Page images
PDF
EPUB

vrais principes du christianisme, auxquels lui, chef et pontife, est subordonné comme eux, quoiqu'il ne se pique pas d'y rester aussi fidèle.

» Il s'agirait donc de faire précéder la peine d'exil ou de déportation de trois mesures préliminaires qui protégeraient les dissidens paisibles, et concentreraient l'action de la peine sur les perturbateurs, et ces mesures vous les trouverez dans le projet de décret.

» Nous ne devons pas seulement peser ici les considérations politiques, mais nous devons nous occuper aussi de rendre au peuple la paix domestique, ce bonheur que la nature a placé pour tous les hommes au sein de leur famille, et dont ils poursuivent vainement l'image fausse et fugitive dans ce tourbillon appelé monde, sur ce théâtre d'agitation et d'intrigue où l'esprit au lieu de bonheur n'aperçoit que des ombres qui passent un instant sur l'amour - propre, mais qui laissent l'âme sans émotion et le cœur sans jouissance. Cette paix et ce bonheur se sont exilés des villages depuis le jour où le fanatisme y est entré. J'ai vu dans les campagnes les liens les plus sacrés rompus, les flambeaux d'hyménée ne jeter plus qu'une lueur pâle et sombre, ou changés en torches des furies; le squelette hideux de la superstition s'asseoir jusque dans la couche nuptiale, et se placer entre la nature et les époux; le fils repoussé du sein de sa mère parce qu'il s'était consacré au service d'une autre mère non moins tendre, la patrie; les jeunes gens hésitant entre leur cœur et la superstition, ne sachant plus sur quel autel faire bénir une union désirée, ni quel est le Dieu qui les appelle ou le Dieu qui les repousse; l'agriculteur ne sillonner plus qu'avec effroi le champ abreuvé de ses sueurs, et n'y voir, au lieu de la Providence qui le couvre de moissons, que des démons qui les dévorent; l'état civil des personnes, cette première propriété de l'homme civilisé, laissé à l'abandon; les morts laissés sans sépulture, et le fanatisme descendre jusque dans les tombeaux pour en arracher les tristes dépouilles de l'homme, que l'homme ne voit qu'avec horreur; enfin j'ai vu le cours de la nature pour ainsi dire suspendu une sorte de bouleversement opéré dans les facultés humaines, depuis que le fanatisme a étendu sur les campagnes ses crêpes

ensanglantés! O Rome, es-tu contente? Te faut-il encore de plus grands maux et de plus grandes discordes? N'as-tu pas bu déjà le sang des Montalbanais et des citoyens du Morbihan? Quelle page de l'histoire n'est pas souillée des maux que tu nous as faits! Quelle partie de l'empire puis-je parcourir où je ne trouve les traces de tes crimes passés, ou les agitations de tes manœuvres présentes! Es-tu donc comme Saturne à qui il faut tous les jours des holocaustes nouveaux? Reprends, reprends ta funeste milice, instrument de tous nos maux, et qui s'est soustrite à nous pour rester toute à toi ? »

>> Partez, artisans de discorde! Le sol de la liberté est fatigué de vous porter; laissez-nous jouir en paix chez nous des douceurs de la société et des sentimens de la nature. Partez! Hé quoi, s'est-il donc éteint tout à coup ce beau zèle qui vous emporta tant de fois aux deux extrémités du monde pour y propager vos doctrines turbulentes? Ne vous vit-on pas autrefois sur les rives du Jéniscea et des Amazones, depuis ces froides contrées où le Groenlandais vivait heureux avant de vous connaître, jusqu'à cette zône brûlante où, avides d'or et de sang, vous portâtes au paisible Péruvien les vices de l'Europe et les poisons de l'Italie?

» Il est aisé de suivre les traces de votre passage sur ce globe; elles sont toutes marquées en longs ruisseaux de sang! Pourquoi donc aujourd'hui nous donner la triste préférence de ces discordes dont vous embrasâtes autrefois tout le monde ? Partez! l'armée noire vous attend; elle présente à votre zèle apostolique une vaste carrière : vous y trouverez tous les vices à convertir ou tous les crimes à absoudre ; vous y verrez l'intempérance d'un ***, l'impudicité d'une ***, la débauche d'un ***, la férocité d'un ***; tout ce que la France renfermait de parricides, d'incestueux, de banqueroutiers, d'empoisonneurs et d'assassins, elle les a tous vomis dans ce cloaque; il peut se vanter aujourd'hui de renfermer tous les vices épars dans tout le monde. Partez! Nos gardes nationales protégeront votre sortie sur les frontières; elles vous garantiront des agitations que Vous faites naître; nous vous nourrirons même s'il le faut chez l'étranger, trop heureux de nous débarrasser de vous, à quelque prix que ce puisse être! Partez! Ou bien un penchant

plus analogue à vos sentimens vous appelle-t-il en Italie? Voulez-vous aller respirer l'air du mont Aventin? Le vaisseau de la patrie est prêt; déjà j'entends sur le rivage les cris impatiens des matelots; le vent de la liberté enflera les voiles, et les ondes, dociles à nos vœux, favorables à notre espoir, vous porteront doucement sur les rives du Tibre, auprès de votre cher sou verain ! Vous irez comme Télémaque chercher votre père sur les mers; mais vous n'aurez pas à craindre les écueils de Sicile ni les séductions d'une Eucharis. Le pontife vous protége; et n'avez-vous pas pour vous vos vertus? Partez! Ecoutez la voix de quatre millions de gardes nationales qui vous disent : faites cesser nos inquiétudes et nos alarmes; rendez-nous les cœurs de nos mères, de nos épouses, de nos filles, que vos sinistres inspirations ont enlevés à nos cœurs! Partez! Mais dans quelque partie du monde que vous portiez vos pas, soit que vous pas¬ siez les monts ou traversiez un fleuve, mettez toujours entre vous et nous s'il est possible la plus haute des montagnes ou le plus large des fleuves!

» Oh! quelle fête pour la liberté que le jour de votre départ! Quel triomphe pour les patriotes! Quel soulagement pour la patrie lorsqu'elle aura vomi de ses entrailles le poison qui les dévore! Je vois la paix reprendre son empire, les liens de la nature se resserrer plus touchans que jamais, la tranquillité de retour dans les hameaux, et les cris de douleur des villageois se changer en chants d'allégresse!

>>

Dis-moi, pontife de Rome, quels sentimens t'agiteront lorsque tu reverras tes dignes et fidèles coopérateurs? Je vois tes doigts sacrés préparer aussitôt ces foudres pontificales, qui n'auront même pas le triste succès d'une vaine et stérile explo◄ sion? Tu agis sur les âmes ignorantes et faibles; mais la liberté remue les âmes courageuses et fortes; elle compte aussi dans ses fastes ses martyrs et ses apôtres, et si jamais chez nous elle était en danger nous trouverions des milliers de Barnevelt!

[ocr errors]

Qu'on apporte ici le réchaud de Scévola, et, les mains tendues sur le brasier, nous prouverons qu'il n'est sorte de tourmens ni de supplices qui puisse faire froncer le sourcil de celui que l'amour de la patrie élève au-dessus de l'humanité!

M. Français donna lecture des articles du projet qui con cernait les prêtres non sermentés : l'Assemblée avait décrété qu'elle statuerait avant tout sur les troubles religieux. La discussion s'ouvrit après quelques jours, et se prolongea jusqu'au 26. Trente projets furent présentés : celui du comité obtint d'abord la priorité; bientôt il parut insuffisant; elle lui fut retirée, et l'Assemblée l'accorda au projet de M. Benoiston. Cet orateur, s'étayant de l'aveu même d'un prêtre, éloigna en peu de mots la mesure proposée du scrment civique avant la déportation : « Je ne conçois pas, dit-il, comment on a pu vous proposer ce serment comme un moyen efficace lorsque tant de raisons concourent pour vous en dénoncer l'inefficacité. Le sieur Lalaurenzi, ci-devant évêque de Nantes, disait, à l'occasion d'un pareil serment, chez les hommes qui ont deux consciences, l'une pour le civil, l'autre pour le spirituel; l'une n'astreint jamais l'autre ; elles peuvent au contraire se dégager réciproquement. Je ne pousserai pas plus loin mes réflexions. Nous devons adopter la déportation ou la guerre civile, point de milieu. » Le projet de M. Benoiston, vivement combattu, mais plus fortement appuyé, fut décrété en ces termes :

Décret concernant les prêtres non sermentés. ( Du 27 mai 1792.) « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des douze, considérant que les troubles excités dans le royaume par les ecclésiastiques non sermentés exigent qu'elle s'occupe sans délai des moyens de les réprimer, décrète qu'il y a urgence.

» L'Assemblée nationale, considérant que les efforts auxquels sc livrent constamment les ecclésiastiques non sermentés pour renverser la Constitution ne permettent pas de supposer à ces ecclésiastiques la volonté de s'unir au pacte social, et que ce serait compromettre le salut public que de regarder plus longtemps comme membres de la société des hommes qui cherchent évidemment à la dissoudre; considérant que les lois pénales sont sans force contre ces hommes, qui, agissant sur les consciences pour les égarer, dérobent presque toujours leurs manœuvres criminelles aux regards de ceux qui pourraient les faire réprimer et punir; après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

» Art. 1er. La déportation des ecclésiastiques insermentés aura licu comme mesure de sûreté publique et de police générale, dans les cas ét suivant les formes énoncés ci-après.

» 2. Seront considérés comme ecclésiastiques insermentés tous ceux

qui, assujétis au serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790, ne l'auraient pas prêté; ceux aussi qui, n'étant pas soumis à cette loi,. n'ont pas prêté le serment civique postérieurement au 3 septembre dernier, jour où la Constitution française fut déclarée achevée; ceux enfin qui auront rétracté l'un ou l'autre serment.

» 3. Lorsque vingt citoyens actifs d'un même canton se réuniront pour demander la déportation d'un ecclésiastique non sermenté, le directoire de département sera tenu de prononcer la déportation si l'avis du directoire du district est conforme à la pétition.

» 4. Lorsque l'avis du directoire de district ne sera pas conforme a la pétition, le directoire de département sera tenu de faire vérifier par des commissaires si la présence de l'ecclésiastique ou des ecclésiastiques dénoncés nuit à la tranquillité publique; et, sur l'avis de ces commissaires, s'il est conforme à la pétition, le directoire du département sera également tenu de prononcer la déportation.

» 5. Dans le cas où un ecclésiastique non sermenté aurait par des actes extérieurs excité des troubles, les faits pourront être dénoncés au directoire du département par un ou plusieurs citoyens actifs, et après la vérification des faits la déportation sera pareillement prononcée.

» 6. La demande ou pétition dont il est parlé dans les précédens articles, devant être signée de ceux qui la formeront, sera remise par eux au directoire du district; ils en affirmeront la vérité devant le même directoire, qui leur fera délivrer par son secrétaire, sur papier libre et sans frais, un certificat du dépôt de cette pétition.

» 7. Le directoire du district vérifiera sur les tableaux qui doivent être déposés dans son secrétariat, ou par tout autre moyen, si les signataires de la pétition sont véritablement citoyens actifs; d'après cette vérification il donnera son avis et le fera passer à l'administration du département dans les trois jours qui suivront celui de la date du dépôt.

>> 8. Dans les cas où les citoyens actifs qui auront à former la pétition prescrite ne sauraient écrire, elle sera reçue en présence du procureur-syndic par le secrétaire du district, qui, après l'avoir rédigée, en donnera lecture aux pétitionnaires, et relatera leur déclaration de ne savoir signer.

>> 9. Lorsque les préalables prescrits par les articles précédens auront été remplis, tant de la part des pétitionnaires que de la part du directoire de district, le directoire de département sera tenu de statuer dans trois jours si l'avis du directoire de district est conforme à la pétition. 10. Lorsque l'avis du directoire de district ne sera pas conforme à la pétition le directoire de département aura quinze jours pour faire procéder aux vérifications prescrites en pareil cas, et pour statuer définitivement.

[ocr errors]

» 11. L'avis du directoire de district ou celui des commissairesvérificateurs étant conforme à la pétition, il sera enjoint par l'arrêté

« PreviousContinue »