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doivent venir aujourd'hui à la barre de l'Assemblée, le maire. à leur tête; c'est pour cela qu'on vous a fait un message, dans l'espoir de vous surprendre un décret qui annonce à la France que le roi mérite encore toute sa confiance. >>

En effet, des députations de toutes les sections de Paris, présidées par le maire, furent dans ce moment introduites à la barre, aux acclamations d'une partie de l'Assemblée et des tribunes publiques : Pétion porta la parole.

ADRESSE de la ville de Paris à l'Assemblée nationale pour demander la déchéance du roi ; rédigée par les commissaires des quarante-huit sections, et prononcée à la barre de l'Assemblée par M. Pétion, maire, dans la séance du 3 août 1792, an 4 de la liberté.

Législateurs, c'est lorsque la patrie est en danger que tous' ses enfans doivent se presser autour d'elle; et jamais un si grand péril n'a menacé la patrie! La commune de Paris nous envoie vers vous; nous venons apporter dans le sanctuaire des lois le vœu d'une ville immense. Pénétrée de respect pour les représentans de la nation, pleine de confiance en leur courageux patriotisme, elle n'a point désespéré du salut public, mais elle croit que pour guérir les maux de la France il faut les attaquer dans leur source, et ne pas perdre un moment : c'est avec douleur qu'elle vous dénonce par notre organe le chef du pouvoir exécutif. Le peuple a sans doute le droit d'être indigné contre lui; mais le langage de la colère ne convient point aux hommes forts contraint par Louis XVI à l'accuser devant vous et devant la France entière, nous l'accuserons sans amertume, comme sans ménagemens pusillanimes; il n'est plus temps d'écouter cette longue indulgence qui sied bien aux peuples génénéreux, mais qui encourage les rois au parjure, et les passions les plus respectables doivent se taire lorsqu'il s'agit de sauver l'Etat.

>> Nous ne vous retracerons pas la conduite entière de Louis XVI depuis les premiers jours de la révolution; ses projets sanguinaires contre la ville de Paris, sa prédilection pour les nobles et les prêtres, l'aversion qu'il témoignait au corps du peuple, l'Assemblée nationale constituante outragée par des

valets de cour, investie par des hommes armés, errante au milieu d'une ville royale, et ne trouvant d'asile que dans un jeu de paume! Nous ne vous retracerons pas des sermens tant de fois violés, des protestations renouvelées sans cesse, et sans cesse démenties par les actions, jusqu'au moment où une fuite perfide vint ouvrir les yeux aux citoyens les plus aveuglés par le fanatisme de l'esclavage; nous laisserons à l'écart tout ce qui est couvert du pardon du peuple : mais le pardon n'est pas l'oubli; vainement d'ailleurs nous pourrions oublier tous ces délits ; ils souilleront Ics pages de l'histoire, et la postérité s'en souviendra.

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Cependant, législateurs, il est de notre devoir de vous rappeler en traits rapides les bienfaits de la nation envers Louis XVI, et l'ingratitude de ce prince. Que de raisons pouvaient l'écarter du trône au moment où le peuple a reconquis la souveraineté ! La mémoire d'une dynastie impérieuse et dévorante, où l'on compte à peine un roi contre vingt tyrans : le despotisme héréditaire s'accroissant de règne en règne avec la misère du penple; les finances publiques entièrement ruinées par Louis XVI et par ses deux prédécesseurs; des traités infàmes perdant l'honneur national; les éternels ennemis de la France devenant ses alliés et ses maîtres, voilà quels étaient les droits de Louis XVI au sceptre constitutionnel! La nation fidèle à son caractère, a mieux aimé être généreuse que prudente: le despote d'une terre esclave est devenu le roi d'un peuple libre. Après avoir tenté de fuir la France pour régner sur Coblentz, il a été replacé sur le trône, peut-être contre le vœu de la nation, qu'il aurait fallu consulter.

» Des bienfaits sans nombre ont suivi ce grand bienfait : nous avons vu dans les derniers temps de l'Assemblée constituante les droits du peuple affaiblis pour renforcer le pouvoir royal, le premier fonctionnaire public devenu représentant héréditaire; une maison militaire créée pour la splendeur de son trône, et son autorité légale soutenue par une liste civile qui n'a d'autres limites que celles qu'il a bien voulu lui pres

crire.

Et bientôt nous avons vu tous les bienfaits de la nation tournés contre elle ! Le pouvoir délégué à Louis XVI pour

maintenir la liberté s'est armé pour la renverser! Nous jetons un coup d'œil sur l'intérieur de l'empire: des ministres pervers sont éloignés par la force irrésistible du mépris public; ce sont eux que Louis XVI regrette: leurs successeurs avertissent la nation et le roi du danger qui environne la patrie; ils sont chassés par Louis XVI pour s'être montrés citoyens : l'inviolabilité royale et la fluctuation perpétuelle du ministère éludent chaque jour la responsabilité des agens du pouvoir exécutif: une garde conspiratrice est dissoute en apparence; mais elle existe encore, elle est encore soudoyée par Louis XVI; elle sème le trouble, mûrit la guerre civile: des prêtres perturbateurs, abusant de leur pouvoir sur les consciences timides, arment les enfans contre les pères, et de la terre sacrée de la liberté ils envoient de nouveaux soldats sous les drapeaux de la servitude : ces ennemis du peuple sont protégés par l'appel au peuple, et Louis XVI leur maintient le droit de conspirer : des directoires de département coalisés osent se constituer arbitres entre l'Assemblée nationale et le roi; ils forment une espèce de chambre haute éparse au sein de l'empire; quelques uns même usurpent l'autorité législatrice, et par l'effet d'une ignorance profonde, en déclamant contre les républicains, ils semblent vouloir organiser la France en républiques fédératives; c'est au nom du roi qu'ils allument les divisions intestines; et le roi n'a point désavoué avec indignation deux cents administrateurs stupides et coupables, démentis d'un bout de la France à l'autre par l'immense majorité des administrés!

» Au dehors des armées ennemies menacent notre territoire ; deux despotes publient contre la nation française un manifeste aussi insolent qu'absurde; des Français parricides, conduits par les frères, les parens, les alliés du roi, se préparent à déchirer le sein de leur patrie; déjà l'ennemi sur nos frontières oppose des bourreaux à nos guerriers; et c'est pour venger Louis XVI que la souveraineté nationale est impudemment outragée ; c'est pour venger Louis XVI que l'exécrable maison d'Autriche ajoute un nouveau chapitre à l'histoire de ses cruautés ; c'est pour venger Louis XVI que des tyrans ont renouvelé le souhait de Caligula, et qu'ils voudraient anéantir d'un seul coup tous les citoyens de la France!

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Les

promesses

flatteuses d'un ministre ont fait déclarer la guerre ; et nous l'avons commencée avec des armées incomplètes et dénuées de tout! En vain la Belgique nous appelle : des ordres pervers ont enchaîné l'ardeur de nos soldats ; nos premiers pas dans ces belles contrées ont été marqués par l'incendie, et l'incendiaire est encore au milieu du camp des Français ! Tous les décrets que l'assemblée nationale a rendus pour renforcer nos troupes sont annullés par le refus de sanction ou par des lenteurs perfides; et l'ennemi s'avance à grands pas, tandis que des patriciens commandent les armées de l'égalité, tandis que nos généraux quittent leur poste en face de l'ennemi, laissent délibérer la force armée, viennent présenter aux législateurs son væeu, qu'elle n'a pas légalement énoncé, et calomnient un peuple libre, que leur devoir est de défendre!

» Le chef du pouvoir exécutif est le premier anneau de la chaîne contre-révolutionnaire; il semble participer aux complots de Pilnitz, qu'il a fait connaître si tard. Son nom lutte chaque jour contre celui de la nation; son nom est un signal de discorde entre le peuple et ses magistrats, entre les soldats et les généraux. Il a séparé ses intérêts de ceux de la nation: nous les séparons comme lui. Loin de s'être opposé par aucun 'acte formel aux ennemis du dehors et de l'intérieur, sa conduite est un acte formel et perpétuel de désobéissance à la Constitution! Tant que nous aurons un roi semblable la liberté ne peut s'affermir; et nous voulons demeure libres ! Par un reste d'indulgence nous aurions désiré pouvoir vous demander la suspension de Louis XVI tant qu'existera le danger de la patrie; mais la Constitution s'y oppose: Louis XVI invoque sans cesse la Constitution; nous l'invoquons à notre tour, et nous demandons sa déchéance.

» Cette grande mesure une fois prise, comme il est très douteux que la nation puisse avoir confiance en la dynastie actuelle, nous demandons que des ministres solidairement responsables, nommés par l'Assemblée nationale, mais hors de son sein, suivant la loi constitutionnelle, nommés par le scrutin des hommes libres, à haute voix, exercent provisoirement le pouvoir exécutif, en attendant que la volonté du peuple, notre souverain et le vôtre, soit légalement prononcée dans une con

vention nationale, aussitôt que la sûreté de l'Etat pourra le permettre. Cependant que nos ennemis, quels qu'ils soient, se rangent tous au delà de nos frontières, que des lâches et des parjures abandonnent le sol de la liberté, que trois cent mille esclaves s'avancent! Ils trouveront devant eux dix millions d'hommes libres, prêts à la mort comme à la victoire, combattant pour l'égalité, pour le toit paternel, pour leurs femmes, leurs enfans et leurs vieillards! Que chacun de nous soit soldat tour à tour; et, s'il faut avoir l'honneur de mourir pour la patrie, qu'avant de rendre le dernier soupir chacun de nous illustre sa mémoire par la mort d'un esclave ou d'un tyran ! (Applaudissemens des tribunes.)

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A cette adresse succédèrent sans intervalle des pétitions particulières de plusieurs sections de Paris, qui renouvelaient le même vou. Quelques unes de ces pièces, en forme d'appel au peuple, invitaient formellement à la plus prompte insurrection; elles indiquaient même le lieu du rassemblement. Ces cris: Louis XVI a cessé d'étre roi des Français, nous ne reconnaissons plus Louis XVI pour roi, retentissaient dans les groupes et dans les sociétés populaires. La section Mauconseil avait pris pour épigraphe :

Le devoir le plus saint, la loi la plus chérie,
C'est d'oublier la loi pour sauver la patrie!

L'assemblée nationale improuva ces excès; elle annulla par un décret un arrêté de la section Mauconseil, et invita les citoyens à renfermer leur zèle dans les limites de la loi... Inutile prière; le respect, les dangers de la Constitution n'étaient plus rien pour le peuple; il était tout entier au soin de sa défense; le danger de la patrie, voilà le seul véhicule qui fit agir les esprits.

Dans ces circonstances Louis XVI se vit encore obligé d'annoncer « que la France ne devait plus compter sur la neutralité jusqu'alors apparente de l'électeur de Cologne, du margrave de Bade, du duc de Wurtemberg, etc., dont la réunion aux grandes puissances coalisées ne laissait plus douter de leurs dispositions hostiles. »>

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