le zèle patriotique, et non pas, comme l'a dit M. Vergniaud, la fermentation; voulez-vous exciter l'énergie des sentimens, et non pas, comme l'a dit M. Vergniaud, leur exaliation, hé bien, messieurs, que le message au roi soit le gage de votre accord parfait; que la paix soit ici, et, j'en suis le garant, elle sera dans tout l'Empire! (Murmures et applaudissemens.) Et le peuple agité, et le peuple fatigué, non pas des efforts de son zèle pour le maintien de sa liberté, mais bien des convulsions que des frénétiques lui communiquent sans cesse; le peuple, qui vous demande le repos dont il a besoin, le peuple n'aura plus d'inquiétude quand vous l'aurez assuré par cette conduite franche et loyale qu'il ne doit rien craindre des ennemis intérieurs. » Permettez qu'un Français s'étonne d'une terreur qui comprime le courage, qui divise tous les citoyens; chacun cherche autour de soi des conspirateurs! Où sommes-nous donc, et quel autre état de choses auraient désiré les conjurés de Coblentz? Je le répète encore, la fin de nos maux, la fin du règne du mensonge, la paix, source de toute force, est dans vos mains; elle est ici! (Murmures.) Plus que jamais la confiance publique paut s'appuyer sur une base solide. Ces explications franches entre les autorités constituées... ( Une voix : Les ministres n'en veulent pas donner. Interruption.) » Je me suis livré au mouvement de mon cœur ; mais je ne crois point errer en assurant que cette époque pourrait être la plus glorieuse de notre révolution. Il est temps que le peuple apprenne ses devoirs de la bouche de ceux qu'il a commis pour maintenir ses droits; méritons sa confiance (murmures ); méritons son respect, et nous n'aurons pas besoin de l'exiger; montrons-lui notre obéissance profonde pour les lois constitutionnelles, et toujours il obéira aux lois; ne souffrons pas qu'on lui dise qu'une nouvelle aristocratie s'élève sur les débris des priviléges, qu'une coalition nobiliaire l'assiége encore et le menace d'une nouvelle oppression. Pourquoi prononcer de nouveaux sermens? Les sermens inutiles accréditent les soupçons, affaiblissent l'idée de la sainteté de nos premiers engagemens... ( Murmures, ) Aucun de nous ne souffrira qu'aucune atteinte soit portée à l'égalité politique, garantie par la Consti tution; nous l'avons jurée : mais je demande que nous opposions une invincible résistance aux factions qui veulent détruire réellement cette égalité par un système de nivellement qui, dissolvant le corps social, établirait la plus affreuse et la plus dure inégalité. Il faut que le peuple sache que la prétendue aristocratie des richesses ne peut pas exister, que le riche le plus prodigue et l'héritier le plus avare sont les meilleurs distributeurs, les meilleurs économes du pauvre... (Eclats de rire et murmures.) » Oui, messieurs, ceux qui m'ont interrompu au moment où j'allais conclure par une réflexion que je crois nécessaire et extrêmement applicable aux circonstances actuelles, ceux-là ne parviendront pas sans doute à faire entendre que j'ai voulu faire l'apologie des richesses; j'ai voulu dire, j'ai dit au peuple que dans les richesses, ou, si vous voulez, dans l'inégalité des fortunes, se trouve le gage du salaire de la partie industrielle de la nation, de celle dont l'existence, plus précaire, doit nous intéresser davantage. » J'ai dit qu'il était essentiel de graver cette vérité dans le cœur de nos concitoyens, qu'on cherche à égarer par une fausse doctrine; c'est aux lois sages et protectrices des propriétés à préparer une meilleure proportion de fortune; et puisque nous nous occupons des remèdes à apporter aux troubles publics, il ne faut pas laisser échapper l'occasion d'en montrer la plus dangereuse cause. » Je conclus à ce qu'il n'y ait rien à délibérer sur les propositions de M. Vergniaud tendant à rendre les ministres responsables des troubles religieux et des événemens de la guerre autrement qu'en ce qui les concerne dans l'emploi des moyens qui leur sont donnés par la loi. >> J'appuie la motion de M. Vergniaud tendant à ce qu'il soit envoyé un message au roi, et je demande que la commission des douze soit chargée de la rédaction. J'appuie encore la proposition d'envoyer ce message, et une adresse aux Français rédigée dans le même esprit, à tous les départemens. Je désire que ces mesures nous donnent enfin la paix, dont le peuple a besoin, En vous soumettant ces observations j'ai fait ce que mon devoir me prescrivait; je me suis acquitté envers ma patrie : je cède la parole à ceux qui auraient quelque chose de mieux à dire. Si quid novisti rectiùs istis. » (Voyez plus loin le discours de Brissot, sur les dangers de la patrie.) Quelques membres votent l'impression du discours de M. Dumas; l'Assemblée rejette cette demande. La proposition de M. Vergniaud tendant à déclarer la patrie en danger avait été généralement appuyée; mais avant d'adopter une pareille mesure il était indispensable d'en régler les formes; en conséquence on mit en délibération le projet présenté par M. Jean-Debry (voyez plus haut son rapport). Ce projet fut adopté le 5, avec quelques amendemens: un des plus importans, celui de M. Lagrevol, eut pour objet de qualifier d'acte du corps législatif l'acte qui déclarerait la patrie en danger, ce qui le rendrait non sujet à la sanction. Décret de l'Assemblée qui règle les formes dans lesquelles le corps législatif pourra déclarer la patrie en danger. (Du 5 juillet 1792; sanctionné le 8 du même mois..) « L'Assemblée nationale, considérant que les efforts multipliés des ennemis de l'ordre et la propagation de tous les genres de troubles dans les diverses parties de l'Empire, au moment où la nation, pour le maintien de sa liberté, est engagée dans une guerre étrangère, peuvent mettre en péril la chose publique, et faire penser que le succès de notre régénération politique est incertain; » Considérant qu'il est de son devoir d'aller au-devant de cet événement possible, et de prévenir par des dispositions fermes, sages et régulières, une confusion aussi nuisible à la liberté et aux citoyens que le serait alors le danger lui-même; >> Voulant qu'à cette époque la surveillance soit générale, l'exécution plus active, et surtout que le glaive de la loi soit sans cesse présent à ceux qui, par une coupable inertie, par des projets perfides ou par l'audace d'une conduite criminelle, tenteraient de déranger l'harmonie de l'Etat ; » Convaincue qu'en se réservant le droit de déclarer le danger elle en éloigne l'instant, et rappelle la tranquillité dans l'âme des bons citoyens; » Pénétrée de son serment de vivre libre ou mourir, et de maintenir la Constitution; forte du sentiment de ses devoirs et des vœux du peuple, pour lequel elle existe, décrète qu'il y a urgence. » L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des douze, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit : » Art. 1er. Lorsque la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l'Etat seront menacées, et que le corps législatif aura jugé indispensable de prendre des mesures extraordinaires, elle le déclarera par un acte du corps législatif conçu en ces termes : » Citoyens, la patrie est en danger. » 2. Aussitôt après la déclaration publiée, les conseils de département et de district se rassembleront, et seront, ainsi que les municipalités et les conseils généraux des communes, en surveillance permanente; dès ce moment aucun fonctionnaire public ne pourra s'éloigner ou rester éloigné de son poste. » 3. Tous les citoyens en état de porter les armes, et ayant déjà fait le service de gardes nationales, seront aussi en état d'activité per manente. » 4. Tous les citoyens seront tenus de déclarer devant leurs municipalités respectives le nombre et la nature des armes et munitions dont ils seront pourvus : le refus de déclaration, ou la fausse déclaration, dénoncée et prouvée, seront punis par la voie de la police correctionnelle, savoir, dans le premier cas, d'un emprisonnement dont le terme ne pourra être moindre de deux mois, ni excéder une année, et dans le second cas d'un emprisonnement dont le terme ne pourra être moindre d'une année ni excéder deux ans. » 5. Le corps législatif fixera le nombre des gardes nationales que chaque département devra fournir. >> 6. Les directoires de département en feront la répartition par district, et les districts entre les cantons, à proportion du nombre des gardes nationales de chaque canton. >> 7. Trois jours après la publication de l'arrêté du directoire les gardes nationales se rassembleront par canton, et, sous la surveillance de la municipalité du chef-lieu, ils choisiront entre eux le nombre d'hommes que le canton devra fournir. » 8. Les citoyens qui auront obtenu l'honneur de marcher les premiers au secours de la patrie en danger se rendront trois jours après au chef-lieu de leur district; ils s'y formeront en compagnie, en présence d'un commissaire de l'administration du district, conformément à la loi du 4 août 1791 : ils y recevront le logement sur le pied militaire, et se tiendront prêts à marcher à la première réquisition. » 9. Les capitaines commanderont alternativement et par semaine les gardes nationales choisies et réunies au chef-lieu de district. » 10. Lorsque les nouvelles compagnies des gardes nationales de chaque département seront en nombre suffisant pour former un bataillon elles se réuniront dans les lieux qui leur seront désignés par le pouvoir exécutif, et les volontaires y nommeront leur état-major. - 11. Leur solde sera fixée sur le même pied que celle des autres volontaires nationaux ; elle aura lieu du jour de la réunion au cheflieu de canton. » 12. Les armes nationales seront remises, dans les chefs-lieux de canton, aux gardes nationales choisies pour la composition des nouveaux bataillons de volontaires. L'Assemblée nationale invite tous les citoyens à confier volontairement, et pour le temps du danger, fes armes dont ils sont dépositaires à ceux qu'ils chargent de les défendre. » 13. Aussitôt la publication du présent décret les directoires de district se fourniront chacun de mille cartouches à balles, calibre de guerre, qu'ils conserveront en lieu sain et sûr, pour en faire la distribution aux volontaires lorsqu'ils le jugeront convenable. Le pouvoir exécutif sera tenu de donner des ordres pour faire parvenir aux départemens les objets nécessaires à la fabrication des cartouches. 1 » 14. La solde des volontaires leur sera payée sur les mandats qui seront délivrés par les directoires de district, ordonnancés par les directoires de département, et les quittances en seront reçues à la trésorerie nationale comme comptant. - » 15. Les volontaires pourront faire leur service sans être revêtus de l'uniforme national. » 16. Tout homme résidant où voyageant en France est tenu de porter la cocarde nationale. » Sont exceptés de la présente disposition les ambassadeurs et agens accrédités des puissances étrangères. » 17. Toute personne revêtue d'un signe dé rébellion sera poursuivie devant les tribunaux ordinaires, et en cas qu'elle soit convaincue de l'avoir pris à dessein elle sera punie de, mort : il est ordonné à tout citoyen de l'arrêter ou de la dénoncer sur le champ, à peine d'être réputé complice. >> Toute cocarde autre que celle aux trois couleurs nationales est un signe de rébellion. » 18. La déclaration du danger de la pâtrie ne pourra être prononcée dans la même séance où elle aura été proposée, et avant tout le ministère sera entendu sur l'état du royaume. » 19. Lorsque le danger de la patric aura cessé l'Assemblée nationale le déclarera par un acte du corps législatif conçu en ces termes : » Citoyens, la patrie n'est plus en danger. » Ce décret rendu, M. Torné, évêque du Cher, demande la parole, et dans un discours véhément contre la cour des Tuileries, dont il retrace les perfidies; contre les aristocrates, dont il rappelle et dévoile les manœuvres; contre les modérés, qu'il nomme les hermaphrodites de la révolution; contre les prétendus constitutionnels, hommes ambitieux |