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la pensée, abrutissant les peuples, flattant ou assassinant les rois, former cette théocratie monstrueuse qui avait placé sous la sauvegarde de l'Evangile le premier anneau de la servitude de vingt peuples malheureux par eux !

>> Des nations entières disparues de la surface du monde, les deux hémisphères couverts du sang de leurs victimes, le sang de tant de rois qui avait coulé sous leurs mains impies et sacrées, la terre enfin fatiguée de tant de forfaits, tout demandait que cette puissance monstrueuse reçût enfin la loi au lieu de la donner. On établit en France une Constitution libre, et ils conspirerent contre la liberté : on établit la fraternité et l'égalité, et ils protestèrent contre ces principes, qu'ils ne voulaient reconnaître que dans leurs livres: on reprit les biens qu'ils avaient usurpés sur la crédulité, et ils se révoltèrent : on leur demanda la paix, et ils rendirent la discorde; ils se dirent persécutés, parce qu'on voulut qu'ils cessassent d'être persécuteurs! Enfin la nation, lassée de tant de résistance, voulant connaître ses amis et ses ennemis, leur demanda avec franchise le serment solennel qui devait les unir à elle avec tous ses autres enfans: une grande partie d'entre eux le refusa. Alors les dissidens attirèrent dans leur faction l'ignorante et lourde masse des béats et des superstitieux dont l'habitude de leur ministère leur avait conquis la confiance: d'une autre part tous les mécontens firent cause commune avec eux; tous les contre-révolutionnaires devinrent autant d'apôtres, et la Divinité, surprise et indignée, vit au pied de ses autels des hommes qui toute leur vie avaient insulté tous les cultes et nié son existence ?

» D'une autre part encore ils provoquént le courroux de l'évêque de Rome contre la France : ce prince, burlesquement menaçant, cherche à prendre l'attitude du Jupiter tonnant de Phidias ; mais ses traits impuissans viennent s'émousser contre le bouclier de la liberté, placé sur le sommet des Alpes. Ils promènent sur toute la France l'image courroucée du saint père comme les décorateurs font paraître des fantômes sur le théâtre. Mais croit-on que le jour de la raison luise si peu sur la France qu'il ne nous fasse pas voir l'inanité de ces ombres romaines? Eh! que nous veut l'évêque de Rome? Qu'y a-t-il donc de commun entre le saint père et la liberté ? Se croit-il

dans ces temps barbares où ses prédécesseurs déposaient les rois et les faisaient fouetter par leurs cardinaux lorsqu'ils n'avaient pu les faire tuer par leurs satellites? Croit-il que les cinq ou six lettres qui composent le mot schisme aient dans sa bouche une vertu tellement miraculeuse que lorsqu'il le prononce toute la France doive à l'instant descendre aux enfers? Eh! pourquoi se mêle-t il de nos affaires, tandis que nous nous occupons si peu des siennes? Lui demandons-nous à voir le testament de Constantin, et comment il se fait que l'humble serviteur de Dieu ait pris la place des Césars et commande aujourd'hui au Capitole? Lui demandons-nous pourquoi il tient dans la servitude la postérité des Caton et des Scévola, et pourquoi on ne voit plus que des croix là où parut durant tant de siècles la gloire des aigles romaines? Ah! qu'il s'occupe plutôt d'étayer dans ses états le chancelant édifice d'une domination qui croule sur toutes ses bases? Bientôt les esclaves d'un prêtre se rappelleront qu'ils furent autrefois citoyens de Rome, que le sang des Gracques et des Scipions coule dans leurs veines, que le sol qu'i's hàbitent fut le théâtre des plus grands exploits et honoré de la présence des héros, et, s'arrêtant devant les monumens qui leur retracent tant de vertus généreuses, ils diront : C'est ici que vécut Brutus; et l'Italie sera libre!

L'évêque de Rome, abandonné à sa propre faiblesse et au mécontentement de ses concitoyens, serait sans doute pour nous peu formidable; mais il a dans l'intérieur du royaume une milice nombreuse de prêtres réfractaires à la loi et fidèles à ses ordres. Ici votre comité a eu à examiner quels sont ces hommes, quels sont les maximes qu'ils professent, quel degré d'influence ils peuvent exercer, et quel est l'espoir dont ils peuvent se nourrir.

» La secte, des prêtres dissidens tient pour maxime une subordination absolue aux ordres de l'évêque de Rome; car je ne compte pas ici ces dérisoires libertés de l'église gallicane, qui, constituent une véritable servitude, et la plus honteuse de toutes, puisque son premier anneau est entre les mains des prêtres. Et qu'est-ce que c'est donc que cette espèce de milice qui, vivant dans un état, en renie le souverain légitime pour s'en créer un fantastique au-delà des monts? Si une grande

faction venait à agiter la France, et qu'elle annonçât que sou souverain est en Allemagne, ne dissiperiez-vous pas une telle faction? Et qu'importe que ce souverain soit à Coblentz ou à Rome, qu'il porte une couronne ou une tiare, qu'il scelle ses ordres avec des aigles ou avec l'anneau du pêcheur? Qu'est-ce que c'est qu'une secte qui ne peut souffrir qu'elle-même, qui dans ses principes damne tout ce qui ne pense pas comme elle, et regarde comine des démons tout ce qui existe de citoyens libres? Sent-on bien la force de trente ou quarante mille leviers de ce genre, qui, répandus sur toute la furface de l'empire, agissent tous à la fois par un système commun, sont remués par deux fils dont l'un est au-delà du Rhin et l'autre au-delà des Alpes, et tendent tous au même but, qui est le retour dans leurs cures et dans leurs biens, el le renversement de la Constitution? Comment ne voit-on pas l'influence qu'ils exercent sur cette intéressante moitié de l'espèce humaine qui est la plus ardente et la plus mobile, dont l'âme est ouverte de toute part aux séductions contagieuses des passions, qu'elles prennent et qu'elles inspirent, et qui dans les temps d'orage peuvent influer si puissamment sur la servitude ou sur la liberté, suivant que leur conscience est dirigée par des prêtres ou que leur cœur est enflammé par des hommes libres? Comment ne voit-on pas jusqu'à quel point ils abusent de leur ancien empire sur des hommes faibles et ignorans qui leur confièrent si long-temps leurs fautes et leurs faiblesses, et qui, trop timides pour entrer dans un complot ordinaire, croient ne pas pécher lorsque le conspirateur est un prêtre, et que la conjuration se fait au pied des autels?

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Et pour déjouer toutes ces machinations quel moyen de répression avez-vous ? Ne sentez-vous pas qu'ici tout est mystère, tout est secret et confidence; que les moyens ordinaires ne vous laissent aucune prise sur eux; que tous leurs délits vous échappent; que, semblable à la peste, cette faction vous frappe de toute part sans que vous puissiez apercevoir les traits mortels dont elle vous blesse? Il faut, messieurs, conjurer cette légion de génies malfaisans qui dans leur invisibilité agilent et tourmentent la nation. Mais comment ferez-vous ? Placerezvous un juge de paix à côté de chaque confessionual? Vous

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introduirez-vous dans les familles pour arrêter l'effet du poison qu'ils y versent? Ferez-vous dissiper par les gendarmes ces espèces de saturnales qu'ils célèbrent dans les champs et au milieu de la nuit? Enverrez-vous des commissaires de l'Académie des Sciences pour démontrer aux agriculteurs le ridicule de leurs miracles imposteurs? Les familles divisées, les municipalités insultées, les prêtres conformistes ménacés et chassés, les campagnes fanatisées, l'assiette des contributions arrêtée, voilà leur ouvrage, voilà les maux qui vous sont dénoncés par tous les corps administratifs et par tous les citoyens; voilà le résultat de ce système théocratique qui s'était enraciné dans les siècles, et qui dans les jours de son agonie reste encore fidèle à cet instinct qu'il eut toujours d'abrutir et de dévorer! Nous somines arrivés au point où il faut que l'Etat soit écrasé par cette faction, ou que cette faction soit écrasée par l'Etat !

» Vous devez donc à la majorité de la nation de la préserver des suites de la révolte d'une minorité turbulente et factieuse. Certainement, lorsqu'une société s'organise dans une forme libre, chacun des associés contracte avec l'Etat l'obligation de respecter et de maintenir ses lois, et l'Etat à son tour celle de conserver à l'associé tous les droits qu'il n'a pas aliénés : ceux qui ne veulent prendre aucune part à l'association sont libres ou tenus de sortir de l'Etat, suivant que la majorité des associés le juge plus utile à l'intérêt général. Lorsque la grande famille des Français se donna des lois nouvelles en 1789 et 1790 les prêtres dissidens refusèrent de les reconnaître ; dès lors la société acquit le droit de ne plus reconnaître et même d'expulser de son sein ceux qui refusaient de la recounaître elle-même. Mais notre religion, mais notre conscience... Qu'est-ce que c'est donc. qu'une religion insociable par sa nature et rebelle par principe? Qu'est-ce qu'une conscience qui se prosternait devant le despɔtisme, qui consacrait un esclavage utile pour elle, et qui proteste aujourd'hui contre une liberté utile à tous ? Et ce n'est pas seulement les dissidens que ce principe atteint et frappe ; c'est encore cette faction de contre-révolutionnaires qui a réfusé comme eux le sermènt, qui se cache derrière les autels comme les criminels se refugiaient autrefois dans les temples.

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Qu'il n'y ait plus en France que deux classes d'hommes:

ceux qui se seront unis à la patrie par leur serment et qui jouiront des droits communs à tous les citoyens, et les ministres du culte qui, payant les taxes requises et ayant refusé le serment, seront subordonnés à une police extraordinaire, et pourront être arrêtés et détenus au chef-lieu du département, et, en cas de refus ou de rébellion au chef-lieu, seront condamnés à la déportation. Par ce moyen vous purgerez les campagnes du fléau qui les dévaste; vous y étoufferez le germe de ces hideuses disputes qui s'élèvent entre un prêtre et un prêtre; vous n'occasionnerez pas de troubles dans les villes, parce qu'au milieu des lumières, sous la surveillance des corps administratifs, avec l'appui d'une garde nationale nombreuse, leurs manoeuvres n'y seront jamais très dangereuses : vous leur laisserez pratiquer leur culte s'il ne trouble pas l'ordre public, mais vous les priverez du droit d'enseigner, de prêcher et de confesser. Déjà les lois ont interdit à ceux qui n'ont pas prêté le serment ces deux premières facultés; mais si la chaire publique de religion leur est déjà interdite, à combien plus forte raison la chaire secrette, qui est le confessionnal! Un enseignement mystérieux est cent fois plus à craindre qu'un enseignement public, et vous ne tomberez pas dans la bizarre inconséquence de permettre le plus dangereux, de défendre le moins important: tel fut autrefois l'avis de Mirabeau, et votre comité ne peut s'étayer ici d'une autorité plus imposante.

» On a accusé quelques prêtres conformistes de vexation et d'intolérance. Loin de tenter de les justifier, nous demandons que les tribunaux les punissent: la nation ne s'est pas soustraite au joug d'une section de prêtres pour se soumettre au joug d'un autre; en leur ôtant le droit de constater l'état des personnes vous ayez prouvé que vous vouliez que le peuple fût entièrement indépendant des uns et des autres, et qu'il ne fût soumis à d'autres ministres qu'à ceux de la loi ! Si quelques uns des conformistes se sont montrés intolérans c'est presque toujours la persécution de leurs adversaires qui les y a provoqués ; il ne s'agit pas d'ailleurs de juger le caractère particulier de quelques individus, mais l'esprit général d'une secte entière: or les prêtres assermentés sont les plus ardens promoteurs de la Constitution; ils en prêchent les maximes avec cet attache

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