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nécessaires; je sais surtout que je dois le tenir à Votre Majesté, non seulement comme citoyen soumis aux lois, mais comme ministre honoré de sa confiance, ou revêtu de fonctions qui la supposent; et je ne connais rien qui puisse m'empêcher de remplir un devoir dont j'ai la conscience.

» C'est dans le même esprit que je réitérerai mes représentations à Votre Majesté sur l'obligation et l'utilité d'exécuter la loi qui prescrit d'avoir un secrétaire au conseil (1). La seule existence de la loi parle si puissamment, que l'exécution semblerait devoir suivre sans retardement; mais il importe d'employer tous les moyens de conserver aux délibérations la gravité, la sagesse, la maturité nécessaires; et pour des ministres responsables il faut un moyen de constater leurs opinions : si celui-là eût existé je ne m'adresserais pas par écrit en ce mo ment à Votre Majesté.

» La vie n'est rien pour l'homme qui estime ses devoirs au dessus de tout; mais, après le bonheur de les avoir remplis, le bien auquel il soit encore sensible est celui de penser qu'il l'a fait avec fidélité, et cela même est une obligation pour l'homme public.

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Paris, 10 juin 1792, l'an 4 de la liberté. Signé ROLAND. »

En retirant le portefeuille de la guerre à M. Servan le roi l'avait non pas confié, mais laissé prendre par son ministre des affaires étrangères, M. Dumourier. Libre des importuns collègues dont il venait de faire ordonner le renvoi, ce ministre intrigant vint encore les accuser devant l'Assemblée nationale en blâmant toutes leurs opérations: il ne recueillit de sa conduite que des murmures et le mépris. M. Damourier n'exerça que deux jours les fonctions de ministre de la guerre ; il demanda et obtint, ainsi que ses prédécesseurs, la permission de se rendre à l'armée pour y servir selon son grade. M. Naillac, résident de France à DeuxPonts, avait été appelé au ministère des affaires étrangères;

(1) En vertu de cette loi, du 29 mại 1791, et sur les réclamations réitérées de l'Assemblée et des ministres, le roi se décida enfin, le 27 juin 1792, à nommer un secrétaire du conseil ; il choisit M. Dejoly, qui était secrétaire de la commune.

il n'en prit pas possession. M. Mourgues ne resta que cinq jours à l'intérieur. Enfin, au 18 juin 1792, le ministère se composa ainsi qu'il suit :

Inté

Affaires étrangères, M. Scipion Chambonas. rieur, M. Terrier-Monteil. - Guerre, M. Lajarre. - Contributions publiques, M. Beaulieu.- La justice et la marine restaient entre les mains de MM. Duranthon et Lacoste mais en attendant; ce fut l'expression de Louis XVI quand il annonça à l'Assemblée la nomination de ses nouveaux ministres.

Cet état de lutte entre la France et son gouvernement avait fixé l'attention du général Lafayette; il crut devoir communiquer à l'Assemblée le résultat de ses observations, faites loin de Paris, loin surtout d'une cour qu'il avait mal appris à connaître. Sa lettre, moins remarquable par la justesse des vues et des idées que par le ton de franchise qui y règne, doit néanmoins trouver sa place ici.

Lettre du général Lafayette à l'Assemblée nationale, lue dans la séance du 18 juin 1792.

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Au

camp retranché de Maubeuge, le 16 juin 1792, l'an 4 de la liberté.

in

Messieurs, au moment trop différé peut-être où j'allais appeler votre attention sur de grands intérêts publics, et désigner parmi nos dangers la conduite d'un ministère que ma correspondance accusait depuis longtemps, j'apprends que, démasqué par ses divisions, il a succombé sous ses propres trigues; car sans doute ce n'est pas en sacrifiant trois collègues asservis par leur insignifiance à son pouvoir que le moins excusable, le plus noté de ces ministres aura cimenté dans le conseil du roi son équivoque et scandaleuse existence.

que

» Ce n'est pas assez néanmoins cette branche du gouvernement soit délivrée d'une funeste influence : la chose publique est en péril; le sort de la France repose principalement sur ses représantans; la nation attend d'eux son salut; mais en se donnant une Constitution elle leur a prescrit l'unique route par laquelle ils peuvent la sauver.

»

Persuadé, messieurs, qu'ainsi que les droits de l'homme

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nécessaires; je sais surtout que je dois le tenir à Votre Majesté, non seulement comme citoyen soumis aux lois, mais comme ministre honoré de sa confiance, ou revêtu de fonctions qui la supposent; et je ne connais rien qui puisse m'empêcher de remplir un devoir dont j'ai la conscience.

» C'est dans le même esprit que je réitérerai mes représentations à Votre Majesté sur l'obligation et l'utilité d'exécuter la loi qui prescrit d'avoir un secrétaire au conseil (1). La seule existence de la loi parle si puissamment, que l'exécution semblerait devoir suivre sans retardement; mais il importe d'employer tous les moyens de conserver aux délibérations la gravité, la sagesse, la maturité nécessaires; et pour des ministres responsables il faut un moyen de constater leurs opinions: si celui-là eût existé je ne m'adresserais pas par écrit en ce mo ment à Votre Majesté.

» La vie n'est rien pour l'homme qui estime ses devoirs au dessus de tout ; mais, après le bonheur de les avoir remplis, le bien auquel il soit encore sensible est celui de penser qu'il l'a fait avec fidélité, et cela même est une obligation pour l'homme public.

» Paris, 10 juin 1792, l'an 4 de la liberté. Signé ROLAND."

En retirant le portefeuille de la guerre à M. Servan le roi l'avait non pas confié, mais laissé prendre par son ministre des affaires étrangères, M. Dumourier. Libre des importuns collègues dont il venait de faire ordonner le renvoi, ce ministre intrigant vint encore les accuser devant l'Assemblée nationale en blâmant toutes leurs opérations: il ne recueillit de sa conduite que des murmures et le mépris. M. Dnmourier n'exerça que deux jours les fonctions de ministre de la guerre ; il demanda et obtint, ainsi que ses prédécesseurs, la permission de se rendre à l'armée pour y servir selon son grade. M. Naillac, résident de France à DeuxPonts, avait été appelé au ministère des affaires étrangères;

(1) En vertu de cette loi, du 29 mai 1791, et sur les réclamations réitérées de l'Assemblée et des ministres, le roi se décida enfin, le 27 juin 1792, à nommer un secrétaire du conseil ; il choisit M. Dejoly, qui était secrétaire de la commune.

il n'en prit pas possession. M. Mourgues ne resta que cinq jours à l'intérieur. Enfin, au 18 juin 1792, le ministère se composa ainsi qu'il suit :

Affaires étrangères, M. Scipion Chambonas.

Inté

rieur, M. Terrier-Monteil. Guerre, M. Lajarre. - Contributions publiques, M. Beaulieu.- La justice et la marine restaient entre les mains de MM. Duranthon et Lacoste mais en attendant; ce fut l'expression de Louis XVI quand il annonça à l'Assemblée la nomination de ses nouveaux ministres.

Cet état de lutte entre la France et son gouvernement avait fixé l'attention du général Lafayette; il crut devoir communiquer à l'Assemblée le résultat de ses observations, faites loin de Paris, loin surtout d'une cour qu'il avait mal appris à connaître. Sa lettre, moins remarquable par la justesse des vues et des idées que par le ton de franchise qui y règne, doit néanmoins trouver sa place ici.

Lettre du général Lafayette à l'Assemblée nationale, lue dans la séance du 18 juin 1792.

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Au camp retranché de Maubeuge, le 16 juin 1792,

l'an 4 de la liberté.

que ma

» Messieurs, au moment trop différé peut-être où j'allais appeler votre attention sur de grands intérêts publics, et désigner parmi nos dangers la conduite d'un ministère correspondance accusait depuis longtemps, j'apprends que, démasqué par ses divisions, il a succombé sous ses propres intrigues; car sans doute ce n'est pas en sacrifiant trois collègues asservis par leur insignifiance à son pouvoir que le moins excusable, le plus noté de ces ministres aura cimenté dans le conseil du roi son équivoque et scandaleuse existence.

» Ce n'est pas assez néanmoins que cette branche du gouvernement soit délivrée d'une funeste influence : la chose publique est en péril; le sort de la France repose principalement sur ses représantans; la nation attend d'eux son salut; mais en se donnant une Constitution elle leur a prescrit l'unique route par laquelle ils peuvent la sauver.

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Persuadé, messieurs, qu'ainsi que les droits de l'homme

sont la loi de toute assemblée constituante, une Constitution devient la loi des législateurs qu'elle a établis, c'est à vousmêmes que je dois dénoncer les efforts trop puissans que l'on fait pour vous écarter de cette règle que vous avez promis de suivre. Rien ne m'empêchera d'exercer ce droit d'un homme libre, de remplir ce devoir d'un citoyen: ni les égaremens momentanés de l'opinion, car que sont des opinions qui s'écartent des principes! -ni mon respect pour les représentans du peuple, car je respecte encore plus le peuple, dont la Constitution est la volonté suprême; ni la bienveillance que vous m'avez constamment témoignée, car je veux la conserver comme je l'ai obtenue, par une inflexible amour de la liberté.

» Vos circonstances sont difficiles: la France est menacée au dehors et agitée au dedans; tandis que des cours étrangères annoncent l'intolérable projet d'attenter à notre souveraineté nationale, et se déclarent ainsi les ennemis de la France, des ennemis intérieurs, ivres de fanatisme ou d'orgueil, entretiennent un chimérique espoir et nous fatiguent encore de leur insolente malveillance.

» Vous devez, messieurs, les réprimer; et vous n'en aurez la puissance qu'autant que vous serez constitutionnels et justes. » Vous le voulez sans doute; mais portez vos regards sur ce qui se passe dans votre sein et autour de vous.

» Pouvez-vous vous dissimuler qu'une faction, et, pour éviter toute dénomination vague, que la faction jacobite a causé tous les désordres ? C'est elle que j'en accuse hautement! Organisée comme un empire à part dans sa métropole et dans ses affiliations, aveuglément dirigée par quelques chefs ambitieux, cette secte forme une corporation distincte au milieu du peuple français, dont elle usurpe les pouvoirs en subjuguant ses représentans et ses mandataires.

» C'est là que dans des séances publiques l'amour des lois se nomme aristocratie, et leur infraction patriotisme; là les assassins de Desilles reçoivent des triomphes; les crimes de Jourdan trouvent des panégyristes; là le récit de l'assassinat qui a souillé la ville de Metz vient encore d'exciter d'infernales acclamations!

» Croira-t-on échapper à ces reproches en se targuant d'un manifeste autrichien où ces sectaires sont nommés? Sont-ils devenus sacrés parce que Léopold a prononcé leur nom? Et

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