.)

M. Vergniaud.» Je partage l'opinion de M. Dumolard; je pense comme lui que la Constitution doit être assise sur des bases inébranlables, et que la loi doit être exécutée : mais aussi je pense que si le peuple se trouve dans ce moment un peu écarté de la loi, c'est parce que l'Assemblée constituante et l'Assemblée actuelle out formellement favorisé cet écart en tolérant que les citoyens présentassent leurs hommages au corps `législatif en défilant dans le lieu de ses séances; et je pense surtout, messieurs, que si dans cette circonstance vous adoptiez la proposition de M. Dumolard, qui enjoint au département et à la municipalité de faire exécuter la loi à la rigueur, ce qui en d'autres termes voudrait dire que le département et la municipalité renouvelassent la scène sanglante du Champ de Mars.... (Murmures dans une partie de l'Assemblée; vifs applaudissemens des tribunes). Si, dis-je, vous preniez ce parti, qui n'est pas dans vos cœurs, l'Assemblée, j'ose le dire, aurait à s'imputer à elle-même ce malheur extrême, et ce serait dans son histoire une tache ineffacable! (Applaudissemens des tribunes.)

» On objecte qu'il y a de la part des citoyens rassemblés une désobéissance à la loi : j'ai déjà répondu à cette objection eu faisant observer qu'ici la désobéissance est une suite de l'erreur dans laquelle la conduite de l'Assemblée nationale et de l'Assem

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