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de mettre ce prince en pleine et entière liberté, et de lui assurer, ainsi qu'à toutes les personnes royales, l'inviolabilité et le respect auxquels le droit de la nature et des gens oblige les sujets envers les souverains; leurs majestés impériale et royale rendant personnellement responsables de tous les événemens, sur leur tête, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l'Assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité et de la garde nationale de Paris,' les juges de paix et tous autres qu'il appartiendra; déclarant en outre leursdites majestés, sur leur foi et parole d'empereur et de roi, que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s'il est fait la moindre violence, le moindre outrage à leurs majestés le roi, la reine et la famille royale, s'il n'est pas pourvu immédiatement à leur sûreté, à leur conservation et à leur liberté, elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés coupables d'attentats aux supplices qu'ils auront mérités. Leurs majestés impériale et royale promettent au contraire aux habitans de la ville de Paris d'employer leurs bons offices auprès de sa majesté très chrétienne pour obtenir le pardon de leurs torts et de leurs erreurs, et de prendre les mesures les plus vigoureuses pour assurer leurs personnes et leurs biens s'ils obéissent promptement et exactement à l'injonction ci-dessus.

» Enfin leurs majestés, ne pouvant reconnaître pour lois en France que celles qui émaneront du roi jouissant d'une liberté parfaite, protestent d'avance contre l'authenticité de toutes les déclarations qui pourraient être faites au nom de sa majesté très chrétienne tant que sa personne sacrée, celle de la reine et de toute la famille royale ne seront pas réellement en sûreté ; à l'effet de quoi leurs majestés impériale et royale invitent et sollicitent sa majesté très chrétienne de désigner la ville de son royaume la plus voisine de ses frontières dans laquelle elle jugera à propos de se retirer avec la reine et sa famille, sous une bonne et sûre escorte qui lui sera envoyée pour cet effet, afin que sa majesté très chrétienne puisse en toute sûreté appeler auprès d'elle les ministres et les conseillers qu'il lui plaira de désigner, faire telles convocations qui lui paraîtront convenables, pourvoir au rétablissement du bon ordre, et régler l'administration de son royaume.

» Enfin je déclare et m'engage encore, en mon propre et privé nom, et en ma qualité susdite, de faire observer partout aux troupes confiées à mon commandement une bonne et exacte discipline, promettant de traiter avec douceur et modération les sujets bien intentionnés qui se moutreront paisibles et soumis,

et de n'employer la force qu'envers ceux qui se rendront coupables de résistance ou de mauvaise volonté.

» C'est par ces raisons que je requiers et exhorte tous les habitans du royaume, de la manière la plus forte et la plus instaute, de ne pas s'opposer à la marche et aux opérations des troupes que je commande, mais de leur accorder plutôt partout une libre entrée et toute bonne volonté, aide et assistance que les circonstances pourront exiger.

>> Donné au quartier général de Coblentz, le 25 juillet 1792. Signé Charles-Guillaume-Ferdinand, duc de BRUNSWICK-LUnebourg. »

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Déclaration additionnelle de S.-A. S. le duc régnant de Brunswick-Lunebourg à celle que S. A. S. a adressée le 25 de ce mois aux habitans de la France.

<< La déclaration que j'ai adressée aux habitans de la France, datée du quartier général de Coblentz, le 25 de ce mois, a dû faire connaître suffisamment les intentions fermement arrêtées de leurs majestés l'empereur et le roi de Prusse en me confiaut le commandement de leurs armées combinées. La liberté et la sûreté de la personne sacrée du roi, de la reine et de toute la famille royale, étant un des principaux motifs qui ont déterminé l'accord de leurs majestés impériale et royale, j'ai fait connaître par ma déclaration susdite à la ville de Paris et à ses habitans la résolution de leur faire subir la punition la plus terrible dans le cas où il serait porté la moindre atteinte à la sûreté de sa majesté très chrétienne, dont la ville de Paris est rendue particulièrement responsable.

» Sans déroger en aucun point à l'article 8 de la susdite déclaration du 25 de ce mois, je déclare en outre que si, contre toute attente, par la perfidie ou la lâcheté de quelques habitans de Paris, le roi, la reine ou toute autre personne de la famille royale étaient enlevés de cette ville, tous les lieux et villes quelconques qui ne se seront pas opposés à leur passage et n'auront pas arrêté leur marche subiront le même sort qui aura été infligé à la ville de Paris, et que la route qui aurait été suivie par les ravisseurs du roi et de la famille royale sera marquée' par une continuité d'exemples des châtimens dus à tous les fauteurs ainsi qu'aux auteurs d'attentats irrémissibles.

>> Tous les habitans de la France en général doivent se tenir pour avertis du danger qui les menace, et auquel ils ne sauraient échapper s'ils ne s'opposent pas de toutes leurs forces et par tous les moyens au passage du roi et de la famille royale, en quelque lieu que les factieux tenteraient de les emmener. Leurs majestés impériale et royale ne reconnaîtront la liberté,

du choix de sa majesté très chrétienne pour le lieu de sa retraite, dans le cas où elle aurait jugé à propos de se rendre à l'invitation qui lui a été faite par elles, qu'autant que cette retraite serait effectuée sous l'escorte qu'elles lui ont offertes: toutes déclarations quelconques, au nom de sa majesté très chrétienne, contraires à l'objet exigé par leurs majestés impériale et royale, seront en conséquence regardées comme nulles et sans effet.

» Donné au quartier général de Coblentz, le 27 juillet 1792. Signé Charles-Guillaume-Ferdinand, duc de BRUNSWICK-Lunebourg. »

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Ce qui parut extraordinaire dans la publication de cette pièce c'est que, datée de Coblentz le 25, elle fut répandue à Paris le 28, imprimée dès le lendemain dans les journaux aristocratiques, et que le pouvoir exécutif affecta de n'en avoir eu aucune connaissance officielle; du reste son authenticité n'a jamais été révoquée en doute. Dans la séance du I août il en parvint au président de l'Assemblée un exemplaire sous le timbre de Bruxelles; l'Assemblée refusa d'en entendre la lecture, et passa à l'ordre du jour. Le bruit qu'elle causa détermina enfin Louis XVI à la dénoncer aux représentans de la nation.

Message du roi à l'Assemblée nationale.

Du 3 août 1792, an 4 de la liberté.

« Il circule, monsieur le président, depuis quelques jours, un écrit intitulé: Déclaration de S. A. S. le duc régnant de Brunswick-Lunebourg, commandant les armées combinées de LL. MM. l'empereur et le roi de Prusse, adressée aux habitans de la France. Cet écrit ne présente aucun des caractères qui pourraient en garantir l'authenticité; il n'a été envoyé par aucun de mes ministres dans les diverses cours d'Allemagne qui avoisinent le plus nos frontières; cependant sa publicité me paraît exiger une nouvelle déclaration de mes sentimens et de mes principes.

» La France se voit menacée par une grande réunion de forces reconnaissons tous le besoin de nous réunir! La calomnie aura peine à croire la tristesse de mon coeur à la vue des

:

dissensions qui existent et des malheurs qui se préparent; mais ceux qui savent ce que valent à mes yeux le sang et la fortune du peuple croiront à mes inquiétudes et à mes chagrins. Murmures.)

J'ai porté sur le trône des sentimens pacifiques, parce que la paix, le premier besoin des peuples, est le premier devoir des rois. Mes anciens ministres savent quels efforts j'ai faits pour éviter la guerre je sentais combien la paix était nécessaire; elle seule pouvait éclairer la nation sur la nouvelle forme de son gouvernement; elle seule, en épargnant des malheurs au peuple, pouvait me faire soutenir le caractère que j'ai voulu prendre dans cette révolution : mais j'ai cédé à l'avis unanime de mon conseil, au vœu manifesté d'une grande partie de la nation, et plusieurs fois exprimé par l'Assemblée nationale.

» La guerre déclarée, je n'ai négligé aucun des moyens d'en assurer le succès. (Murmures dans une partie de l'Assemblée ; tumulte dans les tribunes.) Mes ministres ont reçu l'ordre de se concerter avec les comités de l'Assemblée nationale et avec les généraux. Si l'événement n'a pas encore répondu aux espérances de la nation ne devons-nous pas en accuser nos divisions intestines, les progrès de l'esprit de parti, et surtout l'état de nos armées, qui avaient besoin d'être encore exercées avant de les mener au combat? Mais la nation verra croître mes efforts avec ceux des puissances ennemies; je prendrai de concert avec l'Assemblée nationale tous les moyens pour que les malheurs inévitables de la guerre soient profitables à sa liberté et à sa gloire.

» J'ai accepté la Constitution: la majorité de la nation la desirait ; j'ai vu qu'elle y plaçait son bonheur, et ce bonheur fait l'unique occupation de ma vie. Depuis ce moment je me suis fait une loi d'y être fidèle ( méme rumeur ), et j'ai donné ordre à mes ministres de la prendre pour seule règle de leur conduite (murmures ) : seul je n'ai pas voulu mettre mes lumières à la place de l'expérience, ni ma volonté à la place de mon serment. J'ai dû travailler au bonheur du peuple : j'ai fait ce que j'ai dû; c'est assez pour le cœur d'un homme de bien. Jamais ou ne me verra composer sur la gloire ou les intérêts de la nation, recevoir la loi des étrangers ou celle d'un parti:

c'est à la nation que je me dois ; je ne fais qu'un avec elle; aucun intérêt ne saurait m'en séparer; elle seule sera écoutée ; je maintiendrai jusqu'à mon dernier soupir l'indépendance nationale : les dangers personnels ne sont rien auprès des malheurs publics. Eh! qu'est-ce que des dangers personnels pour un roi à qui l'on veut enlever l'amour du peuple! C'est là qu'est la véritable plaie de mon cœur. Un jour peut-être le peuple saura combien son bonheur m'est cher, combien il fut toujours et mon seul intérêt et mon premier besoin! Que de chagrins pourraient être effacés par la plus légère marque de son retour! (Murmures.)

"

Signé Louis, et plus bas BIGOT-SAINTE-CROIX. »

Dans un autre temps ce message, la dernière phrase surtout, eût été accueilli avec transport; mais ce langage, qu'on nomine paternel, si touchant pour un peuple sujet, avait perdu tout son charme sur la grande majorité des Français. L'impression du message fut demandée par quelques membres; l'un d'eux voulait même qu'on en décrétât l'envoi à tous les départemens en signe d'union entre l'Assemblée et le roi, entre le peuple et les pouvoirs constitués. Un motif différent porta d'autres membres à appuyer l'impression; c'était pour mettre en regard aux yeux de tous les Français la conduite et les promesses du roi : « S'il a manqué à ses devoirs, dit M. Aubert-Dubayet, s'il a manqué à sa conscience, à la nation entière, vous en aurez une preuve d'autant plus évidente que c'est lui-même qui vous la fournit aujourd'hui. M. Isnard, reproduisant avec une grande chaleur les tableaux déjà tracés par MM. Vergniaud, Brissot et plusieurs autres orateurs, mit encore en opposition le langage constant du trône et les faits nombreux qui le démentaient; et, ce contraste lui paraissant si frappant, si généralement connu, il vota pour l'ordre du jour. L'Assemblée décida qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur l'impression, et renvoya le message à sa commission extraordinaire. ́

Dans le cours de ces débats M. Thuriot crut entrevoir les motifs secrets du message: « On sait, dit-il, que toutes les sections de la capitale ont voté pour la déchéance, et qu'elles

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