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sels de l'Assemblée et des citoyens présens à la séance, le plaisir que cause au peuple français l'heureuse nouvelle que vous apportez. Je dois vous informer, de la part de l'Assemblée nationale, qu'elle va sur le champ finir la lecture de son procès verbal, et clore sa session; qu'ensuite elle a arrêté que tous les membres qui la composaient se rendront près de la Convention nationale pour la conduire eux-mêmes au lieu de ses séances, et donner les premiers l'exemple et l'assurance de leur respect pour les lois qui vont émaner des représentans du peuple souverain. » (Vifs applaudissemens.)

Les douze membres de la Convention sont reconduits par douze membres de l'Assemblée législative.

Le président proclame que la session de l'Assemblée nationale législative est finie. Tous les députés se lèvent, se rendent au château des Tuileries, et M. François (de Neufcháteau), à leur tête, prononce le discours suivant devant la Convention assemblée :

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Représentans de la nation, les membres qui composaient l'Assemblée nationale législative, instruits que la Convention nationale est constituée, ont cessé leurs fonctions. Ils ont arrêté en même temps que le dernier acte qu'ils feraient en corps serait de venir vous chercher dans l'édifice national des Tuileries, offrir de vous conduire eux-mêmes dans le lieu de vos séances, se féliciter d'avoir déposé dans vos mains les rênes de l'autorité, et donner les premiers l'exemple de s'incliner devant la majesté du peuple, que vous représentez.

» Nous devons en effet nous applaudir spécialement de vous voir rassemblés, puisque c'est à notre voix que la nation vous a choisis, et qu'en se rendant à notre invitation toutes les assemblées primaires de France ont consacré unanimement les me

qui céda le fauteuil à M. François (de Neufchâteau), ex-président, aussitôt que celui-ci eut présenté et fait adopter le cérémonial à observer à l'égard de la Convention, ainsi que le discours qu'il prononça devant elle aux Tuileries: l'Assemblée, selon l'usage, avait décrété que cette adresse serait prononcée par son auteur,

sures extraordinaire que nous avons dû prendre pour sauver vingt-quatre millions d'hommes de la perfidie d'un seul !

» Les circonstances difficiles où nous nous sommes trouvés depuis la mémorable époque du 10 août auraient exigé sans doute les ressources et les pouvoirs dont vous seuls possédez aujourd'hui la plénitude : nous avons fait provisoirement ce qu'exigeaient les intérêts urgens du peuple, sans empiéter sur l'autorité qui ne nous était point déléguée. Enfin, représentans, vous êtes arrivés, investis de la confiance illimitée de cette grande et généreuse nation, chargés par elle de faire entendre aux ennemis du dehors la voix de son indépendance, autorisés à enchaîner au - dedans le monstre de l'anarchie, en état de faire disparaître tous les obstacles et de courber toutes les têtes sans distinction sous le glaive vengeur et sauveur de la loi! Les troubles n'ont plus de prétextes!, les divisions n'ont plus d'objet; il n'y a plus que la nation qui veut la liberté et l'égalité, et qui vous a nommés pour les fonder sur des bases inébranlables! Remplissez, représentans, vos grandes destinées; réalisez les promesses que nous avons faites pour vous, et que le peuple français vous doive bientôt d'une manière solide ces trois dons, les premiers et les plus précieux que le ciel puisse faire aux hommes, la liberté, les lois, la paix ! La liberté, sans laquelle les Français ne sauraient plus vivre; les lois, qui sont le plus ferme fondement de la liberté; la paix, qui est le seul objet et la fin de la guerre ! La liberté, les lois, la paix, ces trois mots furent gravés par les Grecs sur la porte du temple de Delphes : vous les imprimerez en caractères ineffaçables sur le sol entier de la France; et chacun de nous, de retour dans son département respectif, inspirera partout la confiance dans votre sagesse, le respect pour les lois existantes en attendant celles qui vont émaner de votre autorité tutélaire, la soumission au gouvernement populaire et libre que vous allez établir, le vœu le plus formel de maintenir entre toutes les parties de ce vaste empire l'unité, dont votre auguste Assemblée est désormais le centre commun et le lien conservateur ! » breux applaudissemens.)

(Nom

Réponse du président de la convention. (Pétion.)

« Vous avez avancé le terme de votre pénible carrière ; vous

avez eu à lutter sans relâche contre un pouvoir investi de tous les moyens de force et de corruption, qui n'a cessé d'entraver votre marche, de paralyser vos opérations, et de pervertir l'esprit public on n'a pas assez remarqué combien votre impuissance enchaînait votre zèle ; établis gardiens d'un dépôt que la superstition nationale rendait sacré, que vous aviez juré de remettre intact, vous vous trouviez sans autorité pour le défendre. Lorsque vous avez vu que ce dépôt courait des dangers imminens, et que la liberté allait périr avec lui, vous avez pris un parti noble, courageux, le seul qui pât sauver la chose publique; vous avez averti la nation : à votre voix elle s'est levée tout entière; elle nous a envoyés pour assurer ses droits et son bonheur sur des bases plus solides. Nous allons nous occuper de cette mission auguste avec ce recueillement profond qu'elle inspire; nous ne perdrons jamais de vue que nous tenons dans nos mains les destinées d'un grand peuple, du monde entier et des races futures. Ces idées éleveront notre âme, soutiendront notre courage, feront disparaître toutes ces petites passions qui dégradent l'homme, toutes ces prétentions méprisables de la jalousie et de l'orgueil : lorsqu'on travaille pour le genre humain la seule ambition est de faire son bonheur. »

La Convention nationale quitte le château des Tuileries; elle se transporte dans la salle de ses délibérations, et partout sur son passage elle reçoit les marques de la vénération publique.

Présidens de l'Assemblée nationale depuis le 29 avril jusqu'au 21 septembre 1792.

Du 29 avril au 13 mai
Du 13 au 27 mai
Du 27 mai au 18 juin
Du 10 au 24 juin
Du 24 juin au 8 juillet
Du 8 au 23 juillet
Du 23 juillet au 6 août
Du 6
au 19
août
Du 19 août au 2 septembré
Du 2 au 16 septembre
Du 16 au 21 septembre

M. Lacuée.

M. Muraire.
M. Tardiveau.

M. Français (de Nantes).
M. Girardin.

M. Aubert-Dubayet.
M. Lafond-Ladébat.
M. Merlet.
M. Lacroix.

M. Hérault-Séchelles.
M. Cambon.

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LIVRE II.

LÉGISLATION CONSTUTIONNELLE.

La marche rapide des événemens ne permit pas à l'Assemblée législative de statuer sur toutes les questions constitutionnelles dont le principe avait été décrété par l'Assemblée constituante; néanmoins elle s'occupa de toutes, et elle en décida plusieurs, entre autres celle relative au mode de constater l'état civil des citoyens. Ces événemens ont dû nous entraîner comme elle; aussi nous bornerons-nous dans ce livre à trois discours sur trois questions différentes : l'Assemblée ne délibéra point sur les deux premières.)

DES HONNEURS ET RÉCOMPENSES MILITAIRES.

RAPPORT fait au nom du comité d'instruction publique par M. Viénot-Vaublanc, (Séance du 28 janvier 1792.)

« Messieurs, s'il est une vérité reconnue de tout le monde, c'est qu'aucune institution ne peut être durable quand elle n'est pas d'accord avec les mœurs, avec le caractère de la nation à laquelle on la destine; et s'il arrivait qu'un peuple corrompu eût tout à coup passé de l'esclavage à la liberté, eût changé l'esprit de ses lois avec une rapidité prodigieuse, les législateurs devraient se hâter de changer ses mœurs, ses usages, ses coutumes : les spectacles, les jeux, les châtimens, les récompenses et surtout l'éducation, tout doit prendre un caractère nouveau. » Pénétrés de cette vérité, vous avez ordonné à votre comité d'instruction publique de vous présenter un plan des récompenses à décerner aux guerriers qui auront bien servi la patrie : non que les guerriers seuls doivent recevoir des récompenses

honorables; vous en instituerez pour le magistrat, le philosophe, le citoyen qui mériteront la reconnaissance publique ; mais celles-ci doivent être différentes; elles n'appellent pas des aujourd'hui votre attention comme celles que vous destinez aux guerriers qui déjà se rassemblent sous les étendards de la liberté pour en combattre les ennemis.

» L'égalité étant la base de la Constitution, les récompenses doivent être calculées de manière à ne pas la blesser. Les cordons que donnent les rois de l'Europe font de ceux qui les portent une caste à part, les distinguent en tout temps et en tous lieux des autres citoyens, et décorent de même l'homme de mérite et le favori, le serviteur du prince et celui de la nation. >> Vous voulez des honneurs d'un autre genre; vous récompenserez plutôt les actions mêmes que ceux qui les ont faites (1).

» Dans un tel sujet, messieurs, il faut par la pensée nous éloigner du siècle où nous vivons, et nous reporter aux temps où les hommes ont fait de si grandes choses avec de faibles moyens, où les peuples, plus près de la nature, livrés à tous ses mouvemens, recevaient avec empressement le guerrier vainqueur, et le récompensaient avec simplicité. Gardons-nous de porter ici cet esprit méthodique et froid qui veut tout calculer, qui redoute de se livrer à l'enthousiasme, et regarde l'intérêt particulier comme le seul mobile des actions humaines!

» C'est au législateur à démentir cette assertion tant de fois répétée ; c'est à vous à faire de l'amour de la patrie le premier des sentimens, du désir de la gloire la passion la plus active : c'est par les fêtes nationales que vous y parviendrez ; c'est par elles que vous ferez des Français un peuple nouveau. Qui de nous dans les fêtes de la fédération n'a pas éprouvé combien est puissante sur l'âme cette réunion de citoyens qui se réjouissent d'un bonheur commun ! Dans ces beaux jours un même sentiment nous anime, l'exaltation est générale; on s'entretient avec tous ceux qu'on rencontre; personne ne semble inconnu à son voisin; tous les cœurs, pleins de sentimens délicieux, sont impatiens de les communiquer; on veut rendre tout le monde

(1) « Il est inutile de dire que les récompenses pécuniaires décrétées par l'Assemblée constituante sont conservées. »

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