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pouvoir exécutif S'il veut comme vous le salut public, il n'hésitera pas... S'il refuse... Je m'arrête : le danger public nous inspirera; nous ouvrirons l'évangile de la Constitution.

» Votre réunion a porté déjà un coup terrible à vos ennemis : votre décret sur le danger de la patrie sera plus terrible encore, car ce n'est pas ici le cri de la France, mais bien celui de l'indignation et de la fureur; c'est un torrent qu'on crée d'un moì, et la liberté seule peut opérer ce prodige.

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» Ce premier décret n'est pas votre salut entier, mais il le prépare; mais sans ce décret votre salut ne peut exister : il commande à l'âme de grandes idées, à la nation de grands dé veloppemens, à ses représentans les plus grands efforts pour sauver la patrie! Ce décret est le premier anneau auquel doivent s'enchaîner tous les autres; mais ces autres décrets on ne peut les rendre qu'après avoir bien connu la vraie cause des maux qui déchirent la patrie. Tel est, messieurs, l'examen dans lequel nous devons entrer avec courage. J'ai longtemps réfléchi avant de me déterminer à vous présenter ce tableau des causes de nos dangers : je craignais tant de troubler par des souvenirs affligeans la douceur de notre réunion!...

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Mais, messieurs, j'ai pensé que notre réunion avait effacé le passé dans tout ce qui nous concerne personnellement, mais non dans ce qui concerne la nation; j'ai pensé que cette réupion n'avait changé ni le mal ni les causes, et ne devait point changer le remède; j'ai pensé enfin que mon silence serait un crime.

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» Qui suis-je ? Un représentant du peuple. A cette tribune je ne suis donc plus moi; je suis lui: je puis composer pour moi je ne puis composer pour lui son intérêt voilà ma loi, ma règle invariable; dire la vérité, la vérité tout entière : voilà mon devoir ! Si donc je composais avec ma conscience, si pour ne pas troubler le calme de quelques personnes qui dans une bonne intention sans doute croient et disent que le silence guérira tout, si j'allais garder ce funeste silence j'aurais à me reprocher éternellement ma lâcheté; car ma conscience me dit que la nation est perdue si les hommes qui connaissent le mal n'élèvent pas la voix, s'ils trompent ou se laissent tromper par une surface séduisante.... Il existe de grandes.

conspirations; le foyer n'en est pas éteint, ne peut pas l'être, ou la nature se inentirait à elle-même : il existe de grands délits, et notre réunion ne doit couvrir que nos erreurs, nos dissentimens passés. Nous pouvons disposer de nos ressentimens personnels; nous ne pouvons disposer de la justice de la nation, ou si jamais une pareille coalition existait entre les deux pouvoirs ce serait une vraie conjuration contre la liberté, contre la nation, qui devrait maudire une pareille réunion! Je dirai donc la vérité; je la dirai sans fiel, et uniquement pour faire saisir le remède ; je la dirai comme la postérité, et vous devez m'entendre comme elle. Je peindrai le pouvoir exécutif tel qu'il a été jusqu'au jour d'hier : puisse-t-il un jour nous faire oublier tout le mal qu'il nous a fait ! Mais ou il est aujourd'hui de bonne foi ou il ne l'est pas s'il l'est il doit entendre de la bouche d'un représentant du peuple le mal qu'il a causé ; il doit le connaître pour le réparer : s'il ne l'est pas vous serez instruits, et vous ferez votre devoir.....

Messieurs, un jour seul ne change point un homme, et comment changerait-il une cour une cour qui depuis quatre ans ne cesse de se repaître de vengeances, de discordes, de conjurations! Vous qui vantez son changement, qui croyez à ce miracle d'un jour, osez répondre à la nation sur votre tête, osez lui répondre que dans cette cour on veut sincèrement la révolution, qu'on aime le peuple, qu'on déteste la ligue des rois; osez répondre que cette cour a déchiré toutes ses correspondances avec Coblentz et Vienne, et rompu tous les liens; qu'elle versera jusqu'à la dernière goutte de son sang pour empêcher l'entrée des Autrichiens; qu'elle périra tout entière jusqu'au dernier individu plutôt que de voir notre liberté s'anéantir........ Osez répondre! et songez que l'échafaud est là si vous vous trompez... Vous hésitez ?... Hé bien, ne nous amusez donc pas avec des promesses et des protestations! La liberté n'est point un hochet pour que nous devions la mettre au hasard, pour que nous devions jouer sur parole le bonheur ou le malheur de vingt-cinq millions d'hommes. La cour a trompé et joué le peuple depuis quatre ans; voilà un fait évident : qu'elle ait maintenant quatre ans de bonne foi et de patriotisme, et nous pourrons la croire. Que la cour ait trompé le roi comme

la nation, je le veux ; que le roi soit de bonne foi, je le veux encore; mais je me regarderais comme un traître, comme le bourreau de la liberté et de mon pays, si je croyais à cette conversion subite de la cour, si dans cette croyance j'écartais les remèdes vigoureux !

» Le péril où nous sommes est le plus extraordinaire qu'on ait encore vu dans l'histoire des siècles passés. La patriè est en danger, non pas qu'elle manque de troupes, non pas que ses troupes soient peu courageuses, ses frontières peu fortifiées ses ressources peu abondantes... Non; elle est en danger parce qu'on a paralysé ses forces. Eh! qui les paralysait? Un seul homme; celui-là même que la Constitution a fait son chef, que des conseillers perfides faisaient son ennemi!

» On vous dit de craindre les rois de Hongrie et de Prusse... Et moi je dis que la force principale de ces rois est à la cour, et que c'est là qu'il faut les vaincre d'abord. On vous dit de frapper sur des prêtres réfractaires par tout le royaume... Et moi je dis que frapper sur la cour des Tuileries c'est frapper ces prêtres d'un seul coup.

On vous dit de poursuivre partout les intrigans, les factieux, les conspirateurs... Et moi je dis que tous disparaissent si vous frappez sur le cabinet des Tuileries, car ce cabinet est le point où tous les fils aboutissent, où se trament toutes les manœuvres, d'où partent toutes les impulsions!

» La nation est le jouet de ce cabinet, c'est à dire de quelque's intrigans qui le dominent; voilà le secret de notre position, voilà la source du mal, voilà où il faut porter le remède, et un remède vigoureux les remèdes faibles décèlent une tête étroite et timide et ne font que pallier le mal; il faut, si l'on veut le guérir, appliquer des caustiques, les appliquer sur la partie gangrenée, ou la gangrène gagnera insensiblement toutes les parties saines.

» Un ministre vous a dit que le mal était dans les lacunes du code pénal; votre rapporteur l'a vu dans la licence des applaudissemens ou des écrits : c'est s'occuper gravement d'une égratignure lorsque l'abcès est à la tête.

» Pour moi, messieurs, je hais ces capitulations de la timi

dité, avec les principes et la vérité entre un peuple et quelques individus, je ne sais point balancer. Je vais donc prouver :

» Qu'il a existé un plan de conjuration contre la liberté française, combiné, suivi par le pouvoir exécutif, plan qui couvre tout le royaume, embrasse nos directoires et nos armées, et dont les fils font remuer les cabinets ministériels des diverses cours de l'Europe.

» Je vais prouver que tous nos dangers intérieurs et extérieurs tiennent à ce plan de conspiration du pouvoir exécutif.

» Enfin je prouverai que ces dangers disparaîtront eu frap¬ pant sur les auteurs, instrumens et complices de ce plan de conspiration; et, ce qui peut-être affligera nos ennemis, qui se sont arrangés pour nous tuer constitutionnellement, c'est avec les armes seules de la Constitution que je veux repousser tous nos dangers. Je ne considérerai d'abord, dans le tableau de cette conspiration, le pouvoir exécutif que comme un être abstrait; lorsque j'arriverai ensuite aux mesures à proposer je distinguerai les deux espèces d'hommes qui composent ce pouvoir exécutif, c'est à dire le chef et ses agens.

» Des puissances redoutables s'étaient coalisées contre notre Constitution; la majesté de la nation française et son salut exigeaient une marche vigoureuse. Rompre avec des princes qui nous outrageaient, porter la guerre avec rapidité dans leurs états, profiter de leur faiblesse, du petit nombre de leurs troupes, du délabrement de leurs places, de la saison qui les enchaînait et nous permettait l'attaque; répandre partout ce feu de la liberté qui nous créait presque autant de frères et de défenseurs qu'il y avait d'hommes, voilà ce qu'eût fait le pouvoir exécutif s'il eût été révolutionnaire : il a fait précisément l'inverse; car ne nous a-t-il pas constamment caché l'existence et les projets de la coalition couronnée? N'a-t-il pas prostitué la dignité de la nation en caressant l'Autriche, malgré cette coalition et les outrages qu'elle nous prodiguait? N'a-t-il pas dédaigné et même rejeté les offres d'autres puissances qui désiraient notre alliance? N'est-il pas resté dans une inertie totale malgré les dangers qui s'accroissaient chaque jour, malgré les avis qu'il en recevait? N'a-t-il pas négligé de faire des préparatifs, laissé dé

sorganiser l'armée et la marine, suspendu les remplacemens, laisser manquer les approvisionnemens? N'a-t-il pas joué la nation dans cette foule de marchés qui promettent éternellement des fusils et n'en donnent aucun? N'a-t-il pas, par l'organe d'un de ses ministres, promis de faire entrer le 10 février cent cinquante mille hommes en pays ennemi, tandis qu'au 1er juin à peine avait-il cinquante mille hommes en état? N'a-t-il pas, par ses fausses et perfides promesses, amené la nation à se précipiter dans une guerre offensive, tandis qu'ensuite il a déployé tous ses efforts pour la traverser, pour la rendre défensive, pour conserver le Brabant à l'Autriche, pour donner le temps aux ennemis d'arriver? Qui nomme-t-il pour généraux dans cette guerre offensive? Précisément les deux hommes qui en *étaient les ennemis déclarés. Qui charge-t-il de favoriser l'insurrection belgique? Le général qui s'en était de tout temps montré l'ennemi, M. Lafayette. Qui charge-t-il de la guerre défensive? Le seul général qui n'en voulait point, Luckner. De pareils choix faits à contresens n'annoncent-ils pas l'intention formelle de faire échouer la guerre ? M. Dumas a contesté quelques uns de ces faits; il a contesté le secret gardé sur la - convention de Pilnitz ; il a soutenu`que cette convention avait été annulée depuis la notification de notre Constitution : mais que M. Dumas relise les discours tenus par le roi, par MM. Montmorin et Delessart à l'Assemblée nationale; il n'y verra dans aucun, je ne dis pas la notification, mais même la plus légère mention de cette convention ni des traités qui l'ont suivie. M. Dumas oublie encore ou n'a pas lu la circulaire du 1er novembre de l'empereur, ni son office du 21 décembre qui prouvent que jamais la convention de Pilnitz n'a été annulée, que le concert des puissances devait toujours exister, même après la réponse de l'empereur à la notification de la Constitution.

>> M. Dumas vous a dit que l'attaque dans le Brabant était impolitique, et qu'il valait mieux la porter dans le Brisgaw..... C'est à dire que pour nuire à son ennnemi il faut l'attaquer lä où l'on ne peut lui nuire ; c'est à dire qu'il fallait ménager les possessions de l'Autriche; c'est à dire que parce que Léopold, comptant sur son parti à Paris, n'avait fait aucun préparatif, parce que l'insurrection était facile dans le Brabant, parce

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