`blir la noblesse et la prérogative royale; vous conviendrait-il d'accepter leurs offres? Non; vous régneriez alors sur nous par le droit de la force, droit qui n'oblige qu'autant que l'on est le plus faible; et pensez-vous que vous seriez longtemps le plus fort? Les troupes étrangères ne séjourneraient pas toujours en France; une fois reparties, oseriez-vous vivre en oppresseur sur la terre de la liberté, parmi des hommes qui ont juré la résistance à l'oppression? Croyez-vous que cette noblesse, ressuscitée aujourd'hui, ne mourrait pas demain? Qui emploieriez-vous pour percevoir des impôts illégitimes? Des troupes de ligne? Et que pourraient quelques soldats citoyens contre des millions de citoyens soldats? Egorgeraient-ils leurs frères pour vous procurer de l'or? Ne se trouverait-il plus de gardes françaises, ou plutôt toutes les troupes ne le deviendraient-elles pas ? Sans perception d'impôts, comment paieriez-vous la dette publique, les frais du gouvernement et la solde de l'armée ? Quand même vos troupes seraient payées et dociles, en auriez-vous assez pour en distribuer partout où éclaterait le désordre ? Et le volcan d'insurrection, allumé sous votre trône, n'acheverait-il pas par l'engloutir? Dans le courant du jour, dans le silence de la nuit ne croiriez-vous pas entendre sous les murs de votre palais les cris d'un peuple en fureur, qui tenterait de briser sa chaîne ? Et si une fois il la brisait, compteriez-vous encore sur son indulgence? Sire, c'est vous en dire assez ! » Les Français ne peuvent plus être remis sous le joug: sans ignorance point de despotisme durable: tout peuple qui a une fois connu et apprécié ses droits, découvert le secret de sa force collective et celui de la faiblesse individuelle des tyrans, ne demeure pas longtemps enchaîné. Si beaucoup de peuples anciens et modernes ont été asservis après avoir vécu libres, c'est que leur liberté tenait à leurs vertus et à leurs mœurs; en devenant vicieux et corrompus ils ont dû devenir esclaves, parce qu'ils restaient ignorans : mais un peuple qui comme nous arrive à la liberté par les lumières, et ayant pris la vérité pour guide, ne rétrograde pas. La vérité marche à pas lents sur la terre; mais elle ne recule jamais; elle reste c'est l'erreur que le temps efface. La philosophie a éclairé la France; la France vivra libre en dépit de tous les despotes de la servile Europe. Ainsi le veut la force des choses; ainsi le veut l'opinion, cette souveraine de l'univers; ainsi le veut la marche de l'esprit humain, qui entraîne celle des empires! » Roi des Français, votre intérêt exige impérieusement que vous embrassiez le parti de la révolution; mais il faut le faire avec sincérité : ne croyez pas pouvoir tromper de nouveau l'opinion publique; le vrai patriotisme a des traits qu'aucun masque n'imite. Pour croire à votre bonne foi voici ce que la pour un >> Aidez-nous à punir dans l'intérieur une aristocratie rebelle et un clergé fanatique. » A côté d'un ministère ostensible, digne de la confiance publique, n'entretenez aucun comité clandestin dont l'avis secret dirige votre conduite. » Dénoncez-nous tous ceux qui vous ont donné des conseils perfides. " Dites à votre épouse que nous voulons que la mère de nos rois édifie la nation; qu'elle n'est plus aux yeux des lois vengeresses qu'une simple citoyenne. >> Sanctionnez tous les décrets de circonstance; ne nous obligez pas d'examiner si votre veto doit s'étendre sur eux. » Ecartez cet essaim de courtisans qui corrompent votre bonté naturelle. » Destituez l'aristocratie de tous les places qu'elle occupe, et qui exigent un civisme dont elle ne pourra jamais se pé nétrer. » Combattez vos préjugés; adoptez les mœurs de l'égalité; donnez l'exemple du civisme; enfin travaillez avec nous à sauver ce superbe empire. » Déclarez à tous ceux qui veulent reconquérir à main armée leurs titres de noblesse qu'une mort certaine sera le prix de leur fol orgueil, parce que, quand même ils triompheraient, nous et vous les déclarerions oppresseurs, et qu'alors, comme la résistance à l'oppression est un droit naturel et constitutionnel, chaque citoyen en tout temps, en tout lieu, pourrait légalement les frapper, et qu'il faudrait que le peuple les détruisît tous ou qu'ils détruisissent tout le peuple. >> Citoyen-roi, tel est le cercle des devoirs que vous avez à remplir; l'estime, la confiance nationale et la jouissance durable du trône ne seront qu'à ce prix. » Sachez les mériter! Et songez que le peuple sans vous est encore lui, encore tout, et que vous sans le peuple n'êtes rien. » On a vu que l'agitation qui régnait en France avait éveillé la sollicitude du général Lafayette. (Voyez plus haut sa lettre du 16.) A la nouvelle de l'événement du 20 juin le sentiment d'horreur qui s'empare de son âme ne lui permet pas d'écrire ; il quitte son camp; il arrive à Paris le 28; il demande et obtient la permission de paraître à la barre de l'Assemblée: on l'introduit; il est reçu du côté droit par les plus vifs applaudissemens; le côté gauche et les tribunes gardent un profond silence. M. Isnard. « Comme il n'y a que des raisons puissantes qui aient pu décider un général d'armée à quitter le poste où la patrie l'appelait, je demande qu'on entende M. Lafayette avec calme. » M. Lafayette. (Séance du 28 juin 1792.) Messieurs, je dois d'abord vous assurer que, d'après les dispositions concertées entre M. le maréchal Luckner et moi, ma présence ici ne compromet aucunement ni le succès de nos armes ni la sûreté de l'armée que j'ai l'honneur de commander. Voici maintenant les motifs qui m'amènent. » 1 » On a dit que, ma lettre du 16 à l'Assemblée nationale n'était pas de moi; on m'a reproché de l'avoir écrite au milieu d'un camp : je devais peut-être, pour l'avouer, me présenter seul, et sortir de cet honorable rempart que l'affection des troupes formait autour de moi. » Une raison plus puissante m'a forcé, messieurs, à me rendre auprès de vous. Les violences commises le 20 juin aux Tuileries ont excité l'indignation et les alarmes de tous les bons citoyens, et particulièrement de l'armée : dans celle que je commande, où les officiers, sous-officiers et soldats ne font qu'un, j'ai reçu des différens corps des adresses pleines de leur amour pour la Constitution, de leur respect pour les autorités qu'elle a établies, et de leur patriotique haine contre les factieux de tous les partis. J'ai cru devoir arrêter sur le champ les adresses par l'ordre que je dépose sur le bureau: vous y verrez que j'ai pris avec mes braves compagnons d'armes l'engagement d'exprimer seul nos sentimens communs ; et le second ordre que joins également ici les a confirmés dans cette juste attente. En arrêtant l'expression de leur vœu je ne puis qu'approuver les motifs qui les animent : déjà plusieurs d'entre eux se demandent si c'est vraiment la cause de la liberté et de la Constitution qu'ils défendent. je » Messieurs, c'est comme citoyen que j'ai l'honneur de vous parler; mais l'opinion que j'exprime est celle de tous les Français qui aiment leur pays, sa liberté, son repos, les lois qu'il s'est données, et je ne crains pas d'être désavoué par aucun d'eux. Il est temps de garantir la Constitution des atteintes qu'on s'efforce de lui porter, d'assurer la liberté de l'Assemblée nationale, celle du roi, son indépendance, sa dignité ; il est temps enfin de tromper les espérances des mauvais citoyens, qui n'attendent que des étrangers le rétablissement de ce qu'ils appellent la tranquillité publique, et qui ne serait pour des hommes libres qu'un honteux et intolérable esclavage! » Je supplie l'Assemblée nationale » 1°. D'ordonner que les instigateurs et les chefs des violences commises le 20 juin aux Tuileries soient poursuivis et punis comme criminels de lèse-nation ; 2o. De détruire une secte qui envahit la souveraineté nationale, tyrannise les citoyens. et dont les débats publics ne laissent aucun doute sur l'atrocité des projets de ceux qui les dirigent ; 3o. J'ose enfin vous supplier en mon nom, et au nom de tous les honnêtes gens du royaume ( murmures d'une partie de l'Assemblée. ), de prendre des mesures efficaces pour faire respecter toutes les autorités constituées, particulièrement la vôtre et celle du roi, et de donner à l'armée l'assurance que la Constitution ne recevra aucune atteinte dans l'intérieur tandis que de braves Français prodiguent leur sang pour la défendre aux frontières.» (Applaudissemens.) Réponse du président ( M. Girardin. ) « Monsieur, l'Assemblée nationale a juré de maintenir la Constitution; fidèle à son serment, elle saura la garantir de toutes les atteintes qu'on voudrait lui porter. Elle examinera la pétition que vous venez de lui présenter, elle vous invite à assister à sa séance.' Les murmures d'un côté et les applaudissemens de l'autre avaient porté dans l'Assemblée une grande agitation, qui s'augmenta encore par un incident peu remarquable au fond, mais auquel la démarche et le caractère du pétitionnaire firent attacher quelque importance. Le général en quittant la tribune était allé s'asseoir au côté droit, sur un siége voisin du - bureau. M. Kersaint s'écrie: - C'est à l'endroit où se placent ordinairement les pétitionnaires que doit se placer M. Lafayette. (On entend: oui, oui. Non, non. ) Le général se lève aussitôt, et de nombreux applaudissemens le conduisent jusqu'au banc des pétitionnaires. Pendant cet intervalle M. Guadet était monté à la tribune; déjà il avait prononcé quelques mots perdus dans le bruit; la minorité se refusait de l'entendre; elle dut ceder à un décret qui conservait la parole à l'orateur. M. Guadet. « Messieurs, au moment où la présence de M. Lafayette à Paris m'a été annoncée une idée bien consolante s'est présentée à mon esprit : ainsi, me suis-je dit à moi-même, nous n'avons probablement plus d'ennemis extérieurs ! ainsi les Autrichiens sont vaincus !.... ( Murmures.) Mais, messieurs, cette illusion n'a pas duré longtemps: nos ennemis sont toujours les mêmes ; notre situation extérieure n'a pas changé ; et cependant le général d'une de nos armées arrive à Paris! Quel puissant motif l'y appelle donc ? Ce sont, dit-il, nos troubles intérieurs ; il craint que l'Assemblée nationale n'ait pas à elle seule assez de puissance pour les réprimer; et se constituant à la fois l'organe de son armée, l'organe de tous les honnêtes gens du royaume, il vient vous demander de maintenir la Constitution!.... Mais comment donc M. Lafayette et son armée, si son armée partageait là dessus ses craintes et ses soupçons, auraient-ils pu croire que l'Assemblée nationale ne maiutiendrait pas ce dépôt sacré ? Messieurs, je n'examinerai pas si celui qui nous a accusés d'avoir vu le peuple français dans ce qu'il appelle des brigands qui en usurpaient le nom ne pourrait pas à son tour être accusé d'avoir vu son armée dans l'état major qui l'entoure et le circonvient; mais je dirai, messieurs, que M. Lafayette oublie lui-même les principes de la Constitution, qu'il recommande, lorsqu'il s'établit dans le sein du corps legislatif l'organe d'une armée qui n'a pas pu déliberer, l'organe de tous les honnêtes gens du royaume, qui ne l'ont chargé d'aucune mission. J'ajoute qu'indépendamment de la violation de tous les principes de la Constitution, j'en verrais une, et une bien grave, |