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dont cette importante discussion va faire naître l'idée, suffiront pour rétablir le calme, si, comme nous avons lieu de l'espérer, les tribunaux criminels, les officiers de police, les directoires, les municipalités, le gouvernement, chargé de faire tout aller, mais surtout ce qu'il y a en France de citoyens éclairés et bien intentionnés, remplissent avec la fermeté, le patriotisme et l'union que les circonstances commandent les fonctions diverses dont la Constitution les a chargés.

» Mais une idée qui s'est présentée à nous dans tout le cours de notre travail c'est que le salut public est surtout ici ; il est dans le concert des opinions, dans la cessation des défiances, dans cette unanimité qui a donné à nos principaux décrets un si grand caractère, dans ce courage et cette fermeté avec lesquels nous continuerons de frapper les traîtres de l'intérieur et les ennemis extérieurs; dans cette élévation de caractère également éloigné des mouvemens de l'enthousiasme et des craintes de la faiblesse; dans cette puissance d'opinion, résultat nécessaire de la sagesse et de la maturité de nos délibérations, qui continuera de nous conquérir tous les cœurs et tous les esprits : l'autorité qui n'est fondée que sur la force peut périr par une force plus grande; celle qui est fondée sur l'estimé ne peut périr jamais : il est encore dans cette constante sollicitude pour les intérêts de nos commettans de toutes les classes, dans notre attachement invariable à la Constitution, dans notre respect profond pour les principes sacrés de la morale et de la justice. » De grands empire ont figuré avec faste sur le globe, et ne nous ont laissé dans des pages toutes souillées de forfaits que la triste et exécrable histoire de leurs vices et de leurs crimes, tandis que de petites républiques, pour ainsi dire inaperçues dans l'Archipel, ont joui d'une existence longue et heureuse, et ont su conquérir l'admiration et l'estime de vingt siècles qui se › sont depuis écoulés, parce qu'elles ont eu des législateurs toujours pénétrés de ces principes de philosophie et de vertu.

"Tels sont les sublimes modèles qui doivent être toujours présens à nos esprits. Ainsi nous ne souffrirons jamais qu'on appelle les mouvemens qui se font contre la loi sainte insurrection, mais révolte; ainsi nous n'appellerons jamais ceux qui s'arment de torches et de poignards potriotes, mais bri

gands: le patriotisme ne porte pas la hache et les flambeaux ; il a dans une main le livre de la loi, et dans l'autre l'épée renfermée dans son fourreau, et cette épée il ne la tire que lorsque la loi a parlé. Ainsi nous rejetterons avec horreur tous ceux qui viendraient nous proposer le parjure comme un moyen de salut public; ainsi nous sévirons contre toutes les factions, quels que soient leurs motifs ou leurs prétextes, et nous les soumettrons toutes à la loi, parce que c'est dans la loi et ce n'est que dans elle qu'est le salut de tous; ainsi ces hideuses disputes de deux partis cesseront dans toute la France comme elles ont depuis longtemps cessé dans cette Ass mblée; ́et, le peuple, l'Assemblée nationale et le gouvernement ne faisant qu'un, tout sera sauvé!

» Les puissances ont cru nous intimider ou nous diviser en provoquant la guerre ; elles n'ont pas senti qu'elle était au contraire le signal de ralliement de tous les partis, et Vinfaillible remède de toutes les divisions. Nous aurons aussi à prévenir le zèle impétueux qui pourrait entraîner nos concitoyens sur les frontières s'ils apprenaient la défaite de l'une de nos armées, si les satellites de l'Autriche avaient l'insolence de violer le territoire d'un peuple libre, ne fût-ce que dans un seul arpent, vous verriez des multitudes de Français armés descendre comme des torrens de toutes les montagnes, sortir de toutes les forêts inonder toutes les plaines, se précipiter sur le tertitoire ennemi; et peut-être que, grossis de tous les peuples reconnaissans qu'ils auraient délivrés, on les verrait traverser l'Allemagne, et aller se reposer dans Vienne!

» On a bien vu jusqu'à présent des guerres entreprises pour quelques arpens de terre, pour des côtes désertes, pour le choix d'un nouveau maître, pour satisfaire à des intrigues de › cour, à des passions personnelles telles ont été les causes du massacre de plusieurs millions d'hommes: mais ce qu'on n'a jamais vu c'est le spectacle de vingt-quatre millions d'hommes qui se sont donnés des lois nouvelles, qui ont juré de vivre libres ou de mourir; qui ont supporté pendant trois années les outrages des puissances et l'impie violation des traités les plus solennels, et qui enfin, poussés à bout, tirent leur épée et disent aux peuples: Nous venons vous délivrer ; soyez libres nous!

par

Soyez nos amis et nos frères!-Et aux tyrans :-Vous périrez, car c'est vous qui provoquez des hommes de paix à la guerre! -Qui sait quelle est la puissance d'un tel levier, et si par lui

nous ne pouvons pas réunir le monde entier si nous avons le monde entier pour ennemi? Le Belge, le Batave, le Germain, vingt peuples opprimés nous appellent et nous attendent: regarderont-ils comme leurs ennemis ceux qui ne veulent être que` leurs libérateurs, ceux qui offriront les premiers le spectacle de l'humanité au milieu de la guerre, et ne considéreront-ils pas au contraire l'entrée des Français dans leur pays comme une visite de famille? Qui sait si les armées étrangères ne feront pas cette réflexion si simple que leur intérêt n'est pour rien dans la guerre à laquelle on veut les livrer, et que si leurs rois ont entre eux quelques disputes c'est à eux seuls à les vider? Qui sait si ces armées ne préféreront pas au joug d'une discipline barbare l'air et le sol de la liberté, l'hospitalité et les biens que nous leur offrons, et si les soldats de Bender, devenus citoyens français, ne viendront pas goûter les douceurs et l'ombrage de Chantilly? On voit bien comment cette guerre commence; mais qui peut prédire comment elle finira! Qui sait si cette tragédie n'aura pas pour dénouement le renversement de dix trônes, si dix trônes se déclarent contre nous ? Mais ce que nous savons tous c'est qu'il n'est nulle puissance sur la terre capable d'intimider ou d'asservir un grand peuple qui, fort de sa liberté et de son courage, veut rester maître chez lui! Ce n'est pas sur nos forts et nos citadelles que je fonde nos plus certaines espérances; le plus sûr gardien de la liberté c'est un rempart d'hommes vertueux dévoués à la mort. On vit durant plusieurs siècles la barbarie descendre du septentrion avec des hordes sauvages la faim chassait des antres du nord: il est temps que les que lumières et la liberté remontent du sud vers le nord avec un peuple civilisé qui n'éprouve d'autre besoin que celui de voir les hommes heureux. Nous respecterons les gouvernemens des nations alliées ou neutres, et nous ne souffrirons pas surtout qu'on outrage ici le peuple anglais, en soupçonnant qu'il puisse prendre une part active dans cette guerre comme garant de ce qu'on appelle la constitution belgique : ce qu'il a garanti avant tout c'est la justice, ce sont les droits de l'homme, et dans

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cette grande lutte entre la liberté et l'esclavage son gouvernement ne trouverait pas un bras assez lâche pour s'armer et défendre la cause des esclaves. Cette nation est grande, elle est fière, elle est généreuse; elle nous contemple avec cet intérêt qu'on prend à un jeune homme ardent qui dès son aurore annonce une hardiesse et une fécondité de génie qui présagent qu'il remplira de grandes destinées, et qu'il changera un jour la face du monde. Qu'il me soit permis de rendre ici au nom de la nation française cet hommage au peuple anglais, chez qui je respirai le premier air de la liberté, et trouvai l'exemple des plus mâles vertus !

» Je vous ai présenté, messieurs, un abrégé historique des troubles; j'en ai vu les causes dans l'ancien despotisme, dans la mollesse du gouvernement qui lui a succédé, dans le mauvais choix qu'il a fait de ses agens, dans la révolte des ministres du culte dissident, dans la mauvaise volonté d'un grand nombre de tribunaux, dans les vices de l'organisation judiciaire, dans l'insurrection de plusieurs petites municipalités contre les administrations supérieures, dans l'insuffisance de pouvoir de ces administrations, dans le vagabondage des brigands, dans l'oisiveté d'un grand nombre d'hommes dont la révolution a supprimé les emplois ou suspendu l'industrie, dans l'allanguissement du commerce et de la marine.

» Les remèdes applicables à ces maux sont éclairer les esprits, occuper les bras, raffermir les autorités, accélérer la forme des procédures, comprimer l'anarchie.

»Pour y parvenir votre comité vous proposera un système de moyens généraux : l'instruction, l'ouverture des canaux dans tous les départemens qui en demanderont, des primes à accorder aux terres en friche ou inondées qui seront mises en valeur, l'établissement de manufactures nationales dans les départemens, des encouragemens à accorder au commerce français dans le nord, le partage instant des communaux, un juste adoucissement aux conditions du rachat des droits féodaux, le raffermissement du gouvernement et des administrations supérieures.

» Les moyens particuliers seront une loi contre les prêtres révoltés, contre les juges négligens, contre les municipalités

insurgentes, contre ceux qui refuseront de prendre les armes, contre les officiers de police qui négligeront de faire arrêter les brigands, contre ceux qui sonneront le tocsin ou qui battront la générale sans réquisition légale, contre ceux qui taxeront arbitrairement le prix des marchandises. Votre comité vous proposera aussi une loi qui augmentera les émolumens des juges de paix,qui leur assurera dans les campagnes une garde qui garantira d'une manière plus spéciale les propriétés nationales et celles que la nation a mises sous sa main, qui soumettra les tribunaux à une nouvelle surveillance, qui mettra de nouveaux moyens dans les mains des administrations supérieures pour pacifier les communes, et arrêter le cours des dévastations et des brigandages.

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Ce rapport de M. Français obtint presque à chaque phrase des applaudissemens unanimes; peu de discours produisirent autant d'effet; l'envoi dans tous les départemens en fut décrété par acclamation. En quittant la tribune l'orateur demanda quelques jours pour soumettre à l'Assemblée les projets de la commission, dont la rédaction n'était point terminée; le 5 mai il lui présenta celui relatif aux prêtres, en l'appuyant de nouveaux développemens.

Suite du RAPPORT de M. Français (de Nantes) sur les troubles intérieurs, fait au nom de la commission des douze. (Séance du 5 mai 1792.)

« Le projet de loi que le comité vient soumettre à votre discussion renferme des dispositions sur les prêtres dissidens qui sont tellement importantes que le salut public dépend peut-être de la détermination que vous allez prendre.

» Il faut se dépouiller ici de toute passion, considérer avec froideur ces objets prétendus religieux, qui ne peuvent enflammer que des imaginations malades; mesurer par la pensée le mal dans toute son étendue, mais le resserrer dans ses justes bornes; examiner ce que la liberté peut tolérer et ce qu'elle doit défendre, peser ce que la justice exige et ce que l'humanité ordonne; mais surtout écouter ce que le salut de la patrie commande; il faut voir si la rigueur est ici tellement nécessaire que sans elle le salut public fût compromis : toute rigueur que

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