maintenir la liberté s'est armé pour la renverser! Nous jetons un coup d'œil sur l'intérieur de l'empire: des ministres pervers sont éloignés par la force irrésistible du mépris public; ce sont eux que Louis XVI regrette: leurs successeurs avertissent la nation et le roi du danger qui environne la patrie; ils sont chassés par Louis XVI pour s'être montrés citoyens : l'inviolabilité royale et la fluctuation perpétuelle du ministère éludent chaque jour la responsabilité des agens du pouvoir exécutif : une garde conspiratrice est dissoute en apparence; mais elle existe encore, elle est encore soudoyée par Louis XVI; elle sème le trouble, mûrit la guerre civile: des prêtres perturbateurs, abusant de leur pouvoir sur les consciences timides, arment les enfans contre les pères, et de la terre sacrée de la liberté ils envoient de nouveaux soldats sous les drapeaux de la servitude : ces ennemis du peuple sont protégés par l'appel au peuple, et Louis XVI leur maintient le droit de conspirer : des directoires de département coalisés osent se constituer arbitres entre l'Assemblée nationale et le roi; ils forment une espèce de chambre haute éparse au sein de l'empire; quelques uns même usurpent l'autorité législatrice, et par l'effet d'une ignorance profonde, en déclamant contre les républicains, ils semblent vouloir organiser la France en républiques fédératives; c'est au nom du roi qu'ils allument les divisions intestines; et le roi n'a point désavoué avec indignation deux cents administrateurs stupides et coupables, démentis d'un bout de la France à l'autre par l'immense majorité des administrés! » Au dehors des armées ennemies menacent notre territoire ; deux despotes publient contre la nation française un manifeste aussi insolent qu'absurde; des Français parricides, conduits par les frères, les parens, les alliés du roi, se préparent à déchirer le sein de leur patrie; déjà l'ennemi sur nos frontières oppose des bourreaux à nos guerriers; et c'est pour venger Louis XVI que la souveraineté nationale est impudemment outragée ; c'est pour venger Louis XVI que l'exécrable maison d'Autriche ajoute un nouveau chapitre à l'histoire de ses cruautés ; c'est pour venger Louis XVI que des tyrans ont renouvelé le souhait de Caligula, et qu'ils voudraient anéantir d'un seul coup tous les citoyens de la France ! » Les promesses flatteuses d'un ministre ont fait déclarer la guerre ; et nous l'avons commencée avec des armées incomplètes et dénuées de tout! En vain la Belgique nous appelle : des ordres pervers ont enchaîné l'ardeur de nos soldats; nos premiers pas dans ces belles contrées ont été marqués par l'incendie, et l'incendiaire est encore au milieu du camp des Français ! Tous les décrets que l'assemblée nationale a rendus pour renforcer nos troupes sont annullés par le refus de sanction ou par des lenteurs perfides; et l'ennemi s'avance à grands pas, tandis que des patriciens commandent les armées de l'égalité, tandis que nos généraux quittent leur poste en face de l'ennemi, laissent délibérer la force armée, viennent présenter aux législateurs son væeu, qu'elle n'a pas légalement énoncé, et calomnient un peuple libre, que leur devoir est de défendre! » Le chef du pouvoir exécutif est le premier anneau de la chaîne contre-révolutionnaire; il semble participer aux complots de Pilnitz, qu'il a fait connaître si tard. Son nom lutte chaque jour contre celui de la nation; son nom est un signal de discorde entre le peuple et ses magistrats, entre les soldats et les généraux. Il a séparé ses intérêts de ceux de la nation : nous les séparons comme lui. Loin de s'être opposé par aucun acte formel aux ennemis du dehors et de l'intérieur, sa conduite est un acte formel et perpétuel de désobéissance à la Constitution! Tant que nous aurons un roi semblable la liberté ne peut s'affermir; et nous voulons demeure libres! Par un reste d'indulgence nous aurions désiré pouvoir vous demander la suspension de Louis XVI tant qu'existera le danger de la patrie; mais la Constitution s'y oppose: Louis XVI invoque sans cesse la Constitution; nous l'invoquons à notre tour, et nous demandons sa déchéance. » Cette grande mesure une fois prise, comme il est très douteux que la nation puisse avoir confiance en la dynastie actuelle, nous demandons que des ministres solidairement responsables, nommés par l'Assemblée nationale, mais hors de son sein, suivant la loi constitutionnelle, nommés par le scrutin des hommes libres, à haute voix, exercent provisoirement le pouvoir exécutif, en attendant que la volonté du peuple, notre souverain et le vôtre, soit légalement prononcée dans une con vention nationale, aussitôt que la sûreté de l'Etat pourra le permettre. Cependant que nos ennemis, quels qu'ils soient, se rangent tous au delà de nos frontières, que des lâches et des parjures abandonnent le sol de la liberté, que trois cent mille esclaves s'avancent! Ils trouveront devant eux dix millions d'hommes libres, prêts à la mort comme à la victoire, combattant pour l'égalité, pour le toit paternel, pour leurs femmes, leurs enfans et leurs vieillards! Que chacun de nous soit soldat tour à tour; et, s'il faut avoir l'honneur de mourir pour la patrie, qu'avant de rendre le dernier soupir chacun de nous illustre sa mémoire par la mort d'un esclave ou d'un tyran! » (Applaudissemens des tribunes.) A cette adresse succédèrent sans intervalle des pétitions particulières de plusieurs sections de Paris, qui renouvelaient le même vou. Quelques unes de ces pièces, en forme d'appel au peuple, invitaient formellement à la plus prompte insurrection; elles indiquaient même le lieu du rassemblement. Ces cris: Louis XVI a cessé d'étre roi des Français, nous ne reconnaissons plus Louis XVI pour roi, retentissaient dans les groupes et dans les sociétés populaires. La section Mauconseil avait pris pour épigraphe : Le devoir le plus saint, la loi la plus chérie, L'assemblée nationale improuva ces excès; elle annulla 1 par un décret un arrêté de la section Mauconseil, et invita les citoyens à renfermer leur zèle dans les limites de la loi... Inutile prière; le respect, les dangers de la Constitution n'étaient plus rien pour le peuple; il était tout entier au soin de sa défense; le danger de la patrie, voilà le seul véhicule qui fit agir les esprits. Dans ces circonstances Louis XVI se vit encore obligé d'annoncer « que la France ne devait plus compter sur la neutralité jusqu'alors apparente de l'électeur de Cologne, du margrave de Bade, du duc de Wurtemberg, etc., dont la réunion aux grandes puissances coalisées ne laissait plus douter de leurs dispositious hostiles. » Déchiré dans l'intérieur, outragé par l'étranger, menacé sur ses frontières, le peuple n'attendait donc son salut que des plus grandes mesures, le changement de son gouvernement et le déploiement de ses propres forces; et qu'on ne dise pas qu'il obéissait à quelques meneurs, qu'il cédait à l'influence d'une faction! ce serait à la fois avilir la nation, et faire beaucoup trop d'honneur aux intrigans : ceux-ci étaient à la cour, et c'est ce qui l'a perdue. Qui l'empêchait cette cour, si le peuple était si facile, de le diriger à son gré? Mais non, l'immense majorité de la nation se prononçait contre elle. Sans doute le peuple s'attachait à quelques noms ; il les citait avec confiance: c'est que les vœux de ceux-là qu'il prenait pour guides étaient conformes à la volonté commune. Nourri de cette fausse opinion que le peuple n'était mu que par une minorité factieuse, que ce peuple, devenu libre, serait tout disposé à rentrer sous le joug à la voix de son monarque, Louis XVI essaya une dernière fois de toucher ce même peuple dont on lui avait fait perdre le cœur ; au moment où ses perfides ou ineptes conseillers organisaient la guerre civile, soit en lui préparant des moyens de résistance, soit en le pressant de choisir pour retraite une ville d'où il aurait tenté de reconquérir son trône; enfin, deux jours avant le 10 août, on lui fit signer la proclamation suivante, espèce de factum destiné à le justifier des inculpations portées contre lui depuis quelque temps. (Voyez surtout le discours de Vergniaud, plus haut, page 143.) PROCLAMATION DU ROI. » Français, lorsque des armées nombreuses s'avancent vers " nos frontières, et se font précéder par des déclarations qui menacent l'indépendance de la nation, l'indignation contre ce langage et le désir de défendre la patrie devraient ne laisser subsister dans les cœurs qu'un seul sentiment, une seule résolution: l'union est alors le premier des besoins, et ceux qui cherchent à la troubler, ceux qui voudraient rompre ce lien, la première force des empires, ceux qui aliénent les esprits par des méfiances et les agitent par des calomnies, ceux qui tentent de séparer la nation du roi, ceux-là sont les vrais enne mis publics, et prêtent aux puissances qui nous attaquent le seul appui qui puisse les faire triompher. 97 » Serait-il possible que l'ambition de quelques individus, qui dans leur égarement ont osé aspirer à se partager le pouvoir exécutif suprême, pût frapper un instant la nation française d'un aveuglement si funeste qu'elle perdit de vue ses plus chers intérêts pour se rendre elle-même la victime et le prix de leurs complots? 10 » N'est-il donc pas facile d'arracher le masque du patriotisme aux projets d'une poignée de conspirateurs, qui pour en imposer sur leur petit nombre croient se multiplier par leur agitation, étouffent l'opinion nationale par leurs cris, inspirent la terreur par leurs entreprises, et, foulant aux pieds les lois et la justice, dictent orgueilleusement leurs volontés au peuple français ? » A ces fanatiques efforts le roi doit opposer la modération et la raison ; Sa Majesté doit montrer la vérité aux esprits qu'on égare, rappeler la confiance, qu'on veut éloigner, se rapprocher du peuple, dont on s'efforce vainement à diviser sa cause, car les intérêts du roi sont les intérêts du peuple; il ne peut être heureux que de son bonheur, puissant que de sa force, tandis que ceux qui ne cessent de l'exciter contre Sa Majesté le tourmentent dès à présent par des méfiances, agravent ses maux en lui en cachant la cause et le remède, et lui préparent de grands malheurs et de longs repentirs en le poussant à des résolutions violentes et criminelles !s » Le roi ne craint point de compromettre la majesté du trône, dont il doit compte à la nation, lorsqu'il repousse en sa présence les calomnies qu'on a accumulées contre sa personne, car il ne s'adresse pas à ceux qui en sont les auteurs; mais il veut parler au cœur de tous les Français, les avertir de leurs intérêts, prémunir ceux qui pourraient être entraînés, détromper ceux qu'on est déjà parvenu à séduire, et montrer à tous le danger du projet des ambitieux, la lâcheté de leurs impostures, et l'indignité des moyens qu'ils mettent en usage. Depuis l'instant où le roi a accepté la Constitution on ne peut pas lui reprocher, nous ne disons pas une infraction, mais la plus légère entreprise contre cette loi, qu'il a juré de main |