Page images
PDF
EPUB

code civil ne tardera point à être terminé, et une organisation nouvelle des secours les rendra plus bienfaisans et plus universels. L'histoire de ces travaux, et de travaux moins connus, mais nombreux, suivis avec une infatigable activité au sein de tous les orages politiques, est la seule réponse digne de vous. Vous avez aussi frappé deux des principaux agitateurs du peuple, et votre exemple aura sans doute averti les magistrats qui affectent sur cet objet un engourdissement coupable.

» Les délits de la presse sont déterminés par la Constitution; tous les fonctionnaires, tous les citoyens ont juré de la maintenir; d'où vient donc le lâche silence des administrateurs et des tribunaux? Sous le régime ancien nous connaissions 'des vengeurs publics; n'en subsiste-t-il plus, ou sommes-nous condamnés à les voir devenir les colporteurs et les complices du trouble et de la calomnie?

[ocr errors]

» Votre commission extraordinaire s'occupe d'une loi qui fixera les peines auxquelles doivent être soumis les délits exprimés dans l'acte constitutionnel. Jamais la calomnie, la sédition, la prédication du crime, l'outrage de tout ce qui existe d'autorité, de morale, de vertu, ne se montrèrent avec une plus audacieuse impunité; jamais peut-être ils ne furent plus dangereux. Des écrivains sans pudeur cherchent même aujourd'hui à désorganiser l'armée comme ils cherchaient depuis longtemps à désorganiser l'empire : les uns tracent des plans pour nos généraux; les autres réforment les plans tracés; tous jugent et censurent des hommes illustrés par cinquante ans de gloire et de travaux : cela n'est que ridicule; mais voici qui devient criminel. Versant sur toutes les actions le poison de la défiance, quoi qu'il arrive, ils accusent et ils égarent; quand` nos armées seront victorieuses ils diront aux soldats citoyens : -Tremblez! méfiez-vous de vos chefs et de leur puissance; les succès guerriers eurent toujours une influence terrible sur la liberté des peuples.- La victoire se sera-t-elle refusée à notre courage: -Tremblez! diront-ils encore, et méfiez-vous de vos chefs; ils vous trahissent; ils sont vendus aux ennemis de la' patrie. (Applaudissemens; une voix à droite: On dit tout cela aux Jacobins.)

[ocr errors]

Non, messieurs, non ; il n'est pas possible que nos armées

[ocr errors]

triomphent, malgré tout le dévouement et le courage des citoyens qui les composent, si l'on jette sans cesse dans l'âme des soldats le soupçon et la défiance : la défiance, nous ne pouvons trop le redire, est la cause principale de nos maux; un peuple qui ne sait pas se confier est indigne d'être libre ; c'est par elle que sont désunis un grand nombre de citoyens qui méritent tous de concourir ensemble à l'affermissement de la Constitution. Quelques hommes d'une imagination ardente ont voulu s'arroger le privilége exclusif du patriotisme : ne voyant les objets qu'avec la teinte qu'y mettent leurs passions, ils ne croient pas qu'on puisse sentir si l'on ne sent pas comme eux; ils oublient que la force d'un sentiment est bien plus dans son inconstance et dans sa profondeur que dans la vivacité de son expression; ils oublient que le jeune homme et le vieillard, l'homme né avec une constitution vigoureuse et l'homme né avec une organisation délicate, ne peuvent, quand ils auraient les mêmes lumières, avoir les mêmes nuances dans leur opinion ni la même manière de l'exprimer; mais ce qu'ils peuvent, ce qu'ils doivent tous c'est d'aimer également leur patrie, et de brûler de son bonheur. Ah! s'il était parmi nous un citoyen assez lâche pour se laisser égarer par une fausse ambition, ou corrompre par l'avarice, qu'il périsse, et que son nom soit couvert d'un opprobre éternel! (Applaudissemens.) Mais, encore une fois, loin de nous cette méfiance qui a si souvent troublé ou suspendu nos travaux! O mes collègues, permettez-moi de le dire, ô mes amis, puisque nous le sommes tous du peuple et de la liberté, aimons-nous, unissons-nous, et la patrie est sauvée! (Vifs applaudissemens.)

» Tous les Français aiment, désirent, veulent la liberté; mais presque tous, fatigués d'une longue agitation, demandent enfin un culte pur et une adoration tranquille. N'est-ce donc pas assez des dissensions politiques sans y joindre les dissensions civiles! Messieurs, on vous a souvent dit : la Constitution ou la mort, et moi je vous dis : l'union ou l'esclavage! (Applaudissemens.)

L'Assemblée décréta l'impression et l'envoi aux dépar

temens du rapport fait par M. Pastoret. Cet orateur avait présenté le tableau des maux qui accablaient la France; il en avait recherché les causes, et fait entrevoir les remèdes généraux un autre membre de la commission des douze le remplaça immédiatement à la tribune pour proposer à l'Assemblée une des premières mesures jugées nécessaires par cette commission.

a

RAPPORT sur les moyens à prendre dans le cas du danger de la patrie, fait au nom de la commission extraordinaire des douze, par M. Jean Debry. ( Séance du 30 juin 1792.) «Messieurs, parmi les objets de la plus haute importance qui ont fixé l'attention de votre commission des douze, elle cru devoir principalement s'arrêter sur la circonstance possible où la chance des événemens mettrait l'empire français en véritable péril; elle s'est rappelé ces jours de crise et de gloire. où le peuple entier s'est levé pour recouvrer la liberté, l'égalité et les donner pour bases à notre Constitution; elle a considéré que si ces bases sont inébranlables, cependant il est dans la nature de la méchanceté, de l'orgueil, de la tyrannie, d'espérer, de tenter de les détruire; elle a vu que tel était le but des efforts combinés de nos ennemis intérieurs et extérieurs; et alors, se portant à une époque éloignée sans doute, mais que le cours des choses peut amener, avare du sang d'un seul citoyen, elle a dit si le peuple se lève, que la loi lui en donne le signal, et qu'elle règle ses mouvemens! (Applaudissemens.)

[ocr errors]

:

» Qui, messieurs, et nous osons penser que les conjonctures actuelles vous en font un devoir instant; il est de la sagesse du législateur de diriger cette grande et salutaire impétuosité, il est de sa prévoyance de marquer à l'avance le poste où chaque membre du corps social doit se rendre et combattre quand ce corps est menacé. Nous disons que les conjonctures vous en font un devoir; en effet, quelle est maintenant la situation des bons citoyens ? Inquiétés par la guerre étrangère, les intrigues et les manœuvres de tout genre les fatiguent au dedans ; on s'étudie à leur rendre tout suspect et problématique ; on leur cite les écarts préparés de la licence pour leur faire haïr la liberté; on les alarme sur les propriétés, comme s'il en pou

vait exister dans un régime d'esclavage; que vous dirai-je! on harcèle leur imagination pour qu'enfin ils s'écrient : la patrie est en danger! et que, s'abandonnant à des mesures fausses ou incohérentes, ils compromettent au profit de leurs ennemis et leur courage et la cause qu'ils défendent.

1

[ocr errors]

» C'est aux magistrats à les garder de ces perfides exagérations. Vous, messieurs, aux soins desquels leur confiance a remis l'honorable emploi de veiller au salut de l'Etat ; vous, dont les regards et les sollicitudes doivent en embrasser toutes les parties; vous, dont les intérêts les plus chers seront à jamais ceux de la liberté, ceux de la Constitution, ceux de la loi, ceux des pères de famille, ceux des citoyens courageux; vous, qui comme eux avez juré de vivre libres ou mourir, dites-leur, assurez-les qu'au moment où le danger sera général, où il existera réellement ce sera vous qui le proclamerez, ce sera vous qui sonnerez le tocsin de l'Etat ; et dès ce moment, se reposant sur des représentans qui n'ont pas démérité d'eux, leurs agitations cesseront; ils calculeront vos dispositions; ils les compareront avec l'objet de leurs inquiétudes, et celles-ci disparaîtront, parce qu'ils sentiront leurs forces; ils demeureront calmes, surveillans et armés, comme un corps bien discipliné qui, sans se consumer en mouvemens inutiles, attend tranquillement l'ordre du chef pour agir. La nation marchera s'il le faut, mais elle marchera avec ensemble et régularité; et de tous les moyens d'atténuer l'espoir des malveillans et d'imposer aux ennemis du dehors, celui de déterminer ainsi l'instant et le mode de l'action n'est peut-être pas le moindre, car l'attaque est moins à craindre dès lors qu'on l'a prévue, et la considération ou le désordre ne pourront plus être comptés comme des ressources par nos ennemis quand le plan de résistance sera conçu, lié, et arrêté.

» Votre commission a pensé, messieurs, que si des conspirations ou des revers amenaient ces temps de crise, dès l'instant de la proclamation que vous en feriez la surveillance des autorités constituées devait être habituelle, l'activité des gardes nationales permanentes, et la responsabilité des principaux agens du pouvoir exécutif plus sévère. C'est quand le danger pèse sur les lois que leur réaction doit être plus forte, et leur ressort moins flexible; c'est alors que nul ne peut sans trahison s'atiédir sur ses

devoirs; dans le camp, dans les cités, dans ses foyers, dans ses fonctions chacun est dépositaire des destins de tous; alors la négligence est un délit, la fuite une désertion. C'est surtout à ceux dont la mission a le plus de latitude, et qui, hors de la main du peuple, semblent ne tenir à lui que par la volonté présumable de marcher dans le sens de son intérêt, c'est au ministère principalement que sont applicables ces vérités : nous avons bien senti l'injustice qu'il y aurait à assujétir les ministres dans tous les cas à une responsabilité solidaire; mais quand la patrie est en danger, quand tous les autres intérêts font silence, lorsque le conseil comme l'exécution n'ont plus qu'un seul objet, le salut de l'Etat, ce serait en affaiblir et même en trahir l'espérance que de ne pas demander une commune garantie à tous les ministres, que de laisser à un conseiller perfide le moyen d'échapper, et de ne pas les intéresser tous aux actes de chacun d'eux. Ce qui est vrai dans ce cas, messieurs, l'est à plus forte raison dans la situation composée où le danger proviendrait du pouvoir exécutif lui-même ; et assurément si des ministres prévaricateurs et profondément pervers amenaient l'Etat sur les pentes escarpées d'un précipice, oserait-on dire que le danger de leur tête serait, non pas une trop forte mais une suffisante compensation de celui de l'Etat? Non, nous ne dicterons pas le choix des ministres, mais nous les empêcherons de se jouer à leur gré des destinées du peuple ; et si en multipliant autour d'eux l'image de la loi nous écartons les intrigans de ce cercle redoutable, si nous pouvons parvenir à n'avoir des ministres hommes de bien, nous aurons tout gagné, parce que nous aurons détruit la cause principale et souvent irrémédiable des calamités publiques. (Applaudissemens.) J'ajouterai à cette considération que s'il est possible alors de rallier autour de la chose publique ces esprits incertains toujours prêts à voir dans un grand mouvement un grand boule versement, ces hommes pusillanimes incessamment alarmés lorsqu'on leur montre le plus précieux des biens précédé de ces dangers et de ces convulsions populaires; s'il est possible, dis-je, de faire taire la calomnie et de lui ôter les prétextes que lui fournirait l'écroulement de certains pouvoirs; c'est en leur prescrivant à tous une marche plus ferme et plus

[ocr errors]

que

« PreviousContinue »