tradictoires, dont l'un l'obligeait à donner du secours à la France, et l'autre l'engageait à l'attaquer, traités qu'il ne pouvait concilier sans avouer l'intention de séparer le roi de la nation, et de faire regarder la guerre contre le peuple français comme un secours donné à son allié. La réponse de l'empereur augmenta les défiances que cette combinaison de circonstances rendait si naturelles : il y répétait contre l'Assemblée des représentans du peuple français, contre les sociétés populaires établies dans nos villes, les absurdes inculpations dont les émigrés, dont les partisans du ministère français fatiguent depuis longtemps les presses contre-révolutionnaires; il protestait de son désir de rester l'allié du rọi, et il venait de signer une nouvelle ligue contre la France en faveur de l'autorité du roi des Français ! » Ces ligues, ces traités, les intrigues des émigrés, qui les avaient sollicités au nom du roi, avaient été cachés par les ministres aux représentans du peuple; aucun désaveu public de ces intrigues, aucun effort pour prévenir ou dissiper cette conjuration de monarques n'avaient montré, nì aux citoyens français ni aux peuples de l'Europe, que le roi avait sincèrement uni sa cause à celle de la nation. » Cette connivence apparente entre le cabinet des Tuileries et celui de Vienne frappa tous les esprits; l'Assemblée nationale crut devoir examiner avec sévérité la conduite du ministre des affaires étrangères, et un décret d'accusation fut la suite de cet examen : ses collègues disparurent avec lui, et le conseil du roi fut formé de ministres patriotes. » Le successeur de Léopold suivit la politique de son père : il voulait exiger pour les princes possessionnés en Alsace des dédommagemens incompatibles avec la Constitution française, et contraires à l'indépendance de la nation; il voulait que la France trahît la confiance et violât les droits du peuple avignonais ; il annonçait enfin d'autres griefs qui ne pouvaient, disaitil, se discuter avant d'avoir essayé la force des armes. » Le roi parut sentir que cette provocation à la guerre ne pouvait être tolérée sans montrer une honteuse faiblesse ; il parut sentir combien était perfide ce langage d'un ennemi qui semblait ne s'intéresser à son sort et ne désirer son alliance que pour jeter entre lui et le peuple des semences de discorde, capables d'énerver nos forces et d'en arrêter ou d'en troubler les mouvemens ; il proposa la guerre, de l'avis unanime de son conseil, et la guerre fut décrétée. »En protégeant les rassemblemens d'émigrés, en leur permettant de menacer nos frontières, en montrant des troupes toutes prêtes à les seconder en cas d'un premier succès, en leur préparant une retraite, en persistant dans une ligue menaçante, le roi de Hongrie obligeait la France à des préparatifs de défense ruineux; épuisait ses finances, encourageait l'audace des conspirateurs répandus dans les départemens, y excitait les inquiétudes des citoyens, et par là y fomentait, y perpétuait le trouble: jamais des hostilités plus réelles n'ont légitimé la guerre, et la déclarer n'était que la repousser. » L'Assemblée nationale put alors juger jusqu'à quel point, malgré des promesses si souvent répétées, tous les préparatifs de défense avaient été négligés ; néanmoins les inquiétudes, les défiances s'arrêtaient encore sur les anciens ministres, sur les conseils secrets du roi; mais on vit bientôt les ministres patriotes contrariés dans leurs opérations, attaqués avec acharnement par les partisans de l'autorité royale, par ceux qui faisaient parade d'un attachement personnel pour le roi. » Nos armées étaient tourmentées par des divisions politiques; on semait la discorde parmi les chefs des troupes comme entre les généraux et le ministère : on voulait transformer en instrumens d'un parti, qui ne cachait pas le désir de substituer sa volonté à celle des représentans de la nation, ces mêmes armées destinées à la défense extérieure du territoire français, au maintien de l'indépendance nationale. » Les machinations des prêtres, devenues plus actives au moment de la guerre, rendaient indispensable une loi repressive; elle fut portée. » La formation d'un camp entre Paris et les frontières était une disposition heureusement combinée pour la défense extérieure, en même temps qu'elle servait à rassurer les départemens intérieurs et à prévenir les troubles que leurs inquiétudes auraient pu produire; la formation de ce camp fut ordonnée : mais ces deux décrets furent repoussés par le roi, et les ministres patriotes furent renvoyés. » La Constitution avait accordé au roi une garde de dix-huit cents hommes, et cette garde manifestait avec audace un incivisme qui indignait ou effrayait les citoyens; la haine de la Cons. titution, et surtout celle de la liberté, de l'égalité, étaient les meilleurs titres pour y être admis. » L'Assemblée fut forcée de dissoudre cette garde pour prévenir et les troubles qu'elle ne pouvait manquer de causer bientôt, et les complots de contre-révolution dont il ne se manifestait déjà que trop d'indices. » Le décret fut sanctionné; mais une proclamation du roi donnait des éloges à ceux mêmes dont il venait de prononcer le licenciement, à ceux qu'il avait reconnus pour des hommes justement accusés d'être les ennemis de la liberté. » Les nouveaux ministres excitaient de justes défiances, et comme ces défiances ne pouvaient plus s'arrêter sur eux, elles portèrent sur le roi lui-même. L'application du refus de sanction aux décrets nécessités par les circonstances, et dont l'exécution doit être prompte et cesser avec elles, fut regardée dans l'opinion générale comme une interprétation de l'acte constitutionnel contraire à la liberté et à l'esprit même de la Constitution. L'agitation du peuple de Paris devint extrême; une foule immense de citoyens se réunirent pour former une pétition : ils y sollicitaient le rappel des ministres patriotes, et la rétractation du refus de sanctionner des décrets en faveur desquels l'opinion publique s'était hautement manifestée. Ils demandèrent à défiler en armes devant l'Assemblée nationale après que leurs députés auraient lu la pétition; cette permission, que d'autres corps armés avaient déjà obtenue, leur fut accordée. Ils désiraient présenter au roi la même pétition, et la présenter sous les formes établies par la loi; mais, au moment où des officiers municipaux venaient leur annoncer que leurs députés, d'abord refusés, allaient être admis, la porte s'ouvrit, et la foule se précipita dans le château. Le zèle du maire de Paris, l'ascendant que ses vertus et son patriotisme lui donnent sur les citoyens, la présence des réprésentans du peuple, dont les députations successives entourèrent constamment le roi, prévinrent tous les désordres, et peu de rassemblemens aussi nombreux en ont moins produit. >> Le roi avait arboré les enseignes de la liberté ; il avait rendu justice aux citoyens en déclarant qu'il se croyait en sûreté au milieu d'eux. Le jour de la fédération approchait; des citoyens de tous les départemens devaient se rendre à Paris, y jurer de maintenir cette liberté pour laquelle ils allaient combattre sur les frontières : tout pouvait encore se réparer; mais les ministres ne virent dans les événemens du 20 juin, qu'une occasion favorable de semer la division entre les habitans de Paris et ceux des départemens, entre le peuple et l'armée, entre les diverses portions de la garde nationale, entre les citoyens qui restaient dans leurs foyers et ceux qui volaient à la défense de l'Etat. Dès le lendemain le roi changea de langage: une proclamation calomnieuse fut distribuée avec profusion dans les armées ; un de leurs généraux vint au nom de la sienne demander vengeance et désigner ses victimes; un assez grand nombre de directoires de département, dans des arrêtés inconstitutionnels, laissèrent entrevoir leur projet formé dès longtemps de s'élever comme une puissance intermédiaire entre le peuple et ses représentans, entre l'Assemblée nationale et le roi. Des juges de paix commencèrent dans le château même des Tuileries une procédure ténébreuse dans laquelle on espérait envelopper ceux des patriotes dont on redoutait le plus la vigilance et les talens : déjà l'un de ces juges avait essayé de porter atteinte à l'inviolabilité des représentans du peuple, et tout annonçait un plan adroitement combiné pour trouver dans l'ordre judiciaire un moyen de donner à l'autorité royale une extension arbitraire. Des lettres du ministre de l'intérieur ordonnaient d'employer la force contre les fédérés qui viendraient faire à Paris le serment de combattre pour la liberté, et il a fallu toute l'activité de l'Assemblée nationale, tout le patriotisme de l'armée, tout le zèle des citoyens éclairés pour prévenir les effets funestes de ce projet désorganisateur, qui pouvait allumer la guerre civile. Un mouvement de patriotisme avait éteint dans une réunion fraternelle les divisions qui s'étaient manifestées trop souvent dans l'Assemblée nationale et il pouvait en naître encore un moyen de salut; les poursuites commencées de l'ordre du roi, à la requête de l'intendant de la liste civile, pouvaient être arrêtées; le vertueux Pétion, puni par une suspension injuste d'avoir épargné le sang du peuple, pouvait être rétabli par le roi, et il était possible que cette longue suite de fautes et de trahison retombât encore tout entière sur ces conseillers perfides auxquels un peuple confiant avait la longue habitude d'attribuer tous les crimes de nos rois. » L'Assemblée nationale vit alors que le salut public exigeait des mesures extraordinaires. » Elle ouvrit une discussion sur les moyens de sauver la patrie; elle institua une commission chargée de les méditer et de les préparer. » La déclaration que la patrie était en danger appelait tous les citoyens à la défense commune, tous les fonctionnaires publics à leurs postes ; et cependant, au milieu des plaintes sans cesse répétées sur l'inaction du gouvernement, sur la négligence ou la mauvaise combinaison des préparatifs de guerre, sur des mouvemens des armées inutiles ou dangereux, dont le but avoué était de favoriser les combinaisons politiques d'un des généraux, on voyait des ministres inconnus ou suspects se succéder rapidement, et présenter sous de nouveaux noms la même inactivité et les mêmes principes. >> Une déclaration du général ennemi, qui dévouait à la mort tous les hommes libres, et promettait aux lâches et aux traîtres sa honteuse protection, devait augmenter les soupçons : l'ennemi de la France n'y semblait occupé que de la défense du roi des Français ; vingt-six millions d'hommes n'étaient rien pour lui auprès d'une famille privilégiée; leur sang devait couvrir la terre pour venger les plus faibles outrages; et le roi, au lieu de témoigner son indignation contre un manifeste destiné à lui enlever la confiance du peuple, semblait n'y opposer qu'à regret un froid et timide désaveu ! >> Qui donc pourrait s'étonner que la défiance contre le chef suprême du pouvoir exécutif ait inspiré aux citoyens le désir de ne plus voir les forces destinées à la défense commune à la disposition du roi, au nom duquel la France était attaquée, et le soin de maintenir sa tranquillité intérieure confié à celui dont |