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qué tout citoyen soit soldat il faut donc qu'à la paix au plus tard tous les bataillons de la troupe de ligne deviennent bataillons de la garde nationale; que les uns et les autres n'aient plus qu'un même régime, une même solde, un même habit : alors vous épargnerez quarante millions par an; alors disparaîtra ce germe de division qu'on cherche à semer sans cesse entre les soldats citoyens et les citoyens soldats; alors chaque corps nommera ses officiers, et l'on ne verra plus ceux-ci, vendus au pouvoir exécutif, passer à l'ennemi, et trahir la patrie, qui les a comblés de ses bienfaits! Ce vou, j'ose le dire, est celui de la nation entière; il n'est personne qui ne sente que la liberté française ne peut s'établir de fait que par la chute de cette dernière colonne du despotisme.

» Alors rien ne sera plus simple que le nouveau système militaire, rien de plus fort, de plus économique, de plus conforme à l'esprit de la Constitution: pendant la paix les frontières seront gardées par des bataillons alternativement fournis chaque année par les divers départemens; les citoyens s'exerceront dans leurs cantons et districts respectifs, comme en Suisse, par escouades, par compagnies, par bataillons; chacun sera muni d'avance d'un équipage complet pour la guerre ; les jeunes gens aisés se piqueront d'avoir des chevaux dressés pour former les corps de cavalerie, et se réuniront pour s'exercer aux manœuvres; il y aura des camps annuels dans les divers départemens; des fêtes militaires y seront célébrées avec la pompe tournois et des carrousels; des prix solennels seront décernés aux vainqueurs, à ceux qui dans les examens publics se seront distingués par leurs connaissances dans l'art militaire : ces prix seront des casques, des lances, des chevaux. Les généraux, les chefs de l'armée ne pourront être choisis que parmi ceux qui auront remporté un certain nombre de ces prix. Chacun s'en retournera avec la gloire dont il se sera couvert, et avec l'ardeur de se signaler l'année suivante par des succès plus brillans

encore.

des

» Ces jeux, ces exercices, dégagés des langoureuses puérilités de l'ancienne chevalerie, et auxquels tous les citoyens indistinctement seront admis, enflammeront bientôt tous les

eurs de la jeunesse française; la passion des armes étoufferá la cupidité, l'intrigue, toutes ces petites passions basses que fait naître l'esclavage; la gaieté franche, l'aménité des mœurs nationales reprendront leur empire; car le vrai courage est l'ami de l'urbanité, et s'allie naturellement aux sentimens généreux. Si la guerre vient à se déclarer c'est alors que chacun sentira le prix de la liberté, qu'on verra les prodiges qu'enfante l'amour de la patrie! Les intérêts particuliers disparaîtront; tous iront se confondre dans ce grand et unique intérêt commun, le salut de la patrie; le charme de l'égalité unira toutes les âmes; l'opulence sera sans considération; les talens, les vertus seules fixeront les yeux; il ne restera plus en partage aux intrigans que le mépris et le ridicule!

Le premier pas, messieurs, que nous ayons à faire pour arriver à ce but sublime est visiblement d'armer tous les citoyens; c'est ce que votre commission vous propose : elle vous propose de faire distribuer des piqués uniformes à tous ceux qui sont en état de porter les armes. Le modèle qui lui a parú le plus convenable est la pique du maréchal de Saxe, réduite à onze pieds de longueur. Votre commission pense" donc que le pouvoir exécutif doit être chargé d'en faire sur le champ passer la description aux corps administratifs, pour qu'il en soit fabriqué sans délai dans toutes les municipalités.

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Enfin, messieurs, cette même commission pense que, pour seconder les vues de régénération qu'elle vient de vous proposer, il convient que votre comité d'instruction publique' se hâte de vous présenter ses projets sur les fêtes militaires nationales, et sur les encouragemens à décerner aux jeunes citoyens qui se seront distingués dans les exercices de la gymnastique et le maniement des armes. »

Le décret proposé à la suite de ce rapport fut adopté dans la même séance, et sans discussion notable. En voici le préambule:

« L'Assemblée nationale, considérant que dans les dangers de la patrie tout citoyen est soldat, et qu'il est nécessaire de lui procurer les moyens de concourir à la défense commune; considérant qu'è n'existe pas des fusils en suffisante quantité pour qu'il en soit fourni à tous les

citoyens en état de porter les armes, mais que les piques peuvent y suppléer avantageusement en beaucoup d'occasions, décrète qu'il y a urgence, ctc.» (Les vagabonds, les gens sans aveu, et les individus notoirement connus par leur incivisme, étaient seuls exceptés de la distribution des piques.)

ÉVÉNEMENT DU 10 AOUT 1792.

La déclaration solennelle du danger de la patrie sauva la France; elle acheva de perdre Louis XVI et la royauté : la coalition put y lire ses défaites prochaines, et les transfuges de Coblentz, dont tout l'espoir se fondait sur les armes de l'étranger, y voir gravée leur éternelle honte. A la voix de la patrie tous les yeux furent ouverts, tous les bras furent levés. Les différens partis, pour qui les circonstances devenaient également pressantes, ne crurent plus devoir taire ni leurs vœux ni leurs projets; mais, appréciés, observés par le peuple, il fallait qu'ils succombassent devant sa volonté suprême.

Les intrigues de la cour, ses coupables espérances, ses relations secrètes avec les ennemis de la France : les erreurs graves de plusieurs constitutionnels, qui rêvaient encore une modification à la loi fondamentale, une composition entre les anciens et les nouveaux intérêts, le rétablissement d'une aristocratie et l'extension du pouvoir royal; de ces constitutionnels aveuglément dévoués à une cour qui les trompait, les haïssait, qui ne pouvait leur pardonner d'avoir parlé les premiers de liberté : les royalistes absolus, les intrigans, les ambitieux, les modérés eux-mêmes, cette équivoque et dangereuse engeance qui ne se meut qu'au cri de l'égoïsme, tout était dévoilé, connu, jugé; les masques étaient déchirés ; la lutte s'engagea, et la catastrophe du 10 août en fut l'inévitable résultat.

La journée du 20 juin avait laissé de profonds ressentimens dans le cœur des royalistes. La conduite résignée du roi, les paroles de confiance que dans cette circonstance il avai adressées au peuple auraient pu faire croire à l'oubli... Des le lendemain on recherche les coupables, on poursuit, or

arrête : la cour obtient du département, toujours docile à ses désirs, la suspension du maire et du procureur de la commune; elle est prononcée le 6 juillet. Cette impolitique vengeance fit le triomphe de Pétion : le peuple réclama son premier magistrat, son ami, son père; les cris Pétion ou la mort retentirent de toute part. Après quelques jours l'Assemblée nationale, statuant à la fois et sur l'arrêté du département, confirmé par le conseil du roi, et sur les pétitions de la majorité des sections de Paris, lève la suspension du maire et du procureur de la commune, et les rend à leurs fonctions. Pétion et Manuel paraissent rayonnans à la barre de l'Assemblée; d'accusés ils deviennent accusateurs; le roi, son conseil, et les membres du département sont désormais des ennemis pour eux et leurs partisans.

Les ministres, interpellés chaque jour sur la situation de la France, et ne présentant chaque fois que de vagues renseiguemens et des rapports mensongers, entraînés par la cour, menacés par l'Assemblée, abandonnent un fardeau qu'ils ne peuvent plus supporter sans péril; ils donnent tous leur démission le même jour (10 juillet), en déclarant publiquement qu'ils sont dans l'impossibilité de faire le bien... A' quelles interprétations un tel aveu donna lieu! On crut moins à l'incapacité des ministres qu'à l'influence du conseil secret qui maîtrisait le monarque, et qui depuis longtemps était signalé sous le nom de comité autrichien. Dans le courant de juillet Louis XVI recomposa son ministère : il appela M. Champion-Villeneuve à l'intérieur, M. Dabancourt à la guerre, M. Dubouchage à la marine, M. Bigot Sainte-Croix aux affaires étrangères. Sur les instances du roi M. Dejoly conserva le portefeuille de la justice, qu'il avait accepté après la démission de M. Duranthon, donnée dans les premiers jours du même mois. (Voyez plus haut, page 55, la composition du ministère au mois de juin.)

Les mesures salutaires décrétées par l'Assemblée, et rejetées par le pouvoir exécutif, avaient été successivement remplacées par des mesures insuffisantes et lentement exécutées; cependant un camp de réserve se formait à Soissons,

et des députations de tous les départemens se rendaient à Paris pour célébrer le 14 juillet, anniversaire si fécond en grands souvenirs. La seconde fédération eut lieu; mais cette solennité, si imposante en 1790, ne fut remarquable cette fois que par l'esprit de défiance, on pourrait dire de haine, les fédérés apportèrent à Paris contre la cour et le pouvoir exécutif : la cour de son côté et les ministériels du temps marquèrent pour les fédérés un éloignement et un dédain qui furent vivement sentis; il y eut des rixes. Les Marseillais jurèrent de se venger : ils ne tarderont pas à accomplir leur funeste serment.

que

Dans ces circonstances, où tout le peuple était en mouvement, soit que les partis l'agitassent, soit qu'il fût entraîné par l'élan patriotique qu'avait donné à la France la déclaration de la patrie en danger; dans ces circonstances, où le pouvoir exécutif, avili, menacé, sentait qu'il ne pouvait résister que par un coup d'état; dans ces circonstances, disons-nous, le peuple et la cour se considérèrent comme deux puissances en état d'hostilités; tous deux se préparèrent à une action décisive: mais les royalistes avaient le désavantage de la position; en cherchant à désorganiser, à corrompre, à diviser, ils ajoutaient encore aux nombreux griefs qui pesaient sur le pouvoir exécutif, tandis que le peuple, uni pour défense de son territoire et de sa liberté, voyait s'accroître incessamment et sa force et sa puissance; chaque instant, chaque fait éloignait de plus en plus tout rapprochement entre le peuple et la royauté.

la

C'était peu que jusqu'alors des membres de l'Assemblée eussent tonné contre Louis XVI: dans la séance du 23 juillet M. Kersaint, après une dénonciation formelle, conclut à la déchéance. Ces plaintes, ces accusations avaient retenti de la tribune dans tous les départemens; on examina, on pesa les inculpations; elles parurent fondées, et le peuple à son tour accusa le monarque. De nombreuses pétitions, signées des premiers magistrats des villes et des citoyens les plus recommandables, arrivèrent d'un bout de la France à l'autre : le peuple demandait, dans quelques-unes il ordonnait la dé

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