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rendu relativement à la réserve de vingt mille hommes. Il était nécessaire que je fisse cette courte apologie avant d'observer que le

moyen proposé nous aurait ôté celui de maintenir l'armée au complet, et surtout d'alimenter les bataillons de volontaires nationaux... (Bruit, murmures; interruption. Plusieurs membres réclament la liberté des opinions; l'orateur continue. ).

» Mon opinion est-il donc qu'il ne peut y avoir aucun délai dans les mesures à prendre pour le rassemblement de la réserve; mais comme les ministres ne peuvent être responsables du veto, comme d'ailleurs ils ont pourvu à ce que la sûreté du royauine exigeait, je crois qu'il ne peut y avoir lieu à la responsabilité. Je demande en conséquence, sur cette partie des propositions de M. Vergniaud, la question préalable.

» Je la demande encore sur ce qui est relatif aux troubles religieux. Je crois, messieurs, que les mesures à prendre contre les prêtres factieux sont instantes, et que le ministère actuel serait, comme le précédent, responsable de sa négligence s'il n'employait pas les moyens que la loi lui fournit ; mais c'est à nous à remplir le vide de la loi. Le roi n'a pas dû nous demander des mesures répressives qui fussent contraires à la Constitution, mais seulement une addition au code pénal qui assignât des peines pour cette espèce particulière de perturbateurs. Vous pourrez définir, vous pourrez prononcer ces peines, que les tribunaux appliqueront, et mon opinion est que cette loi suffira, Si son application est négligée, si les ministres de l'intérieur et de la justice ne mettent pas en œuvre tous les moyens qui leur seront confiés pour détruire ce fléau, alors vous poursuivrez la responsabilité contre eux; mais avant d'en venir là n'est-il pas de notre devoir d'écarter toutes les entraves qui arrêtent l'action du pouvoir exécutif, et rendent vaines toutes nos sollicitudes, tous nos efforts pour procurer la paix, le repos -et le bonheur à concitoyens?

» Laissons aux autorités constituées, laissons aux administrations des départemens, laissons aux ́ tribunaux une libre action dans la sphère de leur pouvoir; qu'ils ne soient plus ou enchaînés, ou frappés de stupeur, ou surveillés avec une malveillante inquiétude par des hommes trop ardens, qui

n'affectent ce zèle brûlant que pour servir leur orgueil et opprimer les hommes qui n'ont voulu la liberté que pour voir paisiblement régner les lois, les hommes qui ne trouvent pas l'égalité dans cet inégal emploi, dans cet inégal abus de la force. Alors seulement la loi pourra être appliquée; alors le méchant tremblera, le prêtre réfractaire n'osera plus se livrer à des manœuvres séditieuses, ou, s'il le fait, il sera saisi à l'instant même où l'éclat de ses premières démarches pourrait entraîner quelques désordres. Dans tous les départemens où l'on a pu librement appliquer la loi, partout où la Déclaration des Droits a été respectée, partout où la disposition philosophique et sacrée qui a garanti la liberté des cultes a été sentie, là il n'y a point eu de troubles religieux. A cet égard ai-je besoin messieurs, de recourir à des exemples quand le plus fort, quand le plus éclatantest au milieu de nous ? C'est à Paris qu'était le grand arsenal des foudres sacerdotales, que la Sorbonne luttait avec la philosophie, et que le fanatisme a fait le plus d'efforts pour susciter des troubles religieux: hé bien, que ceux qui se rappellent l'époque où l'Assemblée constituante a décrété la liberté des cultes; que ceux qui ont été témoins des discussions qui ont eu lieu sur l'arrêté du directoire du département de Paris, de ses bons effets; que ceux là disent avec moi s'il y a eu ici des troubles religieux qui aient pu être alarmans. Lorsque le libre exercice d'un culte quelconque a été protégé par la loi, dès ce moment le fanatisme a perdu la force de son venin : ne vous armez donc pas contre le fanatisme d'armes qui détruisent la liberté, car dès lors c'est avec lui que vous couspirez contre elle. Je demande par tous ces motifs la question préalable sur la responsabilité ministérielle réclamée par M. Vergniaud relativement aux troubles religieux.

>> Je passe à la seconde partie de son opinion; elle porte sur un objet très important. M. Vergniaud est remonté jusqu'à l'époque de la déclaration de guerre; il a voulu établir que le chef suprême du pouvoir exécutif u'avait pas fait tout ce qu'il avait pu et dû faire pour prévenir cette funeste guerre ; il a vu des trahisons partout; il a trouvé dans la déclaration de Pilnitz, dans toutes les transactions politiques dont nous avons été informés depuis, une preuve qu'il y avait connivence entre le

roi et les puissances étrangères, et qu'il n'avait pas fait ce qu'il devait pour affermir la Constitution qu'il avait jurée, et pour la faire reconnaître par les puissances étrangères...

» Le but évident de ce tableau politique est de persuader au peuple que cette prétendue négligence est l'unique cause de la guerre, et qu'il faut reprocher aujourd'hui au roi de l'avoir voulue, après lui avoir reproché de ne la vouloir pas.

» Faut-il, messieurs, entrer dans cette discussion si importante? Faut-il dévoiler tout ce qui s'est tramé à cette époque? Faut-il revenir sur ces extraits de correspondance commentés au gré de ceux qui voulaient la guerre? Faut-il examiner quelles ont été nos réponses, et celles que nous avons provoquées ? Examiner enfin si le système de coalition des puissances, qui était offensif à l'époque de la coalition, et qui s'est annoncé par la convention de Pilnitz; qui était, dis-je, offensif avant l'acceptation de la Constitution par le roi, a continué de rester offensif depuis ce temps, ce qui n'est pas vrai ?

» Laisserons-nous croire au peuple que les preux de la prérogative royale, dont a parlé M. Vergniaud, ralliés à Coblentz, ont été réellement et sont encore soutenus par le roi, tandis qu'au contraire..... (murmures), tandis qu'au contraire tous les discours du roi, tous les actes émanés de lui soit vis-à-vis des princes qui ont donné asile aux émigrés, soit vis-à-vis de la cour de Vienne, ont eu pour unique et constant objet d'empêcher le rassemblement de ces émigrés? Le roi a fait ce qu'il a pu et dû faire pour prévenir les malheurs de la guerre.... (Murmures.)

» Messieurs, j'en appelle à votre bonne foi! Rappelez-vous la manière dont cette question a été considérée dans le temps; rappelez-vous que les électeurs ont été obligés de dissoudre les rassemblemens, qu'ils l'ont été de fait..... (Murmures.) Et prenez garde que c'est à cette époque que ceux qui voulaient la guerre ont mêlé la querelle des princes avec les interpellations à la cour de Vienne. On a séparé depuis la cause des princes possessionnés, qui sont le prétexte de cette guerre, d'avec les intérêts de la maison d'Autriche, mais seulement quand la guerre a été déclarée ; et lorsqu'avant la guerre on demandait qu'ils fussent séparés, on a pris pour texte les prétentions des princes possessionnés; on en a demandé compte à

l'empereur comme chef de l'Empire. Les mêmes personnes qui s'opposaient si fortement à ce moyen de conciliation ont depuis la déclaration de guerre établi et prononcé cette séparation; et dans mon opinion c'est la plus grande faute qu'on ait pu commettre au commencement de la guerre : nos véritables ennemis étaient les princes qui avaient offert, non un asile, mais un quartier général à M. le prince de Condé ; c'étaient eux qui avaient ourdi dans le secret toutes les négociations auprès des divers cabinets de l'Europe; c'étaient eux qu'il fallait attaquer! Fallait-il être arrêté par la crainte d'avoir la guerre avec tout l'Empire, quand la déclaration de guerre à la maison d'Autriche entraînait nécessairement la guerre avec les deux plus grandes puissances de l'Empire? Que sont auprès d'elles les électeurs ecclésiastiques? Quelle estime aviez-vous à faire de leur puissance lorsque vous braviez celle de l'Autriche et de la Prusse réunies contre vous? (Murmures.)

» On a pu se tromper; on a pu par présomption manquer de prévoyance: quel homme, quelle assemblée, quel conseil peut se targuer d'infaillibité? Je n'accuse point; mais je dis que pour n'avoir pas déclaré la guerre aux électeurs, pour les avoir séparés de la maison d'Autriche lorsqu'il fallait les réunir, nous avons manqué de prévenir ou de retarder l'arrivée de ces mêmes armées qui viennent de la Prusse et de l'Autriche, et qui nous forcent à un système purement défensif; nous avons déplacé le véritable théâtre de la guerre : d'où je conclus, contre ce qu'a voulu établir M. Vergniaud, et il importe à notre conscience, à notre union, à notre force, à l'action des pouvoirs constitués de le dire ici, tous les hommes de bonne foi en conviendront, la France entière doit le savoir; d'où je conclus, dis-je, que le roi, qui avant vos décrets comminatoires à l'égard de l'empereur n'avait négocié qu'avec les princes d'Allemagne, que le roi a fait tout ce qu'il a pu et dû faire pour prévenir la rupture avec la maison d'Autriche. (Murmures.)

M. Vergniaud s'est armé d'une supposition, à la vérité, qu'il n'a ni adoptée ni rendue positive ensuite, mais dont il est impossible qu'il n'ait pas lui-même senti le danger. Il n'a pas craint de citer l'article de la Constitution qui dit que « si le

<< roi se met à la tête d'une armée et en dírige les forces contre » la nation, on s'il ne s'oppose pas par un acte formel à une » telle entreprise qui s'exécuterait en son nom il sera censé >> avoir abdiqué la royauté.

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» Hé bien, messieurs, que les Français émigrés, qui ne rougissent pas de porter le fer et la flamme au sein de leur patrie, osent au milieu de ces horreurs profaner le nom du roi..... Nous est-il permis de le croire !... Quel est le trait, quel est l'acte par lequel on prouvera que le roi a autorisé cette abominable violation de la nature et du droit des gens?.... (Une voix : Et son voyage à Varennes ! Une autre voix : Et le veto sur le décret contre les émigrés!)

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» Je dis que tous les actes émanés du roi dénient formellement ces inculpations. Je ne sais quel effet on veut supposer à de prétendues manoeuvres secrètes de la famille royale..... (Murmures.) Des faits positifs confondent ces exécrables calomnies je ne vois point d'actes plus ostensibles en opposition aux intérêts des émigrés que les actes de liberté que le roi a faits au milieu des dangers de toute espèce; s'il avait voulu qu'on s'armât en son nom il n'avait qu'à se laisser opprimer par des factieux; alors il aurait démontré qu'il n'était pas libre ; alors il aurait donné un prétexte suffisant au développement des forces des conjurés. Ainsi sous ce rapport j'ai dû combattre la supposition de M. Vergniaud.

» Il ajoute un autre motif. Il a voulu prouver par des actes que le roi ne s'est pas opposé à ce qu'on voudrait faire en son nom contre la nation; et il a fondé ce reproche sur le choix des généraux..... Certes on peut s'étonner d'un tel reproche, qui menace l'armée de sa dégradation, quand on sait que le choix des généraux a été fait parmi les hommes qui se sont les premiers dévoués à la cause de la liberté ! Luckner a votre con fiance, et c'est lui qui reconnaît avec toute la nation celle que mérite Lafayette. On reproche au roi le choix d'un général dont on suspecte la loyauté; et moi je répondrai d'un seul mot à ses ennemis :

Dans les murs, hors des murs, tout parle de sa gloire!

(Applaudissemens et murmures.) Lafayette ne serait pas

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