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auteurs de tous nos maux : plus de six semaines sont écoulées; le rapporteur n'est pas encore nommé.

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Ayez une commission peu nombreuse, respectable par ses membres, discrète dans ses recherches, sage dans ses dénonciations, ferme dans ses mesures, et dès lors vous pourrez vous reposer sur elle de la sûreté publique.

>> Je me trompe : il est encore un obstacle; il faut enfin des exemples de sévérité. Les rebelles se croient aussi favorisés à la cour d'Orléans qu'à celle des Tuileries; pas un des coupables n'a été puni : à quoi tient cette inertie? Vos procurateurs sont patriotes, mais ils sont trop peu nombreux; la tâche excède leurs forces: il faut donc remédier à cette insuffisance, et accélérer la justice d'un grand peuple. Parlez, messieurs ; vous compléterez le système de recherches contre les conspirateurs : commissaires aux armées, commissaires aux municipalités. commissaires dans le sein de l'Assemblée nationale, activité dans la cour d'Orléans.

>> C'est en combinant toutes ces mesures sous les auspices de notre réunion que nous écarterons tous les dangers.

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Oui, messieurs, soyons réunis et nous serons invincibles; mais les faits seuls peuvent nous prouver la sincérité de la réunion.

» Vous voulez la réunion! Hé bien, hâtez-vous donc de décréter que la patrie est en danger : le peuple vous le demande à grands cris; le danger vous le commande.

>> Vous voulez la réunion! Hâtez-vous donc de décréter la responsabilité des ministres, et qu'ils n'ont pas la confiance de la nation; car il n'y a point de succès, point de développement à espérer sous des ministres qui n'ont pas la confiance de la

nation.

» Vous voulez la réunion! Hâtez-vous donc de punir les hommes qui, violant la Constitution en son nom, commandent vos délibérations à la tête d'une armée.

» Vous voulez la réunion! Hàtez-vous donc de rechercher, de punir les conspirateurs de toutes les classes; décrétez les formes qui peuvent assurer leur arrestation et leur châtiment.

>> Vous voulez la réunion! Hâtez-vous donc de décréter le

mode de vente de tous les biens des émigrés. Jurez-leur haine éternelle; qu'il n'y ait plus aucun espoir de cette amnistie qui les encourage dans leurs forfaits!

» Vous voulez la réunion! Ne songez donc plus à briser ces sociétés populaires qui sont nécessaires pour l'instruction du peuple, que la loi doit contenir dans les bornes prescrites, mais qu'elle ne peut fermer sans déchirer la Déclaration des Droits.

» Vous voulez la réunion! Soyez peuple, éternellement peuple; ne distinguez pas les propriétaires des non propriétaires; ne méprisez pas les piques pour honorer seulement les uniformes; que l'égalité constitutionnelle soit en tout votre base.

» Vous voulez la réunion! Otez au pouvoir exécutif tout moyen de de corruption; liez-lui les mains pour le mal; éclairez toutes les dépenses de la liste civile ; rendez au peuple ou à ses délégués l'élection de tous les officiers du trésor public.

Vous voulez enfin la réunion! Soyons tout pour le peuple, rien pour les individus; soyons tout pour la loi, rien pour l'homme.

» A ce prix nous sommes tous frères, et nous serons tous invincibles!

» Et vous, roi d'un peuple libre, voulez-vous aussi la réunion? Hé bien, séparez-vous de cette cour infernale qui n'a cessé de vous égarer, d'empoisonner votre esprit de conseils perfides; qui n'a cessé de vous faire autrichien lorsque vous deviez être français; n'ayez plus de comité secret ; que l'Assemblée nationale soit votre comité; que le peuple seul soit votre confident; que les piques se mêlent avec les fusils pour vous garder, et soyez au milieu de tous un homme du 14 juillet.

>>

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Les applaudissemens prodigués à ce discours par une grande majorité montraient assez que les vues conciliatrices de M. Lamourette n'avaient pu être partagées qu'un moment. (Voyez plus haut, page 187.) En effet, chacun dans l'Assemblée avait repris sa place et son esprit : les justes défiances contre la cour, contre les ministres, contre le roi luimême; l'inaction continue des agens du pouvoir exécutif ;

l'agitation de la capitale et des départemens, incessamment excitée par les prêtres non sermentés et par les compli-ces des émigrés; le besoin que ressentaient les divers partis de se heurter, de se trouver en présence; tout enfin avait concouru à replacer les choses dans l'état où elles étaient avant la réunion jurée le 7. La suspension du maire et du procureur de la commune prononcée par le département; la démission en masse de tous les ministres, qui donnèrent pour motif de leur retraite l'impossibilité de faire le bien; ces circonstances, dont nous parlerons plus tard, loin d'inspirer le calme et la sécurité, étaient venues augmenter encore la tourmente générale. Le danger de la patrie se remontrait donc imminent. MM. Brissot, Vergniaud, Guadet, Gensonné, Lamarque, Thuriot, Couthon, Isnard, insistaient pour que l'Assemblée en fit la déclaration solennelle, regardant ce moyen comme le seul capable de confondre tous les vœux dans l'unique amour de la chose publique. MM. Dumas, Jaucourt, Ramond, Léopold, Dorisy, Lamourette, etc., le signalaient comme un moyen désespéré, et essentiellement dangereux. L'Assemblée renvoya cette question à sa commission extraordinnaire; à laquelle elle adjoignit les comités diplomatique et militaire. Le 11 MM. Hérault, Lacepède, Vergniaud et Vaublanc présentèrent le résultat des méditations de ces trois comités, et le même jour, après la lecture du rapport, le président mit aux voix et proclama cette déclaration solennelle, citoyens, la patrie est en danger! Ce décret fut prononcé dans un religieux silence. Ensuite l'Assemblee écouta, applaudit et adopta deux adresses, l'une aux Français, l'autre à l'armée. Voici ces différentes pièces. RAPPORT fait au nom de la commission extraordinaire et des comités militaire et diplomatique, par M. HéraultSéchelles. (Séance du 11 juillet 1792.)

ont

«Messieurs, parmi les orateurs qui depuis plusieurs jours paru à la tribune il n'en est presque aucun qui n'ait terminé son discours par ces mots citoyens, la patrie est en danger! Mais au moment où la voix du patriotisme et l'impatience publique sollicitaient et allaient obtenir cette imposante

déclaration, l'Assemblée nationale donnant l'exemple du sangfroid qui doit toujours s'unir au courage d'un peuple libre, a voulu se recueillir encore quelques instans, et ne devoir qu'à une délibération tranquille la plus grande mesure qu'elle ait jamais adoptée. C'est dans cet esprit, messieurs, que vous avez renvoyé hier à votre commission, extraordinaire des douze et à vos comités militaire et diplomatique réunis la question ainsi conçue :

1°. Le temps est-il arrivé de déclarer le danger de la patrie?

» 2°. Soit qu'on déclare ou non ce danger, quelles sont les mesures les plus analogues aux circonstances où nous nous trouvons ?

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Après une longue discussion, où les motifs et les objections dont nous allons vous rendre compte ont été mûrement balancés nous nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de déclarer dès à présent que la patrie est en danger.

» Pour parvenir à ce résultat il faut considérer la France sous deux aspects, l'un extérieur, l'autre intérieur.

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Quant à l'extérieur on sait que la défense d'un pays se compose à la fois d'hommes et de munitions : le patriotisme fournira les hommes; l'argent seul peut procurer le surplus.

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Aujourd'hui notre premier besoin est d'avoir des hommes. D'après les rapports que les ministres vous ont faits sur les dispositions de l'Autriche, de la Prusse et des émigrés, qui paraissent préparer contre nous une armée de cent cinquante mille combattans pour la fin de ce mois ou pour le commencement du mois prochain, la France, exposée à une attaque de troupes nombreuses, se voit obligée d'augmenter les siennes, et c'est le seul moyen de rétablir entre elle et ses ennemis cette égalité de forces d'où dépend la sûreté de l'empire; car alors qu'avonsnous à craindre, soutenus par nos places, et combattant sur notre territoire? Notre affaire la plus importante est de finir bientôt la guerre, et de ne pas attendre la chance où un revers, fût-il léger, pourrait déterminer contre nous quelques unes de ces puissances aujourd'hui muettes observatrices, mais dont la correspondance diplomatique nous montre, dans le lointain peut-être, les espérances secrètes, et une prudence subordonnée

IX.

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à la fortune. Produisons donc un grand mouvement; déployons un appareil formidable; intéressons chaque citoyen à son sort; appelons, il en est temps, autour de la patrie tous les Français, tous ceux qui, ayant juré de défendre la Constitution jusqu'à la mort, ont le bonheur de pouvoir enfin réaliser leur serment! Dites, messieurs, la patrie est en danger! et ce seul mot, comme l'étincelle électrique, à peine parti du sein de la représentation nationale, va retentir le même jour dans les quatre-vingt-trois départemens, va gronder sur la tête des despotes et de leurs esclaves; et ce mot seul repoussera leurs attaques, ou appuiera victorieusement les négociations, si toutefois ce sont des négociations qu'on puisse entendre, et qui n'altèrent en rien la sainteté immuable de nos droits!

» La mesure que nous vous proposons en cet instant, messieurs, vos comités l'ont regardée comme indispensable. En effet, il ne faut pas se le dissimuler, jusqu'à présent les recrutemens ordinaires ont été insuffisans, et l'on n'a pu encore atteindre le nombre d'hommes décrété : ainsi l'espoir est nul tant que vous emploierez les mêmes moyens; il est immense aussitôt que vous aurez déclaré que la patrie est en danger.

» C'est ici le moment de répondre à quelques objections. Plusieurs personnes ont demandé quelle pouvait être l'utilité de cette déclaration si l'on obtient sans elle le même effet? Pourquoi donner aux puissances étrangères et même parmi nous une fausse idée de notre position? Quelle nécessité de sonner le tocsin quand l'incendie n'éclate pas encore? Qu'est-il besoin d'épuiser les ressources, de les user, de commencer par une mesure trop active, qui vous ôte ensuite tout moyen de recruter les troupes de ligne et les bataillons de gardes nationaux volontaires? Lorsque vous avez déjà les corps d'armée nécessaires pour se mouvoir entre les places, un trop grand nombre d'hommes chargés de la défense de ces places est-il un avantage réel? N'est-il pas au contraire un embarras dans la défensive? Etes-vous donc si loin des proportions convenables? Ne seriezvous pas parfaitement tranquilles si vous aviez dans votre armée un accroissement de cent mille hommes? Croyez-vous qu'en augmentant ainsi la garnison depuis le Rhin jusqu'à la mer il fût permis à l'ennemi de pénétrer dès cette campagne dans

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