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sentatif était attaquée avec un égal acharnement, avec une égale fureur.

" Tandis que le roi prétendu constitutionnel abusait de l'arme que la Constitution remettait dans ses mains, et paralysait les décrets qui importaient le plus à la tranquillité publique, à la sûreté générale, ses agens exerçaient leur insolente censure sur les actes mêmes que ne pouvait atteindre son véto, et l'or de la liste civile circulait dans toutes les mains impures qui ne dédaignaient pas de concourir à la dégradation de la représentation nationale.

» Qu'on ne dise pas qu'une grande partie des preuves recueillies ne chargent que des commis, et qu'il reste incertain s'ils agissaient ou s'ils n'agissaient pas au nom et de la part du roi! Des mémoires de dépenses trouvés dans les bureaux du sieur Pouteau, un des premiers commis de la liste civile, il résulte que ce commis, sous la direction du sieur Laporte, dirigeait toutes les manœuvres secrètes des contre-révolutionnaires intérieurs; qu'il entretenait une correspondance active avec les principaux ennemis de la révolution; qu'il présidait à la fabrication, à l'impression et à la distribution du journal à deux liards, et de tous les écrits aristocratiques qui circulaient aux frais de la liste civile ; qu'il avait sous ses ordres des colporteurs, des afficheurs qu'il envoyait jusque dans les campagnes; qu'il soudoyait diverses personnes qu'il employait, les unes par mois, et les autres suivant les occasions, et que toutes ces dépenses lui étaient allouées comme une charge naturelle du département qui lui était confié. Voilà bien l'établissement d'une propagande contre-révolutionnaire, formé sur les fonds de la liste civile: or, aucuns fonds de la liste civile n'étaient délivrés sans mandat particulier du roi ou une ordonnance de l'administrateur de cette liste, approuvée et souscrite du roi; le roi a donc eu une part active à tout ce qu'a fait l'agent subalterne Pouteau; cet agent n'était donc que l'exécuteur fidèle des volontés, des complots de Louis XVI.

un

» Le grand système de conspiration contre la liberté française était lié dans toutes ses parties; non seulement le pouvoir chargé de la défense de l'Etat a négligé tous les moyens nécessaires pour mettre l'Etat en défense, mais il a ouvertement

favorisé les efforts des ennemis intérieurs et extérieurs; il a entretenu une division funeste entre les citoyens, que leur union seule peut rendre redoutables; et la majesté de la représentation nationale, que le chef du pouvoir avait l'honneur de partager, n'a pas même été par lui respectée.

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» Qui ne voit que de la main qui s'était engagée à maintenir la Constitution il voulait reconquérir le sceptre que lui avaient arraché les hommes du 14 juillet, et qu'ont brisé ceux du 10 août? Les anciens sceaux de l'Etat détournés, et remis par forme de dépôt dans des mains étrangères, annoncent assez que Louis XVI n'avait pas sans espoir de retour renoncé à s'en servir (1).

» Déjà même le projet d'une constitution nouvelle qui effectuât la réunion monstrueuse du pouvoir législatif au pouvoir exécutif, et fît revivre les distinctions si odieuses aux amis de l'égalité, n'attendait dans les bureaux de la liste civile que l'instant fovorable pour paraître. Enfin les éclats de la foudre qui a tombé sur le château des Tuileries ont percé les ténèbres dans lesquelles nous marchions enchaînés, et, dégagée des liens qui la retenaient captive, l'Assemblée nationale dès ce moment s'est montrée dans toute sa grandeur; le serment de maintenir la liberté et l'égalité a été spontanément prononcé : ne pouvant sauver la chose publique avec le pouvoir qui lui était transmis, elle a dit au peuple qu'elle avait l'honneur de représenter : sachez vous sauver vous-même; exercez la plénitude de votre pouvoir souverain; et une Convention nationale s'est formée !

(1) « Un des sceaux de l'Etat en usage avant la révolution, celui qui servait à sceller les lois adressées au Dauphiné, a été trouvé chez le ci-devant abbé Laporte, frère de l'intendant de la liste civile. La boîte qui renfermait ce sceau était recouverte d'une enveloppe sur laquelle était écrit: Dépôt fait par la dame Hargene, pour être retiré par le sieur Champion, qui en cas de mort avait donné l'adresse de son frère l'archevêque de Bordeaux. Quel était l'objet de ce dépôt? Dans quel dessein ce sceau avait-il été enlevé? Le destinait-on pour servir à l'instant de la contre-révolution? Quoi qu'il en soit de l'objet de cette soustraction, il est constant que les anciens sceaux de l'Etat ne devaient pas se trouver chez l'abbé Laporte, chez le ci-devant grand vicaire d'un garde des sceaux de l'ancien régime, ne devaient pas avoir été livrés à une femme, ni conséquemment avoir été déposés par elle. »

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Que les ennemis de l'Assemblée législative viennent encore insulter à ses travaux, et demander ce qu'elle a fait ! Ce qu'elle a fait! Elle a échappé à tous les piéges qu'on n'a cessé du lui tendre; elle a pendant une année entière lutté avec courage contre des machinations de toute espèce. Ce qu'elle a fait! Elle a défendu la Constitution jusqu'à ce qu'elle ait vu qu'il fallait opter entre cette Constitution et la liberté ; et lorsqu'elle a reconnu qu'il lui était impossible de soutenir cet édifice incohérent et mal affermi elle a prévenu l'usurpation que son écroulement eût pu faciliter; elle a suspendu la seule autorité qui dans ce moment de crise pouvait être à redouter; au prix du pouvoir qui lui était confié à elle-même, elle a dans toute son intégrité maintenu la souveraineté du peuple : elle a bien mérité de la patrie, si les Français sont dignes d'être libres ! »

» L'Assemblée ordonne l'impression du travail lu par M. Gohier, la distribution au nombre de dix exemplaires à chaque membre, et l'envoi aux départemens et aux armées.

» Un membre (Aubert-Dubayet) observe qu'incessamment la session va se terminer; qu'une partie des députés, investis de nouveau des pouvoirs de leur commettans, auraient une nouvelle occasion de mériter de la patrie, tandis que les autres retourneraient dans leurs départemens respectifs; qu'il importait à la chose publique, qu'il importait à la gloire du Corps législatif que M. le président interpelât les commissaires préposés à l'inventaire de tous les papiers trouvés chez le roi, sa femme, et l'intendant de la liste civile, pour savoir enfin d'une manière authentique si tous les membres du Corps législatif s'en retournaient purs et intacts, ou s'il en existait d'assez criminels pour avoir trempé dans des projets coupables, et pour s'être compromis d'une manière quelconque.

» M. Gohier, qui venait de faire le rapport des commissaires chargés de l'inventaire des papiers trouvés chez le roi et dans les bureaux de la liste civile, a obtenu la parole et a dit:

— « Avant de répondre je ne dois pas laisser ignorer avec quelle solennité s'est fait l'examen des papiers de la liste civile, Des commissaires de la section du Louvre chez le sieur Laporte, des commissaires de la section des Capucins chez le sieur

Septeuil, procédèrent à cet examen en présence des commissaires de l'Assemblée nationale et des commissaires de la municipalité. Si nous avions trouvé des preuves, si nous avions trouvé les moindres indices que quelques membres du Corps législatif eussent été soudoyés par la liste civile, je n'aurais pas attendu l'interpellation qui m'est faite pour les dénoncer à la France entière, et provoquer contre eux la vengeance des lois; mais vos commissaires auraient cru manquer à l'Assemblée nationale s'ils avaient pensé qu'il fût besoin d'avertir le public qu'aucun de ses membres n'a été corrompu : un seul (le sieur Blancgilly) a entretenu une liaison criminelle avec le château des Tuileries, et le sieur Blancgilly est en état d'accusation. » (Extrait du procès verbal.)

Suite de la séance permanente. Situation de Paris jusqu'au 22 septembre.

La séance permanente, commencée le 9 août au soir, continua jusqu'au 21 septembre, jour de la clôture de l'Assemblée nationale législative : les délibérations s'ouvraient à huit heures du matin; de quatre à six de l'après-midi il y avait une suspension, durant laquelle six membres restaient présens dans la salle; de six à onze l'Assemblée délibérait; pendant la nuit trente membres conservaient la permanence pour recevoir les députations, les dépêches, et pour faire au besoin avertir leurs collègues.

Le mouvement que la journée du 10 avait imprimé aux esprits ne pouvait s'arrêter facilement, les volontés du peuple, toujours prévenues ou accueillies par les représentans de la commune de Paris, et par eux portées à la barre de l'Assemblée, devenaient souvent des ordres pour les représentans de la France. Décrets d'accusation, arrestation, mises en jugement, création de tribunaux ad hoc, destitutions et remplacemens, destruction des statues et autres monumens qui rappelaient le souvenir des tyrans, serment de haine aux rois et à la royauté (1), enfin une

(1) Serment prononcé avec enthousiasme le 4 septembre 1792, dans

foule de mesures de circonstance, sollicitées ou déjà prises par les nouveaux magistrats que le peuple s'était choisis, furent successivement sanctionnées par l'Assemblée : toutefois il est vrai de dire qu'elle ne céda aux vœux de l'insurrection qu'autant qu'elle les partageait; alors qu'ils dépassaient ou ses pouvoirs ou les bornes de la justice elle savait y opposer une forte résistance, ou frapper de sa censure les actes échappés à sa vigilance: cette honorable fermeté fit élever contre plusieurs de ses membres les clameurs et les soupçons; ils les bravèrent avec courage.

Plusieurs causes entretenaient l'effervescence et les inquiétudes du peuple : dans l'intérieur ses faux amis l'alarmaient sur sa liberté; l'étranger menaçait l'indépendance de son territoire, que déjà il envahissait partout il y avait ou l'on croyait voir des traîtrès, et cependant de secrètes manœuvres continuaient d'entraver la marche ou de suspendre l'action de la justice.

Dans ce moment d'une exaspération générale quelques uns de ces hommes ennemis de la liberté, cruels par calcul, et dont la mémoire sera à jamais exécrée, s'approprièrent ce ramas d'autres hommes qui partout sont toujours au plus offrant, qui nulle part ne font partie du peuple, sans humanité, sans concitoyens, sans patrie; ils dirigèrent, ils employèrent leurs bras, et le massacre des prisons... (1) Jetons un voile sur ces scènes d'une éternelle douleur.

un mouvement spontané, par tous les membres de l'Assemblée législative; ils jurèrent, comme citoyens, de combattre jusqu'à la mort les rois et la royauté, de ne souffrir jamais qu'aucun étranger donne des lois à la France, ni que jamais aucun monarque, soit français, soit étranger, souille la terre de la liberté.

(1) Extrait du Moniteur no du 6 septembre 1792.

« Quelque déconcertés que dussent être les conjurés depuis la journée du 10 août, et depuis la découverte précieuse des preuves du plus horrible complot contre la liberté publique, ils n'avaient pas pour cela abandonné tout espoir de succès. Des projets absolument isolés leur avaient paru sans doute trop insensés; mais en les calculant avec l'approche de l'armée ennemie, avec le système de terreur dont on l'a fait précéder, et surtout avec l'intention de faire évader

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