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minée par la paix d'Aix-la-Chapelle, en 1748, et celle terminée par la paix de Paris, en 1763.

Nous avons déjà vu dans quelles circonstances furent conelus les traités entre l'Angleterre et la Hollande, concédant à cette dernière puissance le principe de libres vaisseaux, libres marchandises, comme l'objet favori pour lequel ses hommes d'état avaient lutté avec tant de zèle et de persévérance dans leurs négociations avec les grandes puissances maritimes. Cette concession de la part de l'Angleterre était liée à des traités d'alliance et de garantie mutuelle entre les deux états, qui ont entraîné la Hollande dans la guerre entre la France et l'Angleterre, en 1747; pendant que le traité de 1739, par lequel cette même concession était faite en faveur de la navigation hollandaise de la part de la France, fut suspendu par ordonnance de cette dernière puissance. De cette manière, la république perdit, avec son caractère de neutre, les avantages de cette concession à l'égard des deux puissances belligérantes, pendant les dernières années de la guerre maritime qui fut terminée par la paix d'Aix-la-Chapelle. L'alliance de 4756, entre l'Autriche et la France, a délivré la Hollande du danger qu'elle pouvait craindre de l'envahissement de la barrière qui lui était assurée dans la Belgique par les traités d'Utrecht; ayant été sommée par l'Angleterre de remplir les conditions des garanties stipulées dans ses traités avec cette puissance, la république a refusé sous divers prétextes de se rendre à cette demande; et en même temps elle a insisté sur l'exécution des traités de commerce par lesquels la règle de libres vaisseaux, libres marchandises, avait été mutuellement stipulée. Cette interprétation des conventions entre les deux pays fut rejetée par le gouvernement anglais; et il continua de traiter la navigation hollandaise sur le même pied que celle des autres nations neutres avec lesquelles il n'y avait

1 VALIN, Traité des prises, chap. 6, n. 18, 19.

aucune convention spéciale en faveur de la liberté du pavillon. Le traité de commerce de 4789, entre la France et la Hollande, avait été suspendu depuis l'année 1745; et par suite de toutes ces diverses circonstances, cette dernière puissance n'a tiré aucun avantage, comme neutre, pendant la guerre de sept ans, de ses traités antécédents avec l'Angleterre et la France, par lesquels la règle de vaisseaux libres, marchandises libres, fut stipulée entre les parties contractantes.

Le traité d'Aix-la-Chapelle de 1748, entre la France, l'Angleterre et la Hollande (art. 3), renouvelle dans des termes généraux «<les traités d'Utrecht. » Comme le traité de commerce signé à Utrecht n'est pas nommément spécifié dans le traité d'Aix-la-Chapelle, on pourrait peut-être regarder comme douteux que l'intention des rédacteurs de ce traité ait été de renouveler les stipulations d'Utrecht en faveur du commerce neutre; mais ce doute est entièrement dissipé par le traité de Paris de 4763 (art. 2), entre la France, l'Angleterre et l'Espagne, auquel le Portugal a accédé, et qui renouvelle expressément, entre autres traités, ceux de paix et de commerce d'Utrecht de 1713 1.

Tel fut le droit des gens maritime, établi par les coutumes et les ordonnances des états européens, et tel fut le droit des gens maritime reconnu par les traités entre ces états pendant la période dont il est maintenant question. Les deux systèmes étaient en opposition directe l'un à l'autre.

Nous avons déjà vu que Bynkershoek, dont l'ouvrage sur les lois de la guerre fut publié après la paix d'Utrecht, et

1 «Les traités de Westphalie, etc., et ceux de paix et de commerce d'Utrecht, etc., servent de base et de fondement à la paix et au présent traité; et, pour cet effet, ils sont tous renouvelés et confirmés dans la meilleure forme, ainsi que tous les traités en général qui subsistaient entre les hautes parties contractantes avant la guerre, et comme s'ils étaient insérés ici mot à mot, de sorte qu'ils devront être observés à l'avenir dans toute leur teneur, etc.» (MARTENS, Recueil, tome I, p. 407.)

Doctrine

de Heineccias.

avant la guerre terminée par la paix d'Aix-la-Chapelle, considérait les règles du Consulat de la mer comme constituant encore, à l'époque où il écrivait, le droit des gens sur cette matière, indépendamment des conventions spéciales '.

Heineccius, qui écrivait en Prusse à peu près à la même époque, et dont la dissertation avait été lue par Bynkershoek avant qu'il n'eût mis la dernière main à ses deux chapitres relatifs à cette matière, est considéré par ce dernier publiciste comme confirmant son opinion 2.

Dans cette dissertation, Heineccius examine la question de la navigation neutre dans les deux divers cas qu'il a posés · « Quid si vel naves hostium merces amicorum, vel naves amicæ merces hostium contineant? » Il observe que le Consulat de la mer distinguait les cas suivants :

4o Celui où les vaisseaux et la cargaison appartenaient tous les deux à l'ennemi, par lequel ils étaient également frappés de confiscation.

2o Dans le cas où le vaisseau appartenait à un ami et la cargaison à un ennemi, le capitaine neutre pouvait être contraint à transporter la cargaison dans un port appartenant au capteur, où il devait recevoir le fret des marchandises, la cargaison seule étant sujette à être confisquée.

3o Dans le cas où le vaisseau appartenait à un ennemi, et la cargaison à un ami, on pouvait transiger sur l'affaire; ou bien, si les propriétaires des marchandises s'y refusaient, on pouvait les transporter dans un port appartenant au capteur, 1 Voyez § 13, première période.

2 «Postquam hæc scripseram, in manus meas pervenit clarissimi Heineccii opusculorum variorum sylloge, in qua etiam exstat ejus dissertatio de navibus ob vecturam vetitarum mercium commissis, ubi (cap. 2, § 9) paucis exponit utramque speciem, de qua hoc et præced. cap. actum est. Sed tantum abest, ut, his lectis, mutem sententiam, ut eam potius confirmaverit viri magni auctoritas. Cur tamen nihil delendum censuerim, ipse videbis, si, quæ uterque nostrum dixit, conferre commodum sit.» (Bynkershoek, Q. J. publ., lib. I, cap. XIV, ad finem.)

qui recevrait alors le montant du fret, comme si elles avaient été transportées au port de la destination primitive, tandis que le vaisseau seul était confisqué.

Il cite plusieurs ordonnances et traités de divers pays modifiant ces règles, quelquefois à l'avantage, et quelquefois contre les intérêts de la navigation neutre; et il donne ses raisons pour approuver ces règles, comme formant le droit des gens primitif. Il expose ensuite la théorie des preuves et des présomptions par lesquelles la véritable propriété du vaisseau et de la cargaison doit être déterminée dans les tribunaux maritimes du pays du capteur. Il regarde la sentence de condamnation de ces tribunaux comme étant finale et conclusive, d'après l'usage des nations constaté dans leurs lois et leurs traités, sur la question de la propriété, et comme transférant cette propriété par un titre valable et incontestable à celui qui l'achète en vertu de cette sentence. «Mais supposez, dit-il, que la sentence de ces tribunaux, prononcée en dernier ressort, ne paraisse pas être juste à l'état neutre dont les sujets réclament la propriété, à quels moyens de réparation peut-on avoir recours?» Et il répond que la prudence conseillera de n'avoir recours à la guerre qu'avant d'avoir essayé tous les autres moyens. On doit demander d'abord une juste satisfaction de la part de l'état belligérant, et si elle est refusée sans raisons suffisantes, des représailles peuvent être accordées par l'autorité de l'état neutre '.

Pendant la guerre maritime entre la France et l'Espagne d'un côté, et l'Angleterre et la Hollande de l'autre, qui fut terminée par la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748, et dans laquelle la Prusse resta neutre, un litige s'éleva entre les gouvernements anglais et prussiens, relatif aux droits de la navigation et du commerce neutres, dans lesquels les principes des publicistes furent invoqués de part et d'autre. Les discussions

1 HEINECCIUS, De navib. ob vect. merc. vetit. comm., cap. III, sect. 3-12, 16-22.

$10. Affaire

qui accompagnèrent cette controverse jettent une grande lumière sur les questions du droit maritime dont nous retraçons l'histoire. Une courte analyse suffira pour les faire comprendre.

Frédéric II, d'après les traités de Breslau et de Berlin, conde l'emprunt clus en 1742, et par lesquels la province de Silésie fut cédée par l'Autriche à la Prusse, avait stipulé de prendre sur lui le payement d'un emprunt fait par des négociants anglais à Marie-Thérèse en 1735, et assuré par une hypothèque sur les revenus de cette province. Un nombre considérable de vaisseaux naviguant, avec leurs cargaisons, sous le pavillon prussien, et des cargaisons réclamées par des sujets prussiens sous d'autres pavillons neutres, avaient été saisis et confisqués dans les cours de l'amirauté d'Angleterre, comme contrebande de guerre ou appartenant aux ennemis. Le gouvernement anglais ayant refusé d'écouter la demande du cabinet prussien, qui cherchait à obtenir une indemnité pour les réclamants, Frédéric établit en 1751 une commission de quatre de ses ministres, présidée par le célèbre chancelier Cocceji, chargée d'examiner ces réclamations, afin de les compenser avec l'emprunt silésien, dont le payement avait été retenu pour cet objet. La commission, ainsi constituée, prononça l'année suivante une sentence, qui transférait aux réclamants prussiens l'hypothèque anglaise sur les revenus de la Silésie, comme une indemnité pour la saisie de leurs propriétés. Cette sentence fut motivée sur les considérations suivantes :

1° Que les vaisseaux anglais armés en guerre n'avaient pas le droit de saisir les vaisseaux prussiens, ou autres neutres allant à un port ennemi ou revenant d'un port ennemi, sous le prétexte que les marchandises chargées sur ces vaisseaux appartenaient aux ennemis de l'Angleterre ;

2o Que les traités entre l'Angleterre et les puissances neutres, confirmés par les déclarations du ministère anglais aux agents diplomatiques de la Prusse, avaient exempté de la

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