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points qui ont divisé les opinions, et, il faut l'avouer avec douleur, allumé les haines parmi nous : je veux dire le refus de sanction aux mesures décrétées contre les troubles religieux, et au moyen proposé par le dernier ministère comme une dernière ressource en cas d'invasion.

» M. Vergniaud a fondé sur ces deux points ses reproches les plus graves contre le roi et contre les agens du pouvoir exécutif; il a commencé par établir que la retraite honteuse (c'est son expression) de nos troupes du territoire ennemi dans le territoire français montrait assez les intentions perfides du pouvoir exécutif.... (Plusieurs voix : Oui, oui! Violens murmures.)

>> Vous entendez, messieurs, quels murmures, quel mouvement d'indignation, quelle affligeante prévention se manifestent au simple énoncé de cette proposition! Il est donc important de nous assurer si elle est fondée. Je ne veux jeter aucun nuage sur les motifs de M. Vergniaud; je m'attache sérieusement aux choses, et ce mouvement que j'ai pressenti, ces murmures que j'ai entendus, en prouvant que l'amour de la liberté brûle dans tous les cœurs, prouvent aussi qu'il n'y a plus un instant à perdre pour empêcher que les effets n'en soient altérés. Non, messieurs, la retraite de nos troupes sur le territoire français n'a rien de honteux, et je m'étonne. . .`. . (Murmures.) Non, il ne nous est pas donné de régler le sort des batailles; il ne nous est pas donné de prévenir et d'arranger les circonstances des opérations de la guerre. Sans doute le maréchal Luckner mérite assez notre confiance pour que nous devions croire qu'il ne s'est retiré que lorsque la situation de son armée par rapport à celle des ennemis, lorsque surtout l'ensemble de la défense des frontières du royaume lui a paru l'exiger.

» On n'a cessé de représenter notre entrée dans la Belgique comme une conquête facile ; on a cru qu'il suffisait aux Français d'y paraître pour réveiller l'amour de la liberté chez un peuple qui l'avait déjà si ouvertement, si fortement manifesté..... Et maintenant que ces espérances ont été trompées.... ( Violens murmures.) Maintenant que la base politique sur laquelle on fondait nos opérations offensives est écroulée, ou veut faire un crime au maréchal Luckner..... ( Murmures; interruption.

M. Kersaint demande que l'Assemblée, pour prouver que les reproches supposés par M. Dumas ne sont dans l'esprit d'aucun de ses membres, décrète que le maréchal Luckner a conservé toute la confiance de la nation.

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J'appuie cette proposition, que j'ai déjà faite une fois à cette tribune: oui, sa retraite est la plus forte preuve de son patriotisme... (L'Assemblée décrète à l'unanimité la proposition de M. Kersaint.)

» Je pensais bien que je n'aurais point à justifier la conduite du maréchal Luckner, et je me félicite d'avoir fourni pour la seconde fois à l'Assemblée nationale l'occasion de manifester son estime et sa juste confiance pour ce maréchal.

» Cette retraite n'était donc pas honteuse puisque Luckner l'a ordonnée; et, dans le sens et l'intention du préopinant, il faudrait en porter la responsabilité sur le ministre.... (Plu-, sieurs voix : Oui, oui, oui !); il faudrait, dis-je, dans le sens de M. Vergniaud, faire porter la responsabilité de ce mouvement rétrograde sur le ministre qui ne l'a point ordonné, et par conséquent supposer ainsi que ce ministre a refusé des secours et des forces à l'armée de M. le maréchal Luckner!.... (Plusieurs voix : Oui, oui!) M. le maréchal s'indignerait luimême d'une telle inculpation, car il sait bien que toutes les forces disponibles ont dû être et ont été de préférence employées à l'opération qu'il a entreprise.... (Murmures.) Et vous savez aussi, messieurs, 'que le nouveau ministère, depuis qu'il est chargé de ces dispositions, n'a rien épargné pour remplir les vues de l'Assemblée nationale. Tout ce qui s'est fait antérieurement, tant pour les projets que pour les moyens, tant pour la direction que pour le nombre des forces, était la suite et le résultat des conférences des généraux ratifiées par le conseil du roi. Tout est clair, tout est net dans cette question; et si je fais tant d'efforts pour constater cette vérité si bien connne, pour ramener à mon opinion par l'évidence ceux qui ont paru penser différemment, c'est qu'il est bien important que le peuple sache que la direction de nos forces a été tout ce qu'elle a pu être pour le succès des opérations de la guerre. (Murmures; une voix : Ce n'est pas là la ques

» Sans doute je suis dans la question! Puisque nous traitons des différentes causes des troubles, et des remèdes qu'il convient d'y apporter, pourquoi ne voudriez-vous pas reconnaître avec moi que le dissentiment des opinions sur la manière de faire la guerre en ce moment est une des grandes causes de nos divisions? Pourquoi ne voulez-vous pas, en suivant avec moi ce développement, remarquer qu'il y a dans cette question deux époques principales, celle de l'ancien et celle du nouveau ministère; du premier, qui avait résolu le système offensif, et du second, qui a donné carte blanche au maréchal Luckner? Ici, messieurs, je veux bien ne pas entrer dans l'examen de tant d'impérities........ (Murmures.) Faut-il supposer avec vous qu'on a été trompé par des rapports, qu'on a fait tout ce qu'il a été possible de faire ?... Hé bien, messieurs, si vous admettez cette supposition, je veux bien la faire pour ce moment, et me reporter à l'époque précise où le nouveau ministère, n'ayant plus qu'à suivre le plan déjà commencé, ou à en changer suivant les circonstances, n'a pu agir plus sûrement, plus prudemment, plus patriotiquement.... (Plusieurs voix : Ah, ah! Murmures.) Oui, plus patriotiquement, que de laisser au maréchal, en qui réside la confiance de l'Assemblée et du roi, toute la liberté de suivre ses opérations ou de les suspendre. Ce n'est pas de bonne foi qu'on peut croire que dans l'intervalle de quelques courriers des forces suffisantes pour se maintenir dans la Belgique auraient pu arriver à l'armée du maréchal Luckner; et si ces forces étaient indispensables, si elles avaient été déjà sollicitées, s'il y avait quelque possibilité de les produire, pourquoi l'ancien ministère n'a-t-il pas fait tous les efforts que vous exigez de celui-ci ? Eh! détruisons tous ces fantômes d'inculpations hasardeuses; écoutons la raison, la vérité, l'honneur et la bonne foi; soyons généreux si nous voulons nous réunir.... (Eclats de rire dans le côté gauche; une voix à droite: Je prends acte que ces messieurs ne veulent pas se réunir.)

» Mais il faut que le peuple soit heureux ou malheureux par nous; notre exemple l'entraîne avec nous; si nous voulons qu'il concoure avec nous à déposer toutes les haines, toutes les suspicions, donnons-lui du moins pour gage de nos intentions communes l'amour sincère de la vérité !

» M. Vergniaud voudrait rendre les ministres responsables de toute invasion du territoire français, dans cette supposition qu'il devait porter sur les frontières des forces suffisantes pour les garantir........ Hé bien, cette responsabilité, fort injuste, et vague comme le hasard; cette responsabilité, dis-je, porterait tout entière sur l'ancien ministère, qui a conçu les premiers plans... (Murmures.) Je ne fais point de fausses suppositions; je ne veux point embrouiller la question ni par des sophismes, ni par des démonstrations topographiques et militaires qui ne pourraient être énoncées et entendues que la carte à la main..... (Murmures.) Je m'attache aux faits, aux résultats, malheureusement trop certains; que ceux avec qui je diffère veuillent bien m'entendre et me répondre.

« Je dis que cette responsabilité, dont on voudrait maintenant faire une arme pour satisfaire les passions et l'esprit de parti, serait injuste et vicieuse dans son principe, qu'elle porterait tout entière sur ceux qui ont résolu les premiers plans de campagne, et je n'ajoute qu'une réflexion pour le prouver : songez que si vos frontières sont dégarnies dans les parties actuellement menacées c'est seulement parce qu'on a cru bon en commençant la guerre de rallier, de rassembler tout ce que nous avions de forces pour envahir la Belgique ( murmures), et pour saisir un premier avantage sur l'ennemi avant qu'il se fût renforcé dans cette partie. S'il en résulte qu'une portion de vos frontières se trouve prochainement exposée; si pour avoir mal calculé dès le commencement les vrais intérêts politiques des puissances étrangères ( murmures ); si de plus grands dangers que ceux que vous avez cru prévenir vous menacent, que reste-t-il à faire au ministère actuel? Se réduire à un plan de guerre définitif d'abord, éventuellement offensif, qui puisse couvrir toutes les places menacées, et donner à la nation pour les différentes frontières uue égale sécurité.

» M. Vergniaud dit qu'on a refusé de former un camp de vingt mille hommes, qu'on a rejeté le moyen que l'Assemblée nationale avait cru le plus propre et le plus incitant pour accroître nos forces, et que dès le 14 juillet on aurait eu une forte réserve à porter vers telle ou telle partie de nos frontières... Voilà, messieurs, en substance la proposition de M. Vergniaud;

et c'est au défaut de cette mesure, sur laquelle le roi a mis son veto, que l'orateur veut poursuivre la responsabilité des ministres; il dit nettement que, puisqu'ils n'ont pas voulu laisser rassembler cette réserve, s'il arrive que nos frontières soient attaquées dans un point où cette réserve aurait pu être portée, la responsabilité sur les moyens de défense doit porter en entier sur le ministère... (Quelques voix: Oui, oui!) Hé bien, messieurs, par deux simples observations je veux vous prouver que cette proposition est inadmissible.

» Premièrement la responsabilité du ministère ne peut être engagée par le veto du roi : si, après les événemens, après des modifications forcément amenées dans le plan général de défense, il ne fait pas tout ce qu'il doit pour y concourir; si par sa faute cette défense manque en quelque point, alors seulement sa responsabilité est engagée. Ainsi, messieurs, vous voyez sous ce rapport que cette manifeste injustice qui rendrait un ministre garant d'un acte du pouvoir royal est inadmissible; mais je vais plus loin, et je veux démontrer que les mesures prises ou proposées par le roi sont meilleures que celles qu'on regrette. En effet le camp de vingt mille hommes aurait paralysé les moyens de recrutement, qui peuvent seuls alimenter notre armée....... (Murmures.) Je demande pardon à l'Assemblée... (Eclats de rire et murmures; une voix : Je demande que M. Dumas propose des mesures, mais qu'il ne discute pas le plan de M. Vergniaud. )

» Je crois devoir observer qu'en commençant mon opinion j'ai demandé à faire des obvervations sur le projet de M. Vergniaud, dont une partie me paraissait pouvoir être adoptée; et dont d'autres parties et surtout des détails oratoires m'ont paru d'un effet dangereux s'ils restaient sans réplique. J'ai cru que cette discussion contradictoire éclairerait la discussion générale, et c'est sur cela que j'ai obtenu la parole.

» Je demande pardon à l'Assemblée... (Applaudissemens des tribunes.) Je ne suis pas préparé; obligé d'improviser, je ne peux pas répondre du choix de mes expressions, maïs je suis sûr, malgré les murmures, d'en justifier le sens. Je demande pardon à l'Assemblée de ce que, malgré mon respect pour les dispositions qu'a prononcées la majorité, je parle sur le décret

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