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Quelques actes de l'Assemblée feront assez connaître la situation de la capitale à cette époque du silence des lois.

ceux des leurs qu'une surveillance active avait mis hors d'état de nuire, ils entrevoyaient encore quelque possibilité de réussir, et préparaient une tentative.

» On avait eu connaissance par des indices particuliers, des aveux publics, des dénonciations signées, que pendant la nuit les prisons seraient ouvertes pour faire évader les conspirateurs'; que les autres détenus, dont le nombre était considérable, et auxquels on devait donner des armes autant qu'il serait possible, se répandraient dans la ville, forceraient les corps de garde, désarmeraient les citoyens, et, réunis à quelques autres brigands, s'introduiraient dans les maisons pour piller et incendier.

» Le dimanche 2 (septembre), pendant que les citoyens, électrisés par la proclamation de la commune provisoire, se rassemblaient dans leurs sections pour s'enrôler, et pour y délibérer sur les dangers de la patrie, seize particuliers armés de pistolets et de poignards avaient été arrêtés. (L'archevêque d'Arles et le vicaire de Saint-Feriol de Marseille étaient du nombre,) On les conduisait de la cour du Palais au comité des Quatre-Nations; ils firent résistance, et l'un d'eux tira un coup de pistolet qui blessa mortellement un citoyen; alors ils devinrent victimes de leur propre fureur.

» Les bruits de l'évasion projetée des prisonniers inspirent plus de craintes; elles s'accroissent par des indices plus certains, et prennent une telle consistance que plusieurs sections arrêtent d'envoyer autour des prisons de nombreuses patrouilles pour les surveiller; mais l'indignation du peuple était à son comble, et il formait déjà la résolu tion la plus hardie et la plus terrible : — Hé bien, qu'ils meurent tous! s'écrie un citoyen qui venait de s'enrôler. Le danger de la patrie nous appelle; partons; mais en quittant nos familles n'emportons pas la crainte que nos concitoyens, qui se privent pour nous de leurs armes, ne puissent défendre nos femmes et nos enfans contre de nouveaux complots! Que les scélérats meurent tous!

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» Cette résolution subite se propage avec une activité incroyable; le peuple se porte de toute part aux prisons: la municipalité fait de vains efforts pour l'arrêter; tout ce qui lui est possible c'est de prendre des mesures de prudence pour que du moins l'innocent ne soit pas confondu avec le coupable.

>> Un grand nombre de prisonniers réclamés par des citoyens ont été rendus, et si la justice du peuple a été terrible, il est constant qu'il faisait éclater la plus grande joie quand il n'avait point à punir'; l'innocent était délivré et porté en triomphe au milieu des cris de vive la nation! »

PROCLAMATION de l'Assemblée nationale (Présentée par M. Vergniaud, décrétée et publiée le 3 septembre 1792. )

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Citoyens, vous marchez à l'ennemi; la victoire vous attend: mais prenez garde aux suggestions perfides! On égare votre zèle ; on veut d'avance vous ravir le fruit de vos efforts, le prix de votre sang; on vous divise, on sème la haine; on veut allumer la guerre civile, exciter des désordres dans Paris: on se flatte qu'ils se répandront dans l'empire et dans vos armées; on se flatte que, invincibles si vous êtes unis, on pourra par des dissensions intestines vous livrer sans défense aux armées étrangères !

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Citoyens, il n'y a plus de force là où il n'y a plus d'union; il n'y a plus ni liberté ni patrie là où la force prend la place de la loi !

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Citoyens, au nom de la patrie, de l'humanité, de la liberté, redoutez les hommes qui appellent la discorde et provoquent aux excès! Entendez la voix des représentans de la nation, qui les premiers ont juré l'égalité! Combattez l'Autriche et la Prusse! Sous peu de jours la Convention va poser les bases de la félicité publique : travaillez à les rendre inébranlables par des triomphes; instruisez par vos exemples à respecter la loi! »

DÉCLARATION de l'Assemblée nationale. (Présentée par M. Guadet, décrétée et publiée le 4 septembre 1792.)

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Citoyens, c'est par le mensonge que des Français parjures ont excité contre leur patrie les armes de l'Autriche et de la Prusse; c'est à force de mensonges qu'une cour conspiratrice était parvenue à cacher la sourde destruction ou la destination perfide des moyens que vos représentans avaient préparés pour la défense des frontières; c'est aussi en employant le mensonge que ceux de vos ennemis qui sont encore au milieu de vous se flattent d'égarer votre patriotisme ou de refroidir votre valeur, et qu'ils espèrent répandre parmi vous ou le découragement ou la défiance!

» Ils ont dit à ceux qu'ils voulaient irriter que l'Assemblée nationale se préparait à rétablir Louis XVI; ils ont dit à ceux

dont ils voulaient décourager la résistance contre les soldats de la tyrannie que l'Assemblée nationale avait le projet d'élever sur le trône un prince étranger, et même le général des armées ennemies, ce duc de Brunswick, qui s'est déclaré l'ennemi de la souveraineté des peuples et de la liberté du genre humain !

>>

Citoyens, vos représentans vous ont prouvé qu'ils ne voulaient pas d'un pouvoir qui ne leur aurait point été conféré par le peuple; ils ont appelé une Convention nationale, et elle seule peut régler quelle forme de gouvernement convient à un peuple qui veut être libre, mais qui veut ne l'être que sous la loi de l'entière égalité : usurperaient-ils un pouvoir illégitime, après s'être renfermés avec scrupule dans les limites de ceux qu'ils avaient reçus de la Constitution, au moment même où des circonstances extraordinaires auraient pu les excuser?

» Dira-t-on qu'ils chercheraient alors à se couvrir du voile de la nécessité? Non; en jurant de mourir à leur poste ou de maintenir les droits du peuple, en jurant d'y attendre la Convention nationale, ils ont juré de ne point déshonorer par de lâches traités les derniers momens de leur existence! Ils rempliront toute l'étendue de leur serment, et ils prêteraient celui que ces indignes calomnies semblent exiger d'eux si le respect pour l'Assemblée chargée par le peuple de déclarer la volonté nationale, si le respect pour le peuple lui-même, auquel il appartient d'accepter ou de refuser la Constitution qui lui est offerte, pouvait leur permettre de prévenir par leur résolution ce qu'ils attendent de la nation française, de son courage et de son amour pour la liberté : mais ce serment qu'ils ne peuvent prêter comme représentans du peuple, ils le prêtent comme citoyens et comme individus ; c'est celui de combattre de toutes leurs forces les rois et la royauté!»

ADRESSE de l'Assemblée nationale aux Français. ( Présentée par M. Delaunay d'Angers, décrétée et publiée le 19 septembre 1792.)

«

Citoyens, des hommes perfides et agitateurs provoquent les fureurs populaires contre ceux des représentans du peuple

qui ont manifesté des opinions qu'ils pouvaient émettre librement, même en les supposant dangereuses et erronées : on annonce que le jour où ils cesseront leurs fonctions est le jour qui doit éclairer ces fureurs.

» L'Assemblée nationale est loin de croire qu'un peuple bon et juste ait conçu l'idée d'un système de désordres et d'assassinats qui souillerait la révolution, qui serait une tache ineffaçable au nom français, et qui détruirait à jamais la liberté et l'indépendance nationale.

» Elle a reconnu dans ce projet criminel le caractère de la connivence des ennemis intérieurs avec les tyrans coalisés, qui espèrent détruire par les horreurs de l'anarchie l'impulsion qui réunit tous les Français à l'intérêt commun; elle y a retrouvé les traces de ce plan désorganisateur et contre-révolutionnaire que suivent encore avec une insolente audace les agens stipendiés de Coblentz, de la Prusse et de l'Autriche.

» Elle a considéré que les conspirateurs, qui veulent rassembler les débris épars du despotisme, et empêcher la réunion de la Convention nationale, n'ont imaginé ce projet de meurtres que pour répandre la terreur dans les départemens, éteindre l'esprit public par la stupeur, et arrêter la marche des députés par l'épouvante des désordres et des excès dont ils menacent la capitale.

» Elle a senti que de toutes les perfidies la plus dangereuse peut-être est celle qui tend à diminuer le nombre des défenseurs de la révolution, en la rendant odieuse et en isolant de sa cause les citoyens faibles et timides, qui ne professent pas des principes aussi rigoureux que les hommes forts et énergiques, pour qui la liberté est tout, et à qui elle tient lieu de tout.

» Dans ces circonstances l'Assemblée nationale a cru qu'elle devait déjouer ces nouveaux complots, et rappeler au peuple les principes garans éternels de la liberté publique et indivi

duelle.

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>> Français, si chaque citoyen a un droit égal à la protection de la loi, son influence doit s'étendre plus activement encore sur les représentans de la nation, parce que tel est le caractère d'inviolabilité qu'elle leur imprime, et qu'ils tiennent de la nature des choses, qu'une seule violence qui aurait pour prétexte

leurs opinions et leur conduite politique attaquerait la liberté même jusque dans ses fondemens les plus sacrés.

» Les représentans de la nation appartiennent au peuple entier; il n'y a plus de liberté ni d'égalité s'ils peuvent être dépendans d'une portion quelconque du peuple, soit de celle qui se trouve avoir la même résidence qu'eux, soit de celle qui les nomme à la représentation nationale.

» La liberté entière et absolue des opinions, une inviolabilité s'étendant à tous les temps et à tous les lieux, telle est une condition essentielle de toute constitution représentative.

» Autrement le vœu des délégués du peuple ne serait pas celui de leur jugement ou de leur conscience, mais le résultat de la politique ou de la crainte ; il n'exprimerait plus la volonté générale des citoyens, mais celle d'une collection d'individus qui dans un point du territoire français s'empareraient d'une puissance momentanée.

>> Toute nation où le caractère de représentant n'est pas sacré est nécessairement une nation sans gouvernement et sans lois, puisque les organes des lois, puisque ceux entre les mains de qui repose la suprême puissance de la société ne pourraient agir par leur volonté propre.

» Dans les temps d'insurrection, et lorsque le peuple se lève pour opposer à la tyrannie et à l'oppression une résistance légitime, il peut quelquefois, entraîné par des hommes passionnés pour la liberté, regarder l'activité des lois comme trop lente pour lui garantir sa sûreté; mais l'idée d'attentat contre ses propres représentans ne pourrait lui être inspirée que par de véritables ennemis de la nation, par des hommes qui voudraient rompre le nœud qui unit ensemble toutes les portions de l'organisation sociale, afin de livrer la France divisée à ses ennemis; par des hommes qui voudraient que la représentation nationale fût avilie auprès des citoyens et des étrangers, et que tout ce qu'elle a fait et que tout ce qu'elle pourrait faire fût regardé comme l'ouvrage de la violence; par des hommes qui voudraient anéantir les effets de la révolution du 10 août! Eh! qui en effet le croira le vœu du peuple français, si les réprésentans qui l'ont consacré paraissent n'avoir agi que sous la force d'une simple portion de ce peuple?

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