les époques des opérations que cette convocation nécessite, quoiqu'elle ait accéléré le moment où elle doit cesser de porter le poids de la chose publique, de manière à éviter le plus léger soupçon de vues ambitieuses, le terme de quarante jours aurait encore exposé la patrie à de grands malheurs, et le peuple à des mouvemens dangereux, si l'on eût laissé au roi l'exercice des pouvoirs que la Constitution lui a conférés ; et la suspension de ces pouvoirs a paru aux représentans du peuple le seul moyen de sauver la France et la liberté. En prononçant cette suspension nécessaire l'Assemblée n'a point excédé ses pouvoirs : la Constitution l'autorise à la prononcer dans le cas d'absence du roi, lorsque le terme où cette absence entraîne une abdication légale n'est pas encore arrivé, c'est à dire dans le cas où il n'y a pas lieu encore à une résolution définitive, mais où une rigueur provisoire est évidemment nécessaire, où il serait absurde de laisser le pouvoir entre des mains qui ne peuvent plus en faire un usage libre et utile ; or ici ces conditions se réunissent avec la même évidence que dans le cas prévu par la Constitution même, et en nous conduïsant d'après les principes qu'elle a tracés nous lui avons obéi, bien loin d'y avoir porté une atteinte contraire à nos sermens. » La Constitution a prévu que toute cumulation de pouvoirs était dangereuse, et pouvait changer en tyrans du peuple ceux qui ne doivent en être que les représentans ; mais elle a jugé aussi que ce danger supposait un long exercice de cette puissance extraordinaire, et le terme de deux mois est celui qu'elle a fixé pour tous les cas où elle permet cette réunion, que d'ailleurs elle a si sévèrement proscrite. >>> L'Assemblée nationale, loin de prolonger cette durée, l'a réduite à quarante jours seulement; et loin d'excéder le terme fixé par la loi, en s'appuyant sur l'excuse de la nécessité, elle a voulu se réduire dans des limites encore plus étroités. Lorsque le pouvoir de sanctionner les lois est suspendu la Constitution a prononcé que les décrets du corps législatif en auraient par eux-mêmes le caractère et l'autorité ; et puisque celui à qui la Constitution avait attribué le choix des ministres ne pouvait plus exercer ses fonctions, il fallait qu'une loi nouvelle remît ce choix en d'autres mains; l'Assemblée s'en est attribué le droit à elle-même, parce que ce droit ne peut être donné qu'à des électeurs qui appartiennent à la nation entière, et qu'eux seuls en ce moment ont ce caractère; mais elle n'a pas voulu qu'on pût même la soupçonner d'avoir cherché, en se conférant ce pouvoir, à servir des vues ambitieuses et personnelles; elle a décrété que l'élection se ferait à haute voix, que chacun de ses membres prononcerait son choix devant la représentation nationale, devant les citoyens nombreux qui assistent à ses séances; elle a voulu que chacun de ses membres eût pour juges ses collègues, lé public pour témoin, et qu'il répondît de son choix à la nation entière. Français, réunissons toutes nos forces contre la tyrannie étrangère, qui ose menacer de sa vengeance vingt-six millions d'hommes libres! Dans six semaines un pouvoir que tout citoyen reconnaît prononcera sur nos divisions: malheur à celui qui, écoutant pendant ce court espace des sentimens personnels, ne se dévouerait pas tout entier à la défense commune, qui ne verrait pas qu'au moment où la volonté suprême de peuple va se faire entendre nous n'avons plus pour ennemis que conspirateurs de Pilnitz et leurs complots! les » C'est au milieu d'une guerre étrangère, c'est au moment où des armées nombreuses se préparent à une invasion formidable que nous appelons les citoyens à discuter dans une paisible assemblée les droits de la liberté : ce qui eût été téméraire chez un autre peuple ne nous a point paru au-dessus du courage et du patriotisme des Français; et sans doute nous n'aurons pas la douleur de nous être trompés en vous jugeant dignes d'oublier tout autre intérêt pour celui de la liberté, de sacrifier tout autre sentiment à l'amour de la patrie! 1 Citoyens, c'est à vous à juger si vos représentans ont exercé pour votre bonheur les pouvoirs que vous leur avez confiés, s'ils ont rempli votre vœu en faisant de ces pouvoirs un usage qu'eux ni vous n'aviez pu prévoir; pour nous, nous avons rempli notre devoir, en saisissant avec courage le seul moyen de conserver la liberté qui se soit offert à notre pensée; prêts à mourir pour elle au poste où vous nous avez placés, nous emporterons du moins en le quittant la consolation de l'avoir bien servie! Quelque jugement que nos contemporains ou la postérité puissent porter de nous, nous n'aurons pas à craindre celui de notre conscience; à quelque danger que nous soyons exposés, il nous restera le bonheur d'avoir épargné les flots de sang français qu'une conduite plus faible aurait fait couler; nous échapperons du moins aux remords, et nous n'aurons pas à nous reprocher d'avoir vu un moyen de sauver la patrie et de n'avoir osé l'embrasser ! »> L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX FRANçais. ( Adresse présentée par M. Delaunay d'Angers, décrétée et publiée le 19 août 1792.) << Lorsque les représentans du peuple, placés entre une conjuration puissante qui voulait les disperser pour ensevelir la liberté sous les cadavres de ses défenseurs, et le vœu de cent mille citoyens qui demandaient la déchéance du roi, ont cru ne devoir céder ni au zèle trop ardent des amis de la liberté ni aux menaces de ses ennemis; lorsque, fermes au milieu des plus grands orages, ils ont voulu, bravant tous les dangers, sauver la patrie et rester fidèles à leurs sermens, ils prévoyaient bientôt une lumière terrible éclairerait tous les complots, que que la France entière bénirait à la fois et leur modération et leur justice. et >> La suspension du roi était le seul moyen de mettre au grand jour les trahisons d'une cour conspiratrice, qui espérait couvrir tous ses crimes du voile de l'inviolabilité constitutionnelle; et ce voile est déchiré ! » Le roi s'opposait-il par un acte formel aux entreprises contre la nation lorsqu'il soudoyait aux dépens du peuple ses anciens gardes, réunis à Coblentz en corps de troupe, prenant sur une terre étrangère le titre de gardes du roi de France, et affichant avec insolence et leur zèle pour leur roi, et leurs projets contre leur patrie? S'opposait-il par un acte formel aux entreprises des émigrans lorsqu'il faisait placarder des affiches en leur nom, ou lorsqu'il pensionnait des hommes occupés de lui préparer les moyens de fuir vers les frontières, ou lorsque, dans leur con respondance secrète, ses frères l'invitaient à continuer de tromper le peuple? Enfin s'opposait-il par un acte formel aux entreprises faites en son nom par les puissances étrangères lorsqu'il payait de vils écrivains. pour avilir les assignats, et anéantir en les discréditant tous nos moyens de défense? » N'avait-il pas rétracté le serment de maintenir la Constitution lorsqu'il cherchait à rassembler auprès de lui la minorité des députés, à les rendre l'instrument servile de ses projets, et à créer, pour détruire la Constitution, un simulacre de représentation nationale? » N'avait-il pas rétracté ce serment lorsqu'il cherchait à captiver par des signatures secrètes, machinées dans des réunions de députations particulières, ce vœu que, suivant la Constitution, les représentans du peuple ne doivent émettre que dans une assemblée générale et publique? » N'avait-il pas rétracté son serment lorsqu'il rassemblait dans son palais des troupes étrangères au mépris de la Constitution, lorsqu'il s'assurait de leur obéissance par une paie additionnelle et secrète, lorsqu'enfin de perfides insinuations les forçaient à violer les ordres de leurs souverains et triomphaient de leur répugnance à verser le sang français ? » N'était-ce pas encore avoir rétracté ce serment que de récompenser les officiers qui refusaient d'accepter des places dans l'armée nationale, et promettaient de servir le roi contre la nation? Chargé par la loi du maintien de la tranquillité publique, remplissait-il son serment lorsqu'il payait sur la liste civile des folliculaires, des libellistes, des afficheurs chargés en son nom d'employer les plus vils moyens de la troubler? » Ainsi, dès le premier moment où la suspension du pouvoir royal a permis de fouiller dans ces repaires jusqu'alors couverts par son inviolabilité, ce grand acte de justice autant que de prudence a été justifié par les machinations secrètes qu'il a dévoilées, comme il l'était d'avance par les faits publics qui l'avaient rendu nécessaire. » Fallait-il donc, par un superstitieux respect pour la Cons. titution, laisser paisiblement le roi et ses conseillers perfides détruire là liberté française, et la Constitution avec elle? Fal lait-il, dociles aux sophismes d'un parti dont le masque est enfin tombé, confondre avec une violation coupable de la Constitution la convocation du souverain, à qui appartient le droit imprescriptible de la réforme? Non, sans doute, et puisque la trahison du roi et de ses complices a pu acquérir une évidence irrésistible, quels reproches pourrait-on adresser encore à ceux qui, à la fois convaincus d'avance de cette trahison, et ne pouvant réunir entre leurs mains les moyens de la prouver, ont su en prévenir les effets, et ont eu l'impartiale équité dé laisser à d'autres le soin de la juger? que » Ce respect hypocrite pour la loi qu'affectaient les conspirateurs des Tuileries, et dont leurs complices ou leurs dupes osent encore se servir dans quelques portions de l'empire, n'est donc plus qu'une dérision perfide! Qui oserait encore se plaindre le soin de repousser les ennemis du dehors ait été enlevé à un roi convaincu d'avoir soudoyé une partie de leur armée, et que le devoir de maintenir la tranquillité publique ne soit plus confié à celui qui se servait des bienfaits de la nation pour anéantir le crédit public, pour susciter des mouvemens populaires, pour semer les divisions et les troubles. " Citoyens, on vous parle de vous rallier auprès de la Constitution, c'est à dire, dans le sens des conspirateurs, de remettre encore une fois vos destinées aux mains d'un roi parjure, au moment même où la volonté souveraine du peuple, légalement interrogée, est prête à se manifester! On vous invitę, sous le masque de l'amour pour la loi, à ne pas reconnaître l'autorité de vos représentans, lorsque, venant de l'abdiquer avant le terme, ils n'attendent pour cesser leurs fonctions que des successeurs investis par vous du pouvoir de sauver la liberté ! Mais vous saurez éviter ces piéges grossiers; vous ne balancerez point entre ceux qui ont défendu vos droits et ceux qui les ont trahis, entre ceux qui vous ont remis les pouvoirs émanés de vous, ceux qui en ont abusé pour vous asservir; vous ne balancerez point entre une anarchie funeste et la soumission à l'autorité des représentans élus du peuple, autorité provisoirement légitime par elle-même du moment où l'appel au vœu national a été prononcé ; vous vous réunirez à nous pour vivre ou mourir libres, pour combattre avec nous les armées de nos courtisans ྃ་* C et |