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ajouté qu'une Convention nationale, c'est à dire l'Assemblée des représentans immédiats de la nation souveraine, était convoquée au 20 septembre pour prononcer au nom du peuple français sur le sort de Louis XVI, et sur les mesures à prendre pour assurer la liberté et l'égalité.

>> Ils vous ont dit que les plus sages députés s'étaient éloignés du corps législatif : cette imposture est facile à démentir; tous les représentans du peuple présens à Paris au 10 août ont prêté le serment de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir à leur poste.

» Ils vous ont dit qu'un grand nombre de vos frères avaient péri ah! sans doute, et l'Assemblée nationale a donné des Jarmes à leur sort, et des secours à leurs veuves et à leurs orphelins; mais ils n'ont pas ajouté que les Suisses, excités par leurs officiers (mais désavoués sans doute par leurs concitoyens dans nos armées), s'étaient seuls rendus coupables de ces lâches assassinats, en portant la mort dans les rangs de vos

frères à l'instant même où les Parisiens et les fédérés leur adressaient des paroles d'union et de fraternité, et leur donnaient le baiser de paix.

» Ils vous ont représenté la garde nationale de Paris et la gendarmerie nationale tombant sous les coups des fédérés; tandis qu'au contraire les fédérés, la garde nationale de Paris, la gendarmerie nationale, victimes communes de l'attaque imprévue des Suisses, combattaient ensemble contre eux, contre les anciens gardes du roi, et même les satellites du despotisme, connus sous le nom de chevaliers dupoignard.Les Suisses, égarés par des ordres sanguinaires, ont provoqué en tirant les premiers tous les malheurs de cette journée, et sans l'atroce perfidie de leurs commandans elle n'eût pas coûté une goutte de sang à la patrie.

» Ainsi vous le voyez, braves soldats, vous fûtes séduits et trompés par quelques conspirateurs, qui marchent encore à votre tête! Les audacieux, mettant à profit votre erreur, ont voulu affaiblir dans vos âmes le respect dû aux lois de l'Assemblée nationale ses commissaires, revêtus du double caractère de représentans du peuple et de délégués du corps législatif, ont même été retenus dans les murs de Sédan ; des mains impies ont osé attenter en leurs persounes sacrées à la souverai

neté du peuple! La nation va réclamer vengeance contre cel attentat, et les législateurs se montreraient indignes de la confiance qui les environne s'ils ne faisaient respecter par un exemple éclatant la représentation nationale,

» Pour vous, qui ne partagez pas, qui ne pouvez partager la rébellion de plusieurs de vos chefs, il est temps que vous reveniez à vous-mêmes, au grand caractère que vous avez déployé jusqu'à ce jour. Un instant d'incertitude vous rendrait criminels; demeurez dignes de la cause sacrée que vous défendez, et des nouveaux bienfaits que la nation va répandre sur vous en effaçant jusqu'aux dernières traces des distinctions aristocratiques qui survivaient encore à la révolution dans l'armée de la liberté et de l'égalité; ces lois bienfaisantes ne seront plus suspendues par les lenteurs et la mauvaise volonté d'un pouvoir exécutif qui, placé entre le corps législatif et vous, arrêtait l'effet des plus sages dispositions prises pour améliorer votre

sort.

» Ralliez-vous à la nation dans ses représentans. Si quelqu'un cherche à noircir leur conduite, à vous inspirer des défiances sur leurs intentions; fuyez-le ; c'est un traître ; il veut la guerre civile, et la veut par vous! Obéissez avec confiance aux nouveaux chefs que vous donnent les ministres patriotes, honorés des regrets de la nation, et dont vous-mêmes aviez déploré l'éloignement. Songez que les Prussiens et les Autrichiens sont à nos portes, épiant nos divisions intestines pour en profiter! Songez, soldats, que délibérer c'est reculer; et que les Français libres ne reculent pas! A ce prix vous êtes toujours dignes de l'estime des représentans du peuple et de la bienveillance de la nation.

» L'Assemblée nationale, sûre de votre patriotisme, attend avec confiance que toute l'armée du nord suive l'exemple des autres soldats de la liberté; déjà des adresses d'adhésion et de félicitation de plusieurs bataillons et des braves canonniers de cette armée nous donnent le gage d'un accord unanime dans vos principes et vos sentimens. Nous y comptons, braves soldats ! L'ennemi vous observe, et vos départemens vous regardent : oseriez-vous reparaître un jour dans vos foyers si vos frères et vos concitoyens avaient à vous reprocher un lâche abandon de la cause du peuple, de la liberté et de l'égalité ! »

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Décret.

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L'Assemblée nationale, considérant que le général Lafayette a employé les manœuvres les plus odieuses pour égarer l'armée dont le commandement lui avait été confié; considérant qu'il a cherché à la mettre en état de révolte eu la portant à méconnaître l'autorité des représentans de la nation, et à

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tourner contre la patrie les armes mêmes des soldats de la patrie; considérant qu'il est prévenu du crime de rébellion contre la loi, de conjuration contre la liberté, et de trahison envers la nation, décrète ce qu'il suit:

» Art. 1. Il y a lieu à accusation contre Mottie-Lafayette, ci-devant général de l'armée du Nord..

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» 2. Le pouvoir exécutif est expressément chargé de mettre promptement à exécution le présent décret. L'Assemblée nationale enjoint à toutes les autorités, constituées et à tous citoyens et soldats de s'assurer de la personne dudit MottiéLafayette par tous les moyens possibles.

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» 3. L'Assemblée nationale défend à l'armée du Nord de reconnaître ledit Mottié-Lafayette, etc. »

Sommaire des discussions relatives au général Lafayette,

C'est ici que nous devons mentionner les différentes discussions relatives au général Lafayette: nous nous bornerons à l'exposé succinct des faits.

On a vu plus haut, principalement des pages 55 à 64, et 106 à 114, que les lettres, discours et démarches de ce général avaient encouru le renvoi à l'examen de la commission extraordinaire des douze.

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Le 15 juillet, rapport de M. Lémontey, et projet de décret qui défend aux chefs de troupes de faire des pétitions traitant d'objets étrangers à leurs fonctions militaires. Ajournement, motivé sur ce que les lois s'expliquent à cet égard, et que c'est l'examen de la conduite du général que l'Assemblée attend de la commission.

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Le 19, rapport de M. Muraire, qui déclare que « la comni mission, n'ayant trouvé ni dans les lois, qui se taisent, dans l'intention de M. Lafayette, qu'il ne lui est pas per

mis d'approfondir, aucun motif d'improuver sa conduite », a cru devoir se borner à présenter de nouveau les mesures générales proposées par M. Lémontey. Vifs débats; ajournement au lendemain.

Le 20, M. Lacuée annonce que la commission, après un plus sérieux examen, a découvert un délit purement militaire dans la conduite du général; il demande en conséquence le renvoi au pouvoir exécutif. Cette proposition n'est pas mieux accueillie, que la première; on insiste sur l'examen de la conduite de M. Lafayette.-M. François (de Neufchâteau), pour concilier, dit-il, les trois opinions qui lui semblent formées dans cette affaire, savoir, d'absoudre le général, de le punir par une improbation légère, ou de le mettre en accusation, propose un décret en ces termes : « L'Assem» blée nationale charge son président d'écrire au général

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Lafayette qu'elle a vu avec surprise et avec peine un gé» néral d'armée quitter son poste, et l'un des coopérateurs » de la Constitution se prêter à la violation de l'article fon»damental qui déclare la force armée essentiellement obéis»sante, et qui défend à tout corps armé de délibérer; mais, » opposant à cette démarche suspecte et inconsidérée le » souvenir de ce que M. Lafayette a fait dans le principe » de la révolution, et persuadée que si un faux zèle ou des intrigues ont pu l'égarer l'oubli dont la générosité nationale couvre sa faute l'engagera à la réparer par de » nouveaux services, l'Assemblée nationale décrète qu'il

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n'y a pas lieu à délibérer. » Ce projet, que M. Girardin appelle un madrigal, est rejeté a une grande majorité. La discussion s'ouvre. M. Delaunay (d'Angers), après une vraie philippique, conclut à la mise en accusation du général; mais ce dernier trouve aussitôt un défenseur zélé dans M. Limousin, député de la Dordogne, et la discussion est

continuée.

Le 21, M. Lasource se présente à la tribune « pour briser une idole qu'il a longtemps encensée; mais il se console, dit-il, en pensant que la publicité de son opinion excusera sa longue erreur. » Le véhément discours de M. Lasource est tout entier un acte d'accusation, que M. Dumolard s'at

tache immédiatement à détruire avec autant de talent que de force. M. Torné vient ensuite, et déploie toutes les ressources de l'éloquence pour soutenir les motifs d'accusation, Enfin, après de vifs débats, 'Assemblée ajourne la question jusqu'à l'éclaircissement d'un fait avancé par M. Lasource, et confirmé sur le champ dans une déclaration écrite, déposée sur le bureau, et signée de plusieurs membres de l'Assemblée. Voici cette déclaration :

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Quelques membres de l'Assemblée nationale ayant eu occasion de voir M. le maréchal Luckner le 17 juillet au soir chez M. l'évêque de Paris, et lui ayant demandé s'il était vrai qu'on lui eût proposé de la part de M. Lafayette de marcher sur Paris avec son armée après l'événement du 20 juin, M. le maréchal Luckner a répondu en ces termes : « Je ne nie pas: » c'est M. Bureaux-Puzy, celui qui a été, je crois, trois fois président de l'Assemblée nationale. Je lui ai répondu : mon» sieur, je ne mènerai jamais l'armée que je commande que » contre les ennemis du dehors. Lafayette est le maître de >> faire ce qu'il voudra; mais s'il marche sur Paris moi je » marcherai sur lui, et je le dauberai. M. Bureaux-Puzy me » dit alors: Mais la vie du roi est en danger... Voilà ce qu'il » m'a dit, et ils m'ont fait d'autres propositions qui sont bien plus horribles. »

>>

»

» Telles sont les propres expressions de M. le maréchal Luckner, que nous avons entendues, et que nous attestons. Signé J. P. Brissot, Guadet, Gensonné, Lasource, Lamarque, Delmas.

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M. Hérault-Séchelles, présent aussi chez l'évêque de Paris, ne put se rappeler la conversation toute entière; mais il affirma positivement, sous sa signature, avoir entendu le maréchal Luckner prononcer ces mots : « M. Lafayette m'a » envoyé M. Bureaux-Puzy, qui m'a fait de sa part des propositions horribles. »

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»

Une telle inculpation était bien autrement grave que les griefs reprochés jusqu'alors au général, et qui ne consistaient guère que dans ses lettres, discours et démarches à l'occasion du 20 juin. MM. Luckner, Lafayette et Bureaux

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