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P'intérieur du royaunie? Et n'est-il pas très possible de se procurer ces cent mille hommes par une conscription, par une extraction forcée, et demandée comme telle, sans déclarer cela que la patrie est en danger?

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» Telles sont, messieurs, les principales objections qu'on peut faire à la mesure proposée. Mais il est facile de répondre que ce prétendu tocsin n'étonnera personne, puisque les citoyens s'y attendent et le réclament de toute part; que l'Assemblée, qui ne voit en cet instant aucun sujet d'épouvante pour des hommes libres, ne partage point l'opinion de ceux qui voudraient en faire un signal de détresse et de mort; que ce n'est point un cri d'alarme, mais seulement un cri d'appel, un mode plus prompt pour opérer des recrutemens; que s'il y a une mesure capable de produire un effet subit et forcé, une mesure infaillible, c'est celle-là; que toute autre serait plus faible ; qu'il est naturel de préférer celle qui doit produire le plus tôt l'effet que nous attendons; que ce ne serait point épuiser nos ressources ultérieures si nos périls venaient à s'accroître. Ah! sans doute la nation, inépuisable en courage, offrirait encore de nouveaux secours, ou bien il ne resterait plus d'asile que le désespoir! Mais comment désespérer quand on a toujours derrière soi une nation tout entière et le génie de la liberté? Enfin, messieurs, il faut se pénétrer d'une réflexion décisive; c'est que la guerre que nous avons entreprise ne ressemble en rien à ces guerres communes qui ont tant de fois désolé et déchiré le globe : c'est la guerre de l'égalité, de la liberté, de la Constitution, contre une coalition de puissances d'autant plus acharnées à modifier la Constitution française qu'elles redoutent chez elles l'établissement de notre philosophie et les lumières de nos principes. Cette guerre est donc la dernière de toutes entre elles et nous; la seule occasion de convoquer tous les frères que la liberté nous a donnés est donc venue, et désormais elle ne se représentera plus; en un mot, messieurs, il faut dire aujourd'hui que la patrie est en danger, parce que la Constitution est en danger. Après vous avoir parlé du péril de l'extérieur il nous reste maintenant à vous présenter sur celui de l'intérieur quelques réflexions qui n'ont servi qu'à confirmer de plus en plus vos comités dans le même résultat.

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» Ce serait vouloir s'aveugler que d'ignorer que la France est inondée de malveillans qui sans doute, s'ils étaient seuls et réduits à eux-mêmes, n'exigeraient de nous qu'un redoublement de vigilance, et n'augmenteraient pas assez le danger pour nous commander en cet instant une mesure extraordinaire ; mais pour peu qu'on ait calculé leurs mouvemens il est évident que ces ennemis intérieurs n'attendent pour se montrer et pour former leur parti que le moment où, toutes nos forces étant disposées au dehors, les départemens de l'empire seraient dans le sommeil ou dans le dénuement. Déjà Jalès a retracé dans les mêmes lignes son camp parricide; déjà Dussaillant a rallumé dans l'Ardèche la torche de la rébellion; déjà dans les grandes villes un point central rassemble les conspirateurs,, et c'est là qu'ils sont en réserve pour éclater au premier jour! Ajouterai-je les trahisons suspendues peut-être sur nos têtes. Tous ces motifs ne disent-ils pas hautement que la loi générale que nous avons faite sur les dangers de la patrie s'applique ici essentiellement ? Hâtons-nous donc de la mettre à exécution en maintenant l'ordre public dans l'intérieur, en donnant un régulateur à ce grand mouvement que la déclaration qui le précède peut exciter en France, en empêchant qu'une nation debout et sans plan fixe ne courre aux armes avec une précipitation funeste, entre le découragement ou la confusion; avertissons les citoyens de leurs devoirs ; mettons les corps administratifs et les municipalités en état de surveillance, les gardes nationaux en état d'activité permanente; renforçons par les conseils généraux les directoires travaillés ou tièdes; enfin ne négligeons aucun moyen d'imposer aux malintentionnés. Le moment est venu! Sans doute il est imminent ce danger quand nous en sommes à l'époque où les précautions à prendre sont indispensables pour le faire cesser et pour enflammer s'il est possible d'une ardeur nouvelle, en leur prouvant qu'ils sont spécialement présens à notre intérêt, ceux de nos concitoyens que la nature a fait naître sur nos frontières! sur les limites de l'esclavage et de la liberté, pour être les premiers et les plus glorieux gardiens de la Constitution!

» Vainement dira-t-on que les gardes nationaux, quoique en activité, ne remédieront pas suffisamment à nos besoins.... Nous répondrons que c'est précisément le vrai moyen de déses

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pérer les malveillans et d'atteindre aux partis au moment même où ils se forment leurs espérances ne pourraient être fondées que sur la nullité de la force publique. Vainement dira-t-on qu'il est inutile au centre du royaume de déclarer le danger de la patrie... Nous répondrons que cette déclaration serait inutile si nous avions le bonheur d'être sûrs que ces départemens ne sont pas infectés des mêmes désordres, du même fanatisme.

» Vainement dira-t-on qu'on ne verra dans chaque endroit le danger de la patrie que comme un danger local; qu'il est presque impossible de spécifier avec précision les limites et les bornes de ce péril; qu'une semblable énonciation ne tend qu'à diviser les citoyens et à les isoler au lieu de les unir, qu'à produire un état de révolution destructeur et non conservatur, car aucun état de révolution ne se conserve... Nous répondrons qu'il est impossible de croire à l'égoïsme chez un peuple qui ne pense plus qu'à la liberté; nous répondrons que les mesures préliminaires déjà décrétées sont des préparatifs indispensables dans tout état de cause, soit pour garantir l'ordre public dans les départemens et y prévenir les chocs partiels, soit pour fournir avant tout l'élément des rassemblemens, et remplir ainsi d'une manière nécessaire l'intervalle qui autrement serait perdu entre la déclaration du danger et les dernières mesures plus particulières et plus décisives.

Arrêtons-nous, messieurs, en finissant, à une réflexion. Nous sommes les représentans d'une des plus grandes nations de l'univers oserions-nous garantir sur notre responsabilité morale qu'en négligeant la ressource qui nous est offerte nous n'exposerons pas notre patrie? Si la conscience dit à chacun de nous que nous ne pouvons pas plus efficacement la garantir, empressons-nous donc de prononcer la déclaration sole nn elle citoyens, la patrie est en danger! Ne retardons pas plus longtemps l'infaillible moyen d'obtenir du patriotisme qu'il forme enfin l'armée qui nous est nécessaire pour repousser nos ennemis! Lorsque sous Louis XIV le despotisme, secondé par le génie de Turenne, a tenu en échec quatre armées à la fois, croyons avec confiance à la cause du genre hu main et aux miracles de la liberté! Ah! messieurs, une voix prophétique s'élève dans mon cœur : nous avons fait le serment d'être libres

c'est avoir fait le serment de vaincre! Appelés à la face de l'ùnivers à stipuler les droits de l'humanité, nous vengerons ces droits sacrés et impérissables! J'en jure par ces phalanges qui vont se rassembler de toutes les parties de la France, et par vous, intrépide Gouvion, par vous, brave Cazote, et par vous tous qu'une mort si belle et si désirable a moissonnés avant la victoire sous les murs de Philippeville; vertueux citoyens, dont la mémoire présidera désormais à nos destinées, et dont les mânes, tressaillant de joie dans le fond des tombeaux, partageront tous nos triomphes! » (Applaudissemens.)

Acte du corps LÉGISLATIF (présenté par M. Lacepède au nom des mêmes comités), décrété le 11 juillet 1792, an 4 de la liberté, mis à exécution le 12 par ordre du roi.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu les ministres, et observé les formalités indiquées par la loi du 5 de ce mois, a décrété l'acte du corps législatif suivant :

» Des troupes nombreuses s'avancent vers nos frontières; tous ceux qui ont horreur de la liberté s'arment contre notre Constitution.

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Citoyens, la patrie est en danger!

Que ceux qui vont obtenir l'honneur de marcher les premiers pour défendre ce qu'ils ont de plus cher se souviennent toujours qu'ils sont Français et libres;

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Que leurs concitoyens maintiennent dans leurs foyers la sûreté des personnes et des propriétés;

» Que les magistrats du peuple veillent attentivement;

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Que tous, dans un courage calme, attribut de la véritable force, attendent pour agir le signal de la loi, et la patrie sera sauvée!

L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX FRANÇAIS. (Adresse présentée par M. Vergniaud au nom des mêmes comités, adoptée le 31 juillet 1792.

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Citoyens, votre Constitution repose sur les principes de la justice éternelle une ligue de rois s'est formée pour la détruire; leurs bataillons s'avancent; ils sont nombreux, soumis à une discipline rigoureuse, et depuis longtemps exercés

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dans l'art de la guerre. Ne sentez-vous pas une noble ardeur enflammer votre courage? Souffrirez-vous que des hordes étrangères se répandent comme un torrent destructeur sur vos campagnes, qu'elles ravagent vos moissons, qu'elles désolent votre patrie par l'incendie et le meurtre, en un mot qu'elles vous accablent de chaînes teintes du sang de ce que vous avez de plus cher ?

» Nos armées ne sont point encore portées au complet : une imprudente sécurité a modéré trop tôt les élans du patriotisme; les recrutemens ordonnés n'ont pas eu un succès aussi entier que vos représentans l'avaient espéré. Des troubles intérieurs augmentent la difficulté de notre position. Nos ennemis se livrent à de folles espérances, qui sont pour vous un outrage!

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Hâtez-vous, citoyens! Sauvez la liberté, et vengez votre

gloire !

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» L'Assemblée nationale déclare que la patrie est en danger. Cependant gardez-vous de croire que cette déclaration soit l'effet d'une terreur indigne d'elle et de vous! Vous avez fait le serment de vivre libres du de mourir : elle sait que vous le tiendrez, et elle jure de vous en donner l'exemple. Mais il ne s'agit pas de braver la mort; il faut vaincre, et vous le pouvez si vous abjurez vos haines, si vous oubliez vos dissensions politiques, si vous vous raillez tous à la cause commune, si vous surveillez avec une infatigable activité les ennemis du dedans, si vous prévenez tous les désordres et les violences individuelles qui les font naître; si, assurant dans le royaume l'empire des lois, et répondant par des mouvemens réglés à la patrie, qui vous appelle, vous volez sur les frontières et dans nos camps avec le généreux enthousiasme de la liberté et le sentiment profond des devoirs de soldats citoyens!

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Français, qui depuis quatre ans luttez contre le despotisme, nous vous avertissons de vos dangers pour vous inviter aux efforts nécessaires pour les surmonter. Nous vous montrons le précipice : quelle gloire vous attend quand vous l'aurez franchi! Les nations vous contemplent; étonnez-les par le déploiement majestueux de vos forces et d'un grand caractère! Union, respect pour les lois, pour les chefs, pour les autorités constituées, courage inébranlable, et bientôt la victoire

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