Page images
PDF
EPUB

Déchiré dans l'intérieur, outragé par l'étranger, menacé sur ses frontières, le peuple n'attendait donc son salut que des plus grandes mesures, le changement de son gouvernement et le déploiement de ses propres forces; et qu'on ne dise pas qu'il obéissait à quelques meneurs, qu'il cédait à l'influence d'une faction! ce serait à la fois avilir la nation, et faire beaucoup trop d'honneur aux intrigans : ceux-ci étaient à la cour, et c'est ce qui l'a perdue. Qui l'empêchait cette cour, si le peuple était si facile, de le diriger à son gré? Mais non, l'immense majorité de la nation se prononçait contre elle. Sans doute le peuple s'attachait à quelques noms ; il les citait avec confiance: c'est que les vœux de ceux-là qu'il prenait pour guides étaient conformes à la volonté commune. Nourri de cette fausse opinion que le peuple n'était mu que par une minorité factieuse, que ce peuple, devenu libre, serait tout disposé à rentrer sous le joug à la voix de son monarque, Louis XVI essaya une dernière fois de toucher ce même peuple dont on lui avait fait perdre le cœur ; au moment où ses perfides ou ineptes conseillers organisaient la guerre civile, soit en lui préparant des moyens de résistance, soit en le pressant de choisir pour retraite une ville d'où il aurait tenté de reconquérir son trône; enfin, deux jours avant le 10 août, on lui fit signer la proclamation suivante, espèce de factum destiné à le justifier des inculpations portées contre lui depuis quelque temps. (Voyez surtout le discours de Vergniaud, plus haut, page 143.)

[ocr errors]

PROCLAMATION DU ROI.

Français, lorsque des armées nombreuses s'avancent vers nos frontières, et se font précéder par des déclarations qui menacent l'indépendance de la nation, l'indignation contre ce langage et le désir de défendre la patrie devraient ne laisser subsister dans les cœurs qu'un seul sentiment, une seule résolution l'union est alors le premier des besoins, et ceux qui cherchent à la troubler, ceux qui voudraient rompre ce lien, la première force des empires, ceux qui aliénent les esprits par des méfiances et les agitent par des calomnies, ceux qui tentent de séparer la nation du roi, ceux-là sont les vrais enne

mis publics, et prêtent aux puissances qui nous attaquent le seul appui qui puisse les faire triompher.

n

» Serait-il possible que l'ambition de quelques individus, qui dans leur égarement ont osé aspirer à se partager le pouvoir exécutif suprême, pût frapper un instant la nation française d'un aveuglement si funeste qu'elle perdit de vue ses plus chers intérêts pour se rendre elle-même la victime et le prix de leurs complots?

[ocr errors]
[ocr errors]

N'est-il donc pas facile d'arracher le masque du patriotisme aux projets d'une poignée de conspirateurs, qui pour en imposer sur leur petit nombre croient se multiplier par leur agitation, étouffent l'opinion nationale par leurs cris, inspirent la terreur par leurs entreprises, et, foulant aux pieds les lois et la justice, dictent orgueilleusement leurs volontés au peuple français ?

» A ces fanatiques efforts le roi doit opposer la modération et la raison; Sa Majesté doit montrer la vérité aux esprits qu'on égare, rappeler la confiance, qu'on veut éloigner, se rapprocher du peuple, dont on s'efforce vainement à diviser sa cause, car les intérêts du roi sont les intérêts du peuple; il ne peut être heureux que de son bonheur, puissant que de sa force, tandis que ceux qui ne cessent de l'exciter contre Sa Majesté le tourmentent dès à présent par des méfiances, agravent ses maux en lui en cachant la cause et le remède, et lui préparent de grands malheurs et de longs repentirs en le poussant à des résolutions violentes et criminelles!

[ocr errors]

» Le roi ne craint point de compromettre la majesté du trône, dont il doit compte à la nation, lorsqu'il repousse en sa présence les calomnies qu'on a accumulées contre sa personne, car il ne s'adresse pas à ceux qui en sont les auteurs; mais il veut parler au cœur de tous les Français, les avertir de leurs intérêts, prémunir ceux qui pourraient être entraînés, détromper ceux qu'on est déjà parvenu à séduire, et montrer à tous le danger du projet des ambitieux, la lâcheté de leurs impostures, et l'indignité des moyens qu'ils mettent en usage.

[ocr errors]

Depuis l'instant où le roi a accepté la Constitution on ne peut pas lui reprocher, nous ne disons pas une infraction, mais la plus légère entreprise contre cette loi, qu'il a juré de main

'IX.

18

tenir; il l'a considérée comme l'expression de la volonté générale, et n'en a point eu d'autre que de la faire observer dans tous ses points. Le roi l'a notifiée aux puissances étrangères; il a rappelé tous les agens qui ont refusé de s'y soumettre par prestation du serment; il leur en a substitué d'autres, connus par leur attachement à la Constitution.

[ocr errors]

la

Dès que Sa Majesté a eu connaissance des desseins des puissances coalisées contre la France elle a tout tenté pour les arrêter par la voie des négociations, et pour les détourner d'un projet aussi contraire à leur intérêt bien entendu qu'à celui de cet empire; elle a employé pour parvenir à dissoudre cette ligue non seulement tous les moyens officiels qui appartiennent au roi des Français, mais encore tout le crédit que Sa Majesté a pu devoir aux liens du sang et à l'intérêt de sa position personnelle. Lorsque la sévérité des lois a exigé du roi des démarches rigoureuses contre des princes français de sa famille et de son sang, quelque douloureux que ce moment ait été pour son cœur, l'at-on vu hésiter entre la voix de la nature et les devoirs de la royauté ?

» Le roi a fait tout sans doute pour éviter la guerre; et ce n'a été que malgré lui et lorsqu'il n'a pu s'en défendre qu'il s'est déterminé à ce moyen cruel, dont le peuple supporte tout le poids. Quel homme assez barbare pourrait blâmer cette résistance? Quel ennemi de l'humanité et de la France pourrait en faire un crime à Sa Majesté? On pourrait plutôt lui reprocher d'avoir consenti à la guerre si l'accord de l'Assemblée nationale et des ministres qui occupaient alors les places de son conseil ne lui avaient fait de cette détermination une nécessité.

» Sa Majesté a cédé à cette réunion, et la guerre une fois declarée elle n'a rien épargné pour soutenir la gloire des armes françaises : comme chef suprême de l'armée le roi était associé de trop près à cette gloire pour ne pas la maintenir dans tout son éclat.. Le choix des généraux qu'il a placés à la tête des armées a reçu les applaudissemens de la nation, et il a cherché à redoubler leur dévouement par les grades les plus éminens, dont il a proposé à l'Assemblée nationale de revêtir ceux d'entre eux qui en étaient susceptibles.

>> Si les approvisionnemens n'ont pas répondu à la prompti

tude de la déclaration de guerre, si le système de la campagne, unanimement adopté par les ministres, a porté sur de fausses combinaisons; si leurs méprises, après avoir attiré sur nos armes des revers affligeans, ont excité les murmures de l'armée, les plaintes des généraux, le mécontentement universel, il serait évidemment injuste de chercher à Sa Majesté un tort personnel dans les erreurs ministérielles dont ses agens sont responsables. Fort du témoignage de sa conscience, le roi a toujours appelé de l'opinion apparente ou momentanée à l'opinion réelle et mieux éclairée de la nation; par l'exercice de ses droits constitutionnels il a manifesté plus de liberté aux yeux de l'Europe qu'il ne l'aurait pu faire par les fortes déclarations.

>> Quels sont les ordres qu'il n'ait pas donnés pour l'approvisionnement et l'augmentation des armées? Le roi ne s'est opposé à la formation d'un camp de vingt mille hommes dans l'intérieur du royaume, et presque sous les murs de Paris, que pour proposer une formation de bataillons volontaires encore plus nombreux, et répartis d'une manière plus utile. La totalité de nos forces, montant à plus de trois cent mille hommes, est portée sur nos frontières, et distribuée partie dans les places de guerre, qu'il est important de défendre, partie dans les différens camps, suivant les dispositions adoptées par les généraux d'armée, å qui Sa Majesté a donné toute confiance et tout pouvoir pour faire le bien?

la

>> Pouvait-elle unir plus intimement ses intérêts à ceux de la nation? Pouvait-elle accomplir plus scrupuleusement ce que Constitution lui impose qu'en épuisant tous les moyens de négociation pour écarter de la France le fléau de la guerre, qu'en se montrant avare du sang des Français, économe de leurs trésors, religieux observateur des principes pacifiques de la Constitution? Et lorsque le roi n'a pu éviter ce malheur quels autres devoirs lui restait-il à remplir que de déployer toutes les forces nationales, et d'exciter comme il l'a fait l'honneur français et l'amour de la patrie à défendre énergiquement la cause de la liberté ?

» Des armées étrangères vous menacent! Français, c'est à vous de leur imposer par votre contenance, et surtout par votre union. Elles insultent à votre indépendance! Renouvelez avec

le roi le serment de la défendre. Elles ont usurpé son nom pour envahir le territoire français! N'a-t-il pas d'avance démenti cette injure en se refusant tant qu'il l'a pu à une guerre qu'on ose dire entreprise pour ses intérêts? Ne l'avait-il pas démentie d'avance en rassemblant des armées pour les opposer à l'effort des armées ennemies? Ne l'a-t-il pas démentie depuis par un acte formel, conformément à la Constitution, aussitôt qu'il l'a vue consignée dans une déclaration attribuée au général des armées combinées?

[ocr errors]

Français, votre roi peut-il être responsable du langage que tiennent vos ennemis? Sera-t-il en leur pouvoir de briser les liens qui subsistent entre vous et lui? Et, par des manifestes plus funestes peut-être que leurs armes, semeront-ils la division parmi nous lorsqu'ils n'ont pu, contre leurs espérances, réussir à y semer la terreur?

>> Français, tous vos ennemis ne sont pas dans les armées qui attaquent vos frontières; reconnaissez-les au projet de vous désunir, et croyez que ceux-là ne sont pas loin d'avoir un intérêt commun qui s'accordent si bien dans les idées qu'ils cherchent à répandre ?

» Ceux qui voudraient envahir la France annoncent qu'ils ont pris les armes pour les intérêts du roi; et ceux qui s'agitent au dedans osent dire également que c'est pour ses intérêts que l'on combat contre lui! Sa Majesté donne aux assertions des deux partis le plus formel désaveu. C'est à tous les bons Français, à tous ceux qui ont à cœur l'honneur national, l'intérêt de la liberté, le salut de la patrie, à rejeter ces insinuations perfides, et à opposer aux armes des premiers un courage invincible, aux complots des autres un attachement inflexible à la loi.

» Par ces considérations

» Le roi, pensant qu'il importe de rappeler l'exécution des lois, le respect dû aux autorités constituées, et de donner à la force nationale toute l'énergie dont elle est susceptible, en imprimant à toutes les pensées, à toutes les volontés, à tous les efforts une direction commune vers le salut de l'Etat ;

» Sa Majesté enjoint aux conseils généraux et directoires de département et de district, comme aussi aux conseils généraux

[ocr errors]
« PreviousContinue »