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des communes et municipalités, de redoubler de zèle et d'activité pour le maintien de l'ordre public, la rentrée des contributions, la sûreté des personnes et des propriétés, et généralement pour remplir tous les objets confiés à leur vigilance et à leur fidélité;

» Ordonne pareillement aux tribunaux civils et criminels, juges de paix et officiers de police de sûreté, de veiller chacun en ce qui le concerne à ce que les lois, dont le dépôt est particulièrement remis à leur vigilance, soient exécutées suivant leur forme et teneur ;

» Rappelle à tous les Français que la loi sur les dangers de la patrie, mettant tous les fonctionnaires publics, civils et militaires en état de réquisition permanente, leur impose l'obligation de remplir leurs devoirs de citoyen avec un nouveau zèle;

» En conséquence invite tous les citoyens actifs à se rendre avec exactitude aux assemblées légales, où ils sont appelés pour émettre leur væu, et payer à la patrie le tribut de leurs lumières ;

» Les invite pareillement à faire leur service en personne dans la garde nationale, à donner force à la loi, à maintenir l'exécution des jugemens, la paix et la tranquillité publique ; les exhorte surtout à un inviolable attachement à la Constitution, à laquelle ils ont juré d'être fidèles.

» Fait au conseil d'état le 7 août 1792, an 4 de la liberté. » Signé Louis, et plus bas DEJOLY. »

Cependant la question de la déchéance, renvoyée à la commission extraordinaire, était sans cesse rappelée à l'attention des législateurs, soit par des pétitionnaires, soit par des membres de l'Assemblée qui convertissaient en motions les demandes faites à la barre : la discussion solennelle en avait enfin été fixée au 9 août. Au moment où elle allait s'ouvrir quelques sections de Paris vinrent désavouer l'adresse présentée le 3 par le maire : plusieurs administrations de département avaient aussi fait parvenir l'expression d'un vœu contraire à celui de la commune de Paris. Cette opposition tardive d'une minorité travaillée avait le double but d'en

traver la discussion, et d'armer les citoyens les uns contre les autres, ce qui serait infailliblement arrivé si la haine contre le pouvoir exécutif eût été moins générale. Au surplus, à l'extrême agitation de la capitale, à l'effrayante exaspération des esprits, il était aisé de prévoir des événemens funestes si la question à l'ordre du jour n'était pas promptement et franchement abordée; aussi plusieurs membres voulaient-ils qu'elle fût traitée sans désemparer; mais la commission ne se crut pas encore suffisamment instruite pour faire son rapport: M. Condorcet, son organe, exposa le danger qu'il y aurait à adopter sur ce point une résolution quelconque avant d'avoir pris des précautions préalables propres à éclairer l'opinion; il proposa comme mesure préparatoire une Instruction dont l'Assemblée décréta l'impression, et l'ajournement de la discussion dans les vingtquatre heures.

INSTRUCTION sur l'exercice du droit de souveraineté, proposée par M. Condorcet. (Séance du 9 août 1792.)

Lorsque la voix des despotes condamne à la mort tout Français qui osera combattre pour sa liberté et pour ses lois; lorsque le peuple croit voir les moyens de défense créés par son dévouement et son courage s'évanouir entre les mains chargées de les diriger; lorsque des complots sans cesse renaissans, lorsqu'une longue suite de trahisons semblent justifier toutes les défiances et légitimer tous les soupçons, on ne doit pas s'étonner sans doute de voir les citoyens n'attendre leur salut que d'eux-mêmes, et chercher une dernière ressource dans l'exercice de cette souveraineté inaliénable du peuple, droit qu'il tient de la nature, et qu'aucune loi légitime ne peut lui ravir.

que

des

>> Mais on doit craindre aussi des hommes agités par passions, fatigués par de longues inquiétudes, ne se laissent entraîner à des erreurs qui pourraient détruire cette unité de volonté et d'action si nécessaire au salut et au bonheur de l'empire; on doit craindre que des sophistes ignorans ou perfides ne présentent aux citoyens des systèmes désorganisateurs

comme le complément de la liberté, et le dernier terme de perfection de l'ordre social.

>> On doit craindre enfin qu'une nation, s'exagérant ou des imperfections auxquelles aucun ouvrage humain ne peut échapper, ou ces désordres inséparables de toute institution nouvelle, ne s'expose à gâter par une imprudente précipitation ce que le temps et les lumières auraient sûrement amélioré.

» Les représentans du peuple ont dû compter au nombre de leurs devoirs le soin de le prémunir contre ces suggestions et ces erreurs, et de lui exposer quelle est cette souveraineté dont il s'est réservé l'exercice, comment il peut user de cette portion de ses droits que la loi adoptée par lui-même lui a réservée tout entière, et comment enfin une section séparée du peuple peut exercer ce même droit sans entreprendre sur le droit égal d'une autre section, sans altérer cette unité sociale qu'il est dans le cœur de tous les Français de respecter et de maintenir.

» Ils lui parleront non le langage de la loi, car elle n'a rien prononcé, et celle qui réglerait l'exercice du droit souverain du peuple est au delà des limites de leurs pouvoirs; mais ils lui parleront le langage de la raison, avec d'autant plus d'espérance d'en être écoutés qu'élus par lui pour faire des lois et veiller à ses plus grands intérêts, ils sont en droit de croire qu'il les a jugés dignes de sa confiance, au moins par leur patriotisme; et leur conscience les assure qu'ils ont dû la con

server.

>> Le droit de fixer les règles générales auxquelles seront assujéties les actions qui ne peuvent être abandonnées à la volonté individuelle, ou qui doivent être faites au nom de la société et par ses agens, ce droit, qui constitue ce qu'on appelle la souveraineté, appartient au peuple, c'est à dire à l'universalité des citoyens qui occupent un territoire, et ne peut appartenir qu'à lui.

» Il peut déléguer l'exercice de ce droit inaliénable; et alors, comme il conserve pour cette portion même celui de retirer les pouvoirs qu'il a donnés, son droit reste toujours dans toute sa plénitude et son indépendance absolue mais s'il a délégué quelques unes de ses fonctions souveraines, l'ordre naturel des choses exige qu'il déclare sa volonté de s'en ressaisir avant de

:

les exercer par lui-même ou de les remettre en d'autres mains.

» Ainsi le peuple français, qui a délégué le pouvoir législatif, ne peut exercer ce pouvoir, ne peut faire une loi sans avoir révoqué cette délégation ; mais comme il n'a pas délégué celui de changer les lois inserées dans l'acte constitutionnel, l'exercice de ce droit est demeuré tout entier entre ses mains; cette portion du pouvoir souverain peut être exercée par lui sans réserve, et elle ne peut l'être que par lui ou par ceux auxquels il voudrait la confier.

» Puisque la souveraineté n'appartient qu'au peuple entier, une section quelconque du peuple ne peut, pour les portions déléguées de cette souveraineté, émettre qu'un seul vœu, ne peut que prononcer une opinion; car tant que la pluralité du peuple n'a pas retiré cette délégation chacune de ses portions doit la regarder comme légitime, et reconnaître les pouvoirs établis pour la volonté générale.

» Mais s'il est question de cette portion de souveraineté dont l'exercice est resté tout entier entre les mains du peuple, alors chacune de ses sections peut non seulement énoncer une opinion, mais peut aussi manifester une volonté, à la condition toutefois que cette volonté ne puisse devenir efficace, ne puisse être une règle de conduite pour ceux mêmes qui l'ont manifestée, ne puisse les dispenser de se soumettre à l'ordre établi tant qu'il ne sera pas constant que cette volonté est conforme au vou de la majorité, solennellement recueilli, constaté et déclaré

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» La loi existante est elle-même la volonté souveraine du peuple, et toutes les sections qui la composent doivent y rester soumises jusqu'au moment où une nouvelle expression de cette volonté souveraine leur aura imposé d'autres devoirs.

» Ainsi, par exemple, si la volonté d'une section du peuple est de retirer des pouvoirs qu'il a délégués, cette section ne peut cependant les ôter aux agens à qui elle-même les aurait confiés par une élection; car dans cette élection elle n'a point exercé un acte de souveraineté, mais exécuté une loi, une détermination de la volonté générale.

» Lorsque l'universalité d'une nation a voté dans des assem

blées convoquées suivant une forme établie par la loi, et formées de sections du peuple déterminées aussi par la loi, alors le vœu de la majorité des citoyens présens à ces assemblées, ou celui de la majorité de ces assemblées, est l'expression de la volonté nationale, et l'absence volontaire des autres citoyens devient une preuve de leur adhésion préalable au vœu de cette majorité.

» Mais si ces assemblées se sont formées spontanément l'absence des citoyens n'est plus une preuve suffisante de leur renonciation momentanée à l'exercice de leurs droits, et le vœu de la majorité réelle des citoyens peut seul être l'expression de la volonté nationale..

» De quelque manière que le vœu du peuple soit recueilli, la même distinction subsiste toujours entre une émission régulière, uniforme, et une émission spontanée.

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En effet, un premier consentement unanime, fondé l'évidence d'une nécessité absolue, soumet la minorité des citoyens au vœu de la majorité, et la volonté du plus grand nombre devient réellement la volonté de tous; mais il faut ou que tous les suffrages aient été comptés, ou qu'en vertu d'un consentement semblable, également fondé sur la nécessité, la volonté de ceux qui n'ont point voté se soit confondue avec celle de la majorité, de manière que celle-ci soit encore la volonté universelle, unanime du peuple entier.

» Enfin, puisque le droit de souveraineté appartient à toutes les sections du peuple prises collectivement, et leur appartient avec la plus entière égalité, il en résulte qu'aucune d'elles n'a le droit ni de recueillir, ni de constater, ni de déclarer l'expression de la volonté nationale.

» S'il n'existait aucune représentation générale ce serait à l'évidence seule, au concours des volontés, à la confiance mutuelle qu'il appartiendrait de prononcer, et un premier voeu spontané serait nécessaire; mais lorsqu'il existe une représentation générale c'est à ceux qui la composent que par la nature même des choses appartient le droit, non de former ou même d'interpréter la volonté nationale, mais de la déclarer après l'avoir recueillie et constatée.

» Et si cette volonté n'est pas évidente, si elle n'est pas for

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