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couronnera de ses palmes l'autel de la liberté, et bientôt les peuples qu'on arme aujourd'hui contre votre Constitution ambitionneront de s'unir à vous par les liens d'une douce fraternité, et bientôt, consolidant par une paix glorieuse les bases de votre gouvernement, vous recueillerez enfin tous les fruits de la révolution, et vous aurez préparé par votre bonheur celui de la postérité! »

L'ASSEMBLÉE NATIONALE A L'ARMÉE. (Adresse présentée par M. Vaublanc au nom des mêmes comités, adoptée le 11 juillet 1792.)

<< Braves guerriers, l'Assemblée nationale vient de proclamer le danger de la patrie : c'est proclamer la force de l'empire; c'est annoncer que bientôt la jeunesse française se portera sous les drapeaux de la liberté. Vous l'instruirez à vaincre ; vous lui montrerez le chemin de la gloire.

» Au signal du danger de la patrie vous sentez redoubler votre ardeur! Guerriers, que la discipline en dirige les mouvemens; elle seule garantit la victoire : ayez ce courage calme et froid que doit vous donner le sentiment de vos forces.

« Une véritable armée est un corps immense mis en mouvement par une seule tête; il ne peut rien sans une subordination passive de grade en grade, depuis le soldat jusqu'au général. Guerriers, imitez le dévouement des Dassas et le courage du brave Pie! Méritez les honneurs que la patrie réserve à ceux qui combattent pour elle! Ils seront dignes d'elle, dignes de : vous !

» N'oubliez pas que c'est votre Constitution qu'on attaque : on veut vous faire descendre du rang glorieux des peuples libres. Hé bien, braves guerriers, il faut que la Constitution triomphe, ou que la nation française se couvre d'une honte iueffaçable!

»De toute part vos concitoyens se disposent à vous seconder. N'en doutez pas, il n'est aucun Français qui balance; il n'en est aucun qui dans ces jours de péril et de gloire s'expose à déshonorer sa vie par une lâche et honteuse inaction! Qu'il serait malheureux celui qui ne pourrait pas dire un jour à ses enfans, à ses concitoyens : « Et moi aussi je combattais quand

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» notre liberté fut attaquée! J'étais à la journée où les arines françaises triomphèrent de nos ennemis; j'ai défendu les remparts de la ville qu'ils attaquèrent en vain, et mon sang »a coulé tel jour pour la patrie, la liberté, l'égalité!

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Aussitôt que l'Assemblée eut proclamé le danger de la patrie elle s'occupa des moyens de replacer la France dans l'attitude imposante que lui avait fait perdre l'insouciance ou les calculs du pouvoir exécutif, elle décréta successivement différentes mesures tendant à resserrer les ressorts de l'administration, à rendre moins illusoire la responsabilité des agens du gouvernement, à retremper le moral de l'armée, à prévenir les trahisons, à former des camps de réserve, à mettre sur pied environ cinq cent mille hommes, enfin à tenir armés tous les autres citoyens en cas d'invasion. Parmi toutes ces mesures nous rappellerons celle que fit adopter l'illustre Carnot, et qui, ayant pour objet d'armer chaque bras d'une pique, donna aux Français la couleur des anciens peuples de

la liberté.

RAPPORT Sur une distribution de piques à tous les citoyens, fait au nom du comité militaire par M. Carnot. (Séance du 25 juillet 1792.)

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Messieurs, vous demandez un moyen d'armer vos troupes, de les armer promptement et de les armer bien : ce moyen existe; il est simple; et si nous n'étions pas esclaves de nos vieilles routines il y a longtemps sans doute qu'il aurait été proposé et accepté.

» Ce n'est pas mon opinion, messieurs, que je vais vous donner : c'est celle de presque tous les généraux qui ont acquis quelque célébrité; c'est celle des Condé, des Turenne, des Montécuculli, des de Saxe, des Follard. Je vous citerai leurs propres paroles, et je vous prouverai par les faits qu'il est très facile d'armer toutes vos troupes beaucoup mieux qu'elles ne le sont, à beaucoup moins de frais, et presque en un moment, clause essentielle et principale, puisque effectivement nous n'avons pas un moment à perdre.

» Mon intention, messieurs, n'est pas de vous reporter aux

siècles antiques des Grecs et des Romains; je ne vous dirai pas que ces peuples guerriers ont fait la conquête du monde avec des piques; je ne vous dirai pas que la phalange macédonienne n'était qu'un bataillon de piquiers; car on me répondrait qu'alors la poudre à canon n'était pas inventée : je ne considérerai l'effet de cette arme et l'opinion qu'en ont eue les meilleurs généraux que depuis la connaissance des armes à feu, et dans les temps les plus modernes.

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« La pique, dit Montécuculli, est la reine des armes; sans » elle, un corps d'infanterie attaqué par un escadron, ou même » par un bataillon aripé de piques, ne peut demeurer entier » ni faire une longue résistance. La mousqueterie sans piquiers » ne peut faire un corps capable de soutenir de pied ferme » l'impétuosité de la cavalerie, ni le choc et la rencontré d'un "corps de piquiers. »>

Le maréchal de Luxembourg, à qui l'on avait proposé de supprimer la pique, répondit qu'il y consentirait « lorsque les » ennemis n'auraient plus de cavalerie. »

« Les Suisses, dit M. de Rohan dans son Traité de la Guerre, » ont beaucoup plus de piques que de mousquets, et pour cet » effet se font redouter en campagne; car un jour de bataille » où l'on en vient aux mains le nombre des piques a beaucoup d'avantage sur celui des mousquets. »>

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» Trois mille Suisses, à la bataille de Dreux, résistèrent avec leurs piques pendant quatre heures à toutes les forces des Huguenots; ils reçurent le choc de la cavalerie avec tant de valeur que la plus grande partie de leurs piques furent brisées; mais leur bataillon demeura ferme et serré, repoussant avec un grand carnage la fougue des ennemis.

» Les batailles de Navarre, de Marignan, de Montcontour fournissent d'autres exemples de l'intrépidité des Suisses et de l'utilité des piques.

» Et que l'on ne dise pas qu'il faut plus d'exercice pour apprendre à se servir de la pique que pour les armes à feu : c'est tout le contraire; un fusil dans la main d'un nouveau soldat est au moins inutile; la plupart du temps il charge mal, tire en l'air ou blesse ses voisins, au lieu qu'il sait à l'instant même faire usage de la pique.

» A la bataille de Newbury en Angleterre, qui se donna entre l'armée du roi et celle du parlement, l'infanterie de cette dernière, abandonnée à ses propres forces se maintint dans ses rangs et présenta un rempart impénétrable de piques aux troupes du prince Robert. « On fait particulièrement honneur dé cette » action, dit M. Hume, à la milice de Londres, qui faisait » partie de l'armée du parlement, et qui égala ce qu'on pou>> vait attendre des plus vieilles troupes. » Cette milice, sans expérience, et sortie récemment de ses occupations mécani

n'eût assurément pu résister à tant de vigoureuses attaques sans le secours de la pique.

» La pique est non seulement très utile pour la défense, mais elle l'est aussi pour l'attaque; car si une troupe de piquiers en attaque une de fusiliers, nécessairement celle-ci serà enfoncée; parce que la pique atteint beaucoup plus loin que la baïonnette; et cette méthode de combattre convient d'autant plus aux Français qu'ils ont toujours été invincibles à l'arme blanche, et qu'au contraire ils sont très inférieurs aux troupes allemandes et prussiennes dans l'art de tirer juste et promptement.

» A la bataille de Cérisoles, dit Blaise de Montluc, cinq » mille cinq cents hommes de vieilles bandes françaises qui » entamèrent l'action battirent, par la manière dont ils se ser

virent de leurs piques, un corps de dix mille Allemands. » » M. le maréchal de Saxe, dans son Traité des Légions, dit qu'il est impossible de se passer de la pique dans l'infanterie, et il explique pourquoi on á eu en France la maladresse de l'abandonner. « Les mêmes raisons, dit-il, de négligence » et de commodité qui ont fait quitter les bonnes choses dans » le métier de la guerre ont aussi fait abandonner celle-ci On » a trouvé qu'en Italie dans quelques affaires elles n'avaient pas » servi, parce que le pays est fort coupé; dès là on les a quittées » partout, et l'on n'a songé qu'à augmenter la quantité des » armes à feu et à tirer... Cependant, ajoute-t-il ailleurs, il faut bien peu compter sur le feu ; à la bataille d'Hochstet vingt» deux bataillons qui étaient au centre tirèrent en l'air, et furent dissipés par trois escadrons ennemis qui avaient passé le ma» rais devant eux. >>

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» Cette réflexion et mille expériences semblables sur l'incer

titude du feu répondent à l'objection de ceux qui croient le fusil préférable à l'arme blanche : quand il le serait pour les autres nations, on ne devrait rien en conclure pour ce qui nous regarde, car tout le monde sait que jamais aucune sorte d'ennemis n'a su résister à l'impétuosité des Français chargeant à l'arme blanche, tandis qu'ils ont rarement obtenu des succès marqués lorsqu'ils ont voulu mettre leur confiance dans la mousqueterie.

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Follard, Botté, Ménil-Durand, et tous ceux en général qui ont écrit avec quelque distinction sur l'art de la guerre, excepté le seul maréchal de Puységur, ont fait l'éloge de la pique ; et si elle a été abandonnée c'est uniquement, comme le dit le maréchal de Saxe, par négligence, par commodité, et par cet instinct moutonnier qui nous porte à imiter sottement ce qui se fait chez les autres, et ne nous permet pas d'avoir un caractère à nous. Or, comme on n'imite jamais bien, il s'ensuit que nous demeurons inférieurs aux autres, lorsque nous pourrions leur être très supérieurs en restant ce que la nature nous a faits.

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» Je propose donc, messieurs, de donner des piques à tous les soldats auxquels on n'aura pu fournir des fusils ou des carabines. Je propose d'entremêler, comme autrefois, les piquiers et les fusiliers, ou de mettre sur le premier rang des fusiliers et sur les autres des piquiers, laissant au reste aux généraux le soin d'unir ou de séparer les deux armes à leur volonté et suivant les circonstances. Il faudrait aux piquiers des sabres courts ou des pistolets, comme jadis, afin que si leur pique est rompue ou détournée ils puissent se défendre de près.

» Par ce moyen, si l'on veut placer alternativement des piquiers et des fusiliers, les fusils qui pouvaient servir à armer cent mille hommes pourront servir à en armer deux cent mille, et ces deux cent mille hommes seront mieux armés que s'ils avaient tous des fusils.

» Cela ne doit pas empêcher néanmoins de prendre les mesures les plus actives pour multiplier le nombre des fusils et des carabines; mais quand même on nierait, malgré le témoignage de tous les généraux que j'ai cités, que la pique valût mieux que le fusil, on ne nierait pas au moins qu'une pique vaut mieux

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