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ministres, sinon l'aveu de leur inaction et de la nullité de leurs préparatifs?

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» Ce ministère, dont l'inertie coupable avait multiplié nos ennemis et atténué nos moyens de défense; ce ministère, qui ne cachait même ni son indulgence pour les fanatiques sédi– tieux, ni ses ménagemens pour les rebelles de Coblentz, ni sa prédilection pour l'alliance autrichienne; ce ministère, forcé de céder à l'indignation publique, n'a disparu qu'en apparence, et, par une lettre qu'au moment de sa chute il a eu la perfidie de vous faire souscrire, vous vous êtes en quelque sorte déclaré son complice! Les ministres patriotes, qui voulaient que la tranquilité intérieure fût retable, qui demandaient une mesure de défense nécessaire à la sûreté de la capitale, à la vôtre, Sire, si les ennemis de la liberté sont aussi les ennemis du roi, ces ministres ont été renvoyés et remplacés par des hommes en qui la nation ne peut voir que les créatures de ce ministère corrompu, déjà réprouvé par elle.

» La France n'est pas tranquille... Mais, Sire, pourquoi, au lieu de ne voir dans ces mouvemens irréguliers des citoyens que les justes inquiétudes d'un peuple généreux qui craint pour sa liberté, vous fait-on parler le même langage que nos ennemis, et travestir en faction la réunion des Français dans le saint amour de l'égalité et de la liberté ?

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Pourquoi, lorsqu'éclairés sur l'esprit vraiment factieux que l'on avait su répandre dans votre garde vous avez sanctionné le décret qui en ordonnait le licenciement, vous a-t-on fait approuver en quelque sorte, par un acte contraire à la loi, les mêmes manœuvres que vous aviez flétries par un autre acte revêtu des formes légales? Pourquoi, lorsqu'un général vient au mépris des lois parler aux représentans de la nation au nom de son armée, êtes-vous encore le prétexte de cet outrage à la souveraineté du peuple?

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Pourquoi, lorsqu'un de ces mouvemens souvent utiles dans un temps de révolution, irréprimables sous une Constitution libre; a troublé votre repos pendant quelques heures : lorsque votre courage, caline, inaltérable, vous montrait à la France digne de commander aux orages populaires et d'entendre la voix de la raison, avez-vous dès le lendemain abdiqué ce grand

caractère pour vous montrer, au gré de vos lâches conseillers, l'accusateur de ceux que vous aviez accueillis, le dénonciateur de ceux dont vous aviez accepté les secours ? (1) Pourquoi n'avezvous pas voulu continué d'être vous-même? Pourquoi, lorsque vous aviez bravé au moins l'apparence du danger, avez-vous attendu le moment où elle n'existait plus pour donner aux nations étrangères comme à nos armées l'idée d'une contrainte imaginaire, et préparer un prétexte aux entreprises des ambitieux comme au machiavélisme des tyrans?

» Vous vous plaignez, Sire, du peu de confiance du peuple... Réfléchissez sur cette conduite que des perfides vous ont inspirée, et prononcez entre vous et lui.

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» Choisissez, Sire, entre la nation qui vous a fait roi, et des factieux qui se disputent le partage de votre pouvoir. Que la cabale de vos anciens ministres s'éloigne de vous ; que ces confidens secrets qui vous donnent des conseils plus dangereux encore, cessent de menacer la liberté; que la révolution qui s'est opérée dans l'Empire français se fasse enfin dans votre cour; que l'égalité constitutionnelle y remplace l'orgueil féodal; que les familles des rebelles ne remplissent plus votre palais; qu'elles ne soient plus l'unique société des personnes qui vous sont chères; que des patriotes forment seuls votre conseil, et que ce conseil public ait seul votre confiance !

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Vos esclaves vous diront que ces hommes indiqués par P'opinion nationale ne seront pas attachés à votre personne, qu'ils seront les officiers du peuple et non les serviteurs du roi....... Mais, Sire, tous vos intérêts personnels, celui de votre repos, celui de votre gloire, ne sont-ils pas liés à la cause de la liberté ? Quel serait donc votre sort dans la France triomphante et libre malgré vous? Et si nous succombions sous tant d'ennemis conjurés, quel serait encore votre sort dans la France sanglante et démembrée, qui vous accuserait seul de ses malheurs et de ses pertes?

» Parmi les causes des troubles qui nous agitent la voix pu blique a placé depuis longtemps l'usage honteux et funeste que

(1) Ces reproches ont trait à la suspension du maire et du procureur de la commune. (Voyez plus loin, page 244-)

de lâches corrupteurs osent faire de votre liste civile : cetle voix peut se tromper; mais tant que le soupçon subsiste la confiance ne peut naître, et c'est uniquement en publiant l'emploi sans doute légitime de ce trésor dangereux que vous pouvez la reconquérir.

« Votre conscience, Sire, doit rester libre; mais si elle vous attache à un culte dont les ministres ont inondé la France de conspirateur, si elle vous attache à un culte dont les docteurs ont tant de fois fait un devoir de la trahison et du parjure, si elle vous attache à un culte dont les prétendus outrages sont aussian des prétextes de nos ennemis, croira-t-on que vous avez rempli le devoir imposé par la loi au roi des Français, quand des prêtres fanatiques cabalent dans votre palais, quand vos refus répétés anéantissent tous les moyens de prévenir ou de réprimer leurs fureurs ?

>> Nous vous avons rappelé, Sire, les obligations sévères auxquelles la Constitution vous a soumis lorsque des ennemis perfides s'armeraient en votre nom contre la liberté, et vous nous épargnerez sans doute la douleur de vous y trouver infidèle. »

Le 7 août, au moment de reprendre la discussion sur les dangers de la patrie, M. Lamourette, député du Rhône et évêque constitutionnel de Lyon, demanda la parole pour une motion d'ordre qui donna lieu à une séance mémorable.

Motion de M. Lamourette, tendant à réunir dans un méme esprit tous les membres de l'Assemblée. ( Séance du 7 juillet 1792.)

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Messieurs, on vous a proposé et l'on vous proposera sans doute encore des mesures extraordinaires et terribles pour arrêter le progrès des maux, des divisions et de la fermentation qui déchirent le sein de la France, et dont l'effet est de la faire regarder par les puissances étrangères comme parvenue au dernier degré de la défaillance; mais de toutes ces mesnres il n'en est aucune qui atteignent le but, parce qu'il n'en est aucune qui soit véritablement centrale, et que jamais on est remonté à la véritable source de nos maux. Cette source, messieurs, qu'il faut tarir à quelque prix que ce soit, c'est la désunion de l'Assemblée nationale! La position du corps légis

latif est le véritable thermomètre de l'état de la nation; et si quelqu'un voulait se former une juste idée de la situation politique et morale des Français, il n'aurait qu'à fréquenter l'enceinte où s'assemblent leurs représentans. Oui, c'est ici que réside le levier qui fait mouvoir la grande machine de l'Etat dans le sens de l'unité et de l'harmonie, ou qui produit la complication et l'opposition des mouvemens qui la détruisent! Oh! si quelqu'un de vous, messieurs, était appelé à exécuter ce grand dessein, à exécuter cette précieuse et désirable réunion de la représentation nationale, ce serait celui-là qui serait le vrai bienfaiteur de ses concitoyens, le vrai libérateur de sa patrie, le destructeur de tous les complots des tyrans, le véritable vainqueur de l'Autriche et de Coblentz! (Applaudissemens.)

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Hé quoi! messieurs, vous tenez dans vos mains la clef du salut public, et vous chercheriez ce salut, objet d'une si longue et si laborieuse attente, vous le chercheriez dans des lois toujours incertaine, et vous vous refuseriez à la gloire si touchante de faire couler de votre propre sein les douceurs de la paix et de l'unité sur un peuple à qui cet inappréciable bien est si nécessaire ! J'ai souvent entendu dire qu'au point où en sont les choses cette réunion était impossible........; et ces mots m'ont fait frémir, car ils renferment la plus florissante injure qu'on puisse faire à tous les membres de cette Assemblée. Jamais scission ne fut irrémédiable que celle qui subsiste entre le vice et la vertu (applaudissemens); il n'y a que l'honnête homme et l'homme méchant qu'il ne faille point espérer d'assortir et de concilier (applaudissemens. ); mais pour les gens de bien ils ont beau se trouver opposés les uns aux autres, et débattre en sens contraire les moyens d'assurer la prospérité et la liberté d'un empire, leurs dissentimens ne produisent ni passion ni haine, parce qu'ils s'estiment, parce qu'il subsiste entre eux unité de fin, parce qu'ils ont tous le sentiment de leur droiture et de leur innocence, parce qu'ils sont sûrs les uns des autres, et qu'après le mouvement décent et modéré de leurs opinions divergentes ils se rencontrent toujours au point central de la probité et de l'honneur, à cet asile sacré où la vertu jouit d'ellemême et où toutes les âmes sensibles et honnêtes s'unissent et

se concentrent de toutes les parties de l'univers. (Nombreux applaudissemens.)

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Messieurs, il ne tient qu'à vous de vous ménager un moment bien beau et bien solennel, un moment plus utile à l'excellent peuple dont vous êtes, les organes que vos journées et vos séances les plus mémorables; il ne tient qu'à vous de donner à la France et à l'Europe un spectacle attendrissant pour tous les amis de la liberté, et plus redoutable à vos ennemis que toutes les bouches d'airain que vous avez disposées autour de vos frontières! Ramenez à l'unité la représentation nationale! Le plus précieux événement ne tient qu'à un fil que vous pourrez rompre dans un instant, et la plus malheureuse des scissions ne tient qu'à un malentendu le plus misérable ; toutes les défiances qui l'entretiennent se réduisent à un point, et se résument dans ce senl fait une partie de l'Assemblée · attribue à l'autre le dessein séditieux de renverser la monarchie et d'établir la république, et celle-ci prête à la première le crime de vouloir l'anéantissement de l'égalité constitutionnelle, et de tendre à la création de deux chambres. Voilà le foyer désastreux d'une désunion qui se communique à tout l'Empire, et qui sert de base aux coupables espérances de ceux qui manoeuvrent la contre-révolution. Hé bien, messieurs, foudroyez par une exécration commune et par un dernier et irrévocable serment, foudroyons et la république et les deux chambres! (Applaudissemens unanimes.) Jurons de n'avoir qu'un seul esprit, qu'un seul sentiment; jurons-nous fraternité éternelle! Confondons-nous en une seule et même masse d'hommes libres, également redoutable et à l'esprit d'anarchie et à l'esprit féodal! Dès le moment où nos ennemis domestiques et étrangers ne pourront plus douter que nous voulons une chose fixe et précise, et que ce que nous voulons nous le voulons tous, ce sera le véritable moment où il sera vrai de dire que la liberté triomphe, et que la France est sauvée! (Applau dissemens unanimes et plusieurs fois réitérés.)

» En conséquence des considérations que je viens de présenter, je fais la motion qu'un jour et une heure soient déterminés où M. le président dira : que tous ceux qui abjurent et exicrent la république et les deux chambres se lèvent!»

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