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mûremeut sa conduite des vrais principes il se convaincra que: la nation française a seule le droit de prononcer par ses représentans sur le sort du premier fonctionnaire public, sur le sort; de son gouvernement; que nulle puissance sur la terre n'a le droit d'intervenir dans ses décisions...

» Les représentans du peuple français ne s'arrêteront pas à réfuter toutes les calomnies qu'on répand contre lui dans les! pays étrangers, à le disculper de cette anarchie qu'on lui re-› proche depuis quatre ans; comme si vingt-cinq millions d'hom-¡ mes pouvaient vivre quatre ans dans l'anarchie! comme si un million d'hommes pouvaient s'armer, voler aux frontières, et combattre pour l'anarchie! comme s'il existait un gouverne-, ment qui soit plus d'accord avec ses administrés, qui marche plus vigoureusement que ce gouvernement prétendu anarchique! comme s'il existait enfin un pays en Europe où il se commette moins de crimes, où l'on voie plus de belles actions que dans ce pays d'anarchie. Et les représentans de ce peuple, attestent ici les ambassadeurs étrangers qui résident dans son, sein; n'a-t-il pas toujours au milieu de ses insurrections et des combats, au moment même où, tout puissant, nulle volonté ne pouvait arrêter le peuple que lui-même, n'a-t-il pas constamment respecté l'asile inviolable et les priviléges des ambassadeurs étrangers?

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Que ceux qui parlent d'anarchie visitent nos camps, si nombreux, où règnent l'ordre et la discipline, une patience infatigable, un courage à toute épreuve! Un peuple dans, l'anarchie est un peuple égoïste; il se cache, et ne vole point, aux combats ; un peuple dans l'anarchie ne se soumet point à une pareille discipline.

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Enfin, s'il faut un trait nouveau, un trait puissant propre à convaincre les étrangers de l'amour de l'ordre qui règne maintenant en France, c'est l'épreuve courageuse et solennelle à laquelle elle se soumet aujourd'hui. Certes lorsqu'une coalition formidable menace la France, lorsque des armées nombreuses, aguerries, disciplinées, sont à ses portes, envahissent son territoire, suspendre le roi, créer un ministère, porter le peuple à se lever en entier, le convoquer en assemblées primaires, former une Convention nationale qui puisse

tout à coup remplacer la législature actuelle, et prononcer la volonté suprême du peuple et sur la Constitution et sur le roi, n'est-ce pas tenter une opération hardie, sublime, dont l'histoire d'aucun peuple n'offre l'exemple? opération dont la simple annonce eût déjà bouleversé la France si l'amour réfléchi de l'ordre n'y régnait; tandis qu'au contraire elle a rapproché tous les citoyens, étouffé toutes les dissensions, réuni tous les partis en un seul : or quel royaume en Europe ne serait pas déchiré par les troubles et les désordres si l'on y tentait la plus petite de ces opérations?

» Une nation capable de subir sans danger de pareilles épreuves est aussi redoutable pour ses adversaires qu'elle est juste pour les étrangers, et constante dans ses attachemens, parce que toutes ces vertus se tiennent : aussi attendra-t-elle dans le calme que des réflexions plus mûres ramènent à elles les puissances neutres que la dernière révolution semble alarmer, confiante dans la droiture de ses intentions, dans la justice de sa cause, dans la puissance de ses armes, dans la bravoure de ses citoyens; forte de leur résolution inébranlable d'être libres ou de périr, elle continuera de vivre en bonne intelligence avec les puissances neutres, de conserver avec elles des relations de commerce et de fraternité. En conséquence elle déclare que tous les agens de la France accrédités maintenant auprès des puissances étrangères doivent y continuer leur service aussi longtemps qu'on y respectera leur caractère et les traités; observant elle-même ces traités avec un scrupule religieux, elle en sera d'autant plus ardente à poursuivre par tous les moyens possibles la réparation des outrages ou des torts réels qui pourraient lui être faits; en rendant aux autres gouvernemens la justice la plus impartiale, elle a droit de la demander pour elle-même ; elle emploiera tous les moyens pour l'obtenir.

ÉLOGE FUNÈBRE des citoyens morts pour la défense de la liberté et de l'égalité le 10 août 1792, an 4 de la liberté, 1 de l'égalité; prononcé le 26' du même mois en présence de l'Assemblée nationale, lors de la cérémonie funèbre faite en l'honneur de ces généreux citoyens (1). Par Marie-Joseph Chénier. Imprimé et envoyé aux départemens et à l'armée par ordre de l'Assemblée nationale.

« Citoyens, dans les beaux jours de la Grèce antique, lorsqu'on venait annoncer la mort des défenseurs de la liberté, la patrie se couvrait d'un voile funèbre, les larmes du peuple se mêlaient aux cris des orphelins, aux gémissemens des mères et des épouses; mais bientôt les honneurs rendus à la mémoire de ces guerriers chéris servaient à la consolation publique : leurs noms étaient gravés sur des mausolées, avec le récit des victoires qu'ils avaient remportées; l'éloquence et la poésie transmettaient leurs exploits aux races futures; la patrie adoptait leurs familles; leur image détrônait dans les places publiques l'image des tyrans abattus. En parcourant cette terre sacrée les voyageurs rencontraient sur leur passage les débris des vainqueurs de Marathon et de Platée; ils erraient au milieu des tombeaux d'Epaminondas le thébain, et de l'athénien Trasibule, qui détruisit les trente tyrans ; près de là le même monument renfermait les restes d'Harmodius et d'Aristogiton, jeunes et inséparables amis qui brisèrent le joug des Pisistratides; plus loin dormait Timoléon, qui rétablit la liberté dans Corinthe et dans Syracuse; les étrangers visitant la Grèce, environnés partout de la cendre des héros et des monu

(1) « La cérémonie funèbre et triomphale célébrée dimanche dernier dans le jardin des Tuileries en l'honneur des braves citoyens morts à l'attaque du château le 10 août, pour la conquête de la liberté et de l'égalité, a attiré un concours prodigieux. Il serait trop long de retracer toutes les parties qui composaient ce grand spectacle, et toutes les émotions qu'il a fait naître; il restera pour jamais gravé dans la mémoire de ceux qui en ont été témoins. Plus de trois cent cinquante mille hommes armés de toutes armes ont défilé pendant près de trois heures; le tiers au moins est en état de marcher en rang à l'ennemi comme troupes de ligne. >>

(Moniteur.)

mens de leur gloire, versaient des larmes d'admiration, et dans un recueillement solennel ils contemplaient respectueusement la majesté d'un peuple libre !

» Nous voyons se renouveler ce spectacle auguste des Français sont morts pour la liberté au sein de cette ville fameuse, et leur cendre est honorée dans le séjour même où conspiraient les tyrans qu'ils ont terrassés; les enfans, les épouses de nos frères qui ne sont plus deviennent l'héritage de la patrie. Ces hommages rendus à l'héroïsme civique, les familles des défenseurs que nous pleurons, les regrets de leurs vaillans frères d'armes, la présence des législateurs que la France chérit et révère, l'aspect des fidèles magistrats du peuple, l'aspect imposant de ce peuple même, qui renferme à la fois les conquérans de la Bastille et les vainqueurs de la royauté, tout répand autour de moi une atmosphère de liberté qui inspire et les actions généreuses et les grandes pensées ! Il ne manque à la dignité de ce jour de gloire qu'une voix plus éloquente, qui puisse atteindre par la hauteur des expressions à la hauteur des actions et des hommes qu'il faut célébrer.

Mais qu'est-il besoin d'éloquence? Les choses et les lieux parlent assez! C'est ici que le despotisme aiguisait les poignards qui devaient égorger tous les amis de la liberté; c'est ici qu'un or coupable achetaient des cliens à la servitude; c'est ici que se tramaient nos défaites et l'inaction de nos armées; c'est ici que les descendans de Guillaume Tell se sont avilis jusqu'à servir dans leurs projets de vengeance des tyrans sans caractère et sans courage; enfin c'est ici qu'un roi perfide accumulait les sermens et les parjures, nous vendait à la maison d'Autriche, encourageait à la trahison des généraux criminels, et tentait de rétablir sa puissance arbitraire sur les cadavres du peuple français, non loin de la fenêtre fatale où l'avant-dernier des Valois vengeait sa religion par des forfaits, et massacrait lui-même les citoyens malheureux qui croyaient échapper à des assassins en invoquant le nom d'un roi!

» Et c'est ici que les conspirateurs ont été punis! Le véri– table souverain s'est montré, et tous ses lâches ennemis se sont cachés dans la poussière. Ces foudres d'airain, si longtemps apappelés la dernière raison des rois, ont consacré les droits du

peuple; et tandis que l'Assemblée nationale, plus grande en ce moment que l'Assemblée constituante, éclipsait le serment du jeu de paume par un serment plus saint, prêté dans le fort du danger, vous, citoyens de Paris, et vous, généreux fédérés, et vous, braves cavaliers de la gendarmerie nationale, rivaux des braves gardes françaises, vous luttiez tous de civisme et de courage, et les héros que nous pleurons ścellaient de leur sang précieux le serment des pères de la patrie!

>> Oh! combien est importante cette victoire de l'égalité! Combien était nécessaire cette nouvelle insurretion, dont les suites ont été si heureuses! Déjà triomphaient en espérance la royauté, la superstition et l'aristocratie conjurées; déjà elles faisaient éclater une joie parricide, et marquaient du doigt leurs victimes!... Et sur elles est tombée soudain la vengeance qu'elles prétendaient exercer! Et le glaive de la loi frappe les ¿coupables qui sont échappés aux rigueurs du combat! La pique du pauvre a vaincu le poignard patricien! Tous les plans des traîtres sont dévoilés et détruits, les sources de la corruption taries, les ennemis de l'état frappés dans l'intérieur, déconcertés au delà du Rhin, et les généraux rebelles qui luttaient contre la puissance natioriale, et se flattaient de subjuguer Paris, sont trop heureux d'éviter par une fuite honteuse le supplice qu'ils ont mérité!

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Hommes généreux, morts pour la liberté dans cette journée mémorable, vous avez été presque tous moissonnés dans la fleur de votre jeunesse! La nature vous devait des années plus nombreuses, et vous deviez être plus longtemps les soutiens de la France, notre mère commune; mais si vous avez trop peu vécu pour elle vous avez assez vécu pour la gloire; votre souvenir ne périra point; vos enfans seront des héros comme leurs pères; tant que nos belles contrées enfanteront des hommes libres et braves vous leur servirez de modèles, et la postérité reconnaissante vous proclamera les conquérans de l'égalité, les libérateurs de la patrie!

» N'en doutez pas, citoyens ; sans ce combat glorieux, mais sanglant, où nous avons vu périr les plus cruels ennemis du - peuple et ses plus généreux défenseurs, nous n'aurions possédé qu'un fantôme de liberté, et la royauté constitutionnelle, aidée

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