comme le complément de la liberté, et le dernier terme de perfection de l'ordre social. >> On doit craindre enfin qu'une nation, s'exagérant ou des imperfections auxquelles aucun ouvrage humain ne peut échapper, ou ces désordres inséparables de toute institution nouvelle, ne s'expose à gâter par une imprudente précipitation ce que le temps et les lumières auraient sûrement amélioré. » Les représentans du peuple ont dû compter au nombre de leurs devoirs le soin de le prémunir contre ces suggestions et ces erreurs, et de lui exposer quelle est cette souveraineté dont il s'est réservé l'exercice, comment il peut user de cette portion de ses droits que la loi adoptée par lui-même lui a réservée tout entière, et comment enfin une section séparée du peuple peut exercer ce même droit sans entreprendre sur le droit égal d'une autre section, sans altérer cette unité sociale qu'il est dans le cœur de tous les Français de respecter et de maintenir. » Ils lui parleront non le langage de la loi, car elle n'a rien prononcé, et celle qui réglerait l'exercice du droit souverain du peuple est au delà des limites de leurs pouvoirs; mais ils lui parleront le langage de la raison, avec d'autant plus d'espérance d'en être écoutés qu'élus par lui pour faire des lois et veiller à ses plus grands intérêts, ils sont en droit de croire qu'il les a jugés dignes de sa confiance, au moins par leur patriotisme; et leur conscience les assure qu'ils ont dû la con server. C » Le droit de fixer les règles générales auxquelles seront assujéties les actions qui ne peuvent être abandonnées à la volonté individuelle, ou qui doivent être faites au nom de la société et par ses agens, ce droit, qui constitue ce qu'on appelle la souveraineté, appartient au peuple, c'est à dire à l'universalité des citoyens qui occupent un territoire, et ne peut appartenir qu'à lui. » Il peut déléguer l'exercice de ce droit inaliénable; et alors, comme il conserve pour cette portion même celui de retirer les pouvoirs qu'il a donnés, son droit reste toujours dans toute sa plénitude et son indépendance absolue: mais s'il a délégué quelques unes de ses fonctions souveraines, l'ordre naturel des choses exige qu'il déclare sa volonté de s'en ressaisir avant de les exercer par lui-même ou de les remettre en d'autres mains. # » Ainsi le peuple français, qui a délégué le pouvoir législatif, ne peut exercer ce pouvoir, ne peut faire une loi sans avoir révoqué cette délégation; mais comme il n'a pas délégué celui de changer les lois inserées dans l'acte constitutionnel, l'exercice de ce droit est demeuré tout entier entre ses mains; cette portion du pouvoir souverain peut être exercée par lui sans réserve, et elle ne peut l'être que par lui ou par ceux aux¬ quels il voudrait la confier. » Puisque la souveraineté n'appartient qu'au peuple entier, une section quelconque du peuple ne peut, pour les portions déléguées de cette souveraineté, émettre qu'un seul vœu, ne peut que prononcer une opinion; car tant que la pluralité du peuple n'a pas retiré cette délégation chacune de ses portion's doit la regarder comme légitime, et reconnaître les pouvoirs établis pour la volonté générale. 1.1 » Mais s'il est question de cette portion de souveraineté dont l'exercice est resté tout entier entre les mains du peuple, alors chacune de ses sections peut non seulement énoncer une opinion, mais peut aussi manifester une volonté, à la condition toutefois que cette volonté ne puisse devenir efficace, ne puisse être une règle de conduite pour ceux mêmes qui l'ont manifestée, ne puisse les dispenser de se soumettre à l'ordre établi tant qu'il ne sera pas constant que cette volonté est conforme au vou de la majorité, solennellement recueilli, constaté et déclaré a ").b » La loi existante est elle-même la volonté souveraine du peuple, et toutes les sections qui la composent doivent y rester soumises jusqu'au moment où une nouvelle expression de cette volonté souveraine leur aura imposé d'autres devoirs. » Ainsi, par exemple, si la volonté d'une section du peuple est de retirer des pouvoirs qu'il a délégués, cette section ne peut cependant les ôter aux agens à qui elle-même les aurait confiés par une élection; car dans cette élection elle n'a point exercé un acte de souveraineté, mais exécuté une loi, une détermination de la volonté générale. Lorsque l'universalité d'une nation a voté dans des assem blées convoquées suivant une forme établie par la loi, et formées de sections du peuple déterminées aussi par la loi, alors le vœu de la majorité des citoyens présens à ces assemblées, ou celui de la majorité de ces assemblées, est l'expression de la volonté nationale, et l'absence volontaire des autres citoyens devient une preuve de leur adhésion préalable au vœu de cette majorité. » Mais si ces assemblées se sont formées spontanément l'absence des citoyens n'est plus une preuve suffisante de leur renonciation momentanée à l'exercice de leurs droits, et le vœu de la majorité réelle des citoyens peut seul être l'expression de la volonté nationale. » De quelque manière que le vœu du peuple soit recueilli, la même distinction subsiste toujours entre une émission régulière, uniforme, et une émission spontanée. » En effet, un premier consentement unanime, fondé sur l'évidence d'une nécessité absolue, soumet la minorité des citoyens au vœu de la majorité, et la volonté du plus grand nombre devient réellement la volonté de tous; mais il faut ou que tous les suffrages aient été comptés, ou qu'en vertu d'un consentement semblable, également fondé sur la nécessité, la volonté de ceux qui n'ont point voté se soit confondue avec celle de la majorité, de manière que celle-ci soit encore la volonté universelle, unanime du peuple entier. » Enfin, puisque le droit de souveraineté appartient à toutes les sections du peuple prises collectivement, et leur appartient avec la plus entière égalité, il en résulte qu'aucune d'elles n'a le droit ni de recueillir, ni de constater, ni de déclarer l'expression de la volonté nationale. » S'il n'existait aucune représentation générale ce serait à l'évidence seule, au concours des volontés, à la confiance mutuelle qu'il appartiendrait de prononcer, et un premier vœu spontané serait nécessaire; mais lorsqu'il existe une représentation générale c'est à ceux qui la composent que par la nature même des choses appartient le droit, non de former ou même d'interpréter la volonté nationale, mais de la déclarer après l'avoir recueillie et constatée. » Et si cette volonté n'est pas évidente, si elle n'est pas for mellement prononcée, c'est à eux encore d'avertir alors le peuple qu'il faut que sa volonté soit connue pour qu'elle soit exécutée, et que pour qu'elle soit connue il faut qu'il donne à des représentans le pouvoir ou de prononcer en son nom, ou de le consulter sous des formes qui amènent nécessairement une décision. » Lorsque de grands intérêts peuvent faire désirer de connaître la volonté nationale avec une entière certitude de dissiper tous les nuages, d'étouffer toutes les réclamations, il est aisé de sentir combien il est important qu'elle puisse se manifester dans des assemblées régulièrement convoquées, qui peuvent seules offrir des moyens prompts de recueillir le vœu des citoyens, ou des moyens sûrs de le constater et quand il existe une représentation générale c'est encore à elle qu'il appartient non d'ordonner, mais d'indiquer cette convocation. Si cependant une grande portion du peuple en avait marqué la volonté, si les représentans ne l'avaient pas écoutée, alors cette prérogative, qu'ils tiennent non d'un droit réel, mais de la confiance dont ils sont les dépositaires présumés, mais de la loi, de l'utilité commune, cesserait avec cette confiance, avec cette utilité; et le premier vœu spontané du peuple serait encore l'expression légitime de la volonté nationale. >> Ce serait sans doute une loi utile, nécessaire au maintien de la paix, à la conservation des droits du peuple, que celle par laquelle, en s'assujétissant à quelques formes simples, il s'assurerait à tous les momens des moyens prompts d'exercer la souveraineté dans toute son étendue, et avec une liberté plus entière. » Mais cette loi n'existe pas; et les représentans actuels du peuple français, prêts à déclarer sa volonté lorsqu'elle leur paraîtra clairement manifestée, doivent cependant, au nom de la patrie, au nom du salut public, inviter toutes les sections qui le composent à respecter la loi, qui, tant qu'elle subsiste, reste toujours leur volonté commune, å se contenter d'exprimer leur opinion ou leur désir, et à ne prononcer une détermination formelle que dans le moment où cette volonté, s'exprimant en même temps dans toutes les portions de l'empire, suivant un mode régulier, uniforme s'il est possible, pourra se former avec plus de maturité, se montrer avec plus de force se reconnaître avec plus de certitude. >> Attentifs à tous les dangers de l'empire, fidèles à leurs sermens, ils sauront également respecter les limites des pouvoirs qu'ils ont reçus du peuple, et tout faire pour remplir le plus sacré des devoirs, celui de sauver la patrie! Etat de Paris au 9 août. Nous avons dit que du moment de la déclartion solennelle du danger de la patrie le peuple et la cour, se regardant comme deux puissances en état d'hostilités, s'étaient préparés à une action décisive, et l'on a vu les causes qui les déterminaient à l'attaque comme à la défense. Le peuple, outre la force irrésistible qui résulte de sa volonté, avait encore de grands avantages: depuis un mois et conformément aux décrets relatifs à la déclaration de la patrie en danger, les sections étaient restées en permanence, et les gardes nationales sous les armes ; dans les assemblées populaires, sur les places publiques, au sein des attroupemens, de véhémens orateurs entretenaient l'irritation des esprits contre la cour. Aux fédérés s'étaient joints les contingens de divers départemens qui se rendaient ou à l'armée ou au camp de Soissons; sur l'appel fait par l'Assemblée nationale Paris avait fourni quinze mille volontaires: ces fédérés et ces volontaires, tous animés du plus ardent patriotisme, tous accessibles au sentiment de la vengeance contre quiconque était soupçonné de trahison, ou seulement de tiédeur dans l'amour de la chose publique, ces fédérés et ces volontaires auraient dû pour la plupart être rendus à leur destination; ils étaient restés à Paris, les uns de leur propre volonté, les autres par l'incurie du pouvoir exécutif, qui n'avait pourvu ni à leur direction ni à leur équipement; tous étaient d'ailleurs retenus dans la capitale par le spectacle qu'elle offrait ; on se préparait à une grande affaire; ils voulaient y prendre part. Les Parisiens et leurs frères des départemens se tenaient unis, embrassés; ils ne formaient plus qu'une population immense, armée, forte surtout de l'unanimité de ses projets et de ses vœux. Jamais |