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l'objet de cette recherche, mais on trouva un petit drapeau blanc, que les officiers assurèrent avoir été placé sur un gâteau que leur avait donné monsieur le dauphin, on trouva des hymnes, des chansons pour le roi, une grande quantité d'écrits contrerévolutionnaires et injurieux à l'Assemblée.

Un incident vint encore augmenter les soupçons. La fameuse comtesse de La Motte, soit qu'elle espérât se tirer de la misère où elle était justement tombée, soit qu'elle fût incitée par les girondins et par les orléanistes, venait de faire imprimer à Londres de nouveaux mémoires de sa vie (1). Ses

(1) Rien n'est plus singulier que l'histoire de la fameuse comtesse de La Motte, qui obtint une si malheureuse célébrité dans l'affaire du collier. Cette femme, si l'on en croit les Mémoires de l'abbé Georgel et d'autres écrits du temps, descendait de la maison de France par un conte de SaintRemy, bâtard de Henri II. Sa famille avait perdu la fortune et les titres attachés à cette descendance, et était tombée dans une si profonde misère, que madame de La Motte fut, dans son enfance, réduite à demander l'aumône. Elle raconte, dans ses Mémoires, que sa mère la forçait d'aller implorer la charité des passans, et la battait cruellement lorsqu'elle ne rapportait pas une certaine somme dont cette mère dénaturée avait fixé la valeur. Madame de La Motte sortit enfin de cet état d'abjection, grâce aux secours qu'elle reçut de madame de Boulainvilliers, femme du prévôt de Paris, qui se déclara sa protectrice, et qui lui fit recouvrer ses titres et le nom de comtesse de Valois. Une pension, d'abord de 800, ensuite de 1700 livres, lui fut accordée par le gouvernement. Son frère, qui

intrigues avec la reine et avec le cardinal de Rohan, ainsi que toutes les turpitudes de l'ancienne cour,

était matelot, fut fait lieutenant de vaisseau, et prit le nom de baron de Saint-Remy de Valois. Sa sœur, exposée dès son enfance par sa mère à la porte d'un étranger, fut appelée à Paris, et obtint aussi quelques faveurs du ministère. Pour elle, elle épousa un M. de La Motte, d'abord gendarme, et ensuite garde-du-corps de l'un des frères du roi.

Madame de La Motte, née avec un orgueil que sa mauvaise fortune n'avait pu abattre, et, s'il en faut croire plusieurs historiens, portée par son inclination à la galanterie et à la dissipation, ne pouvait se contenter de la modique pension qui lui était accordée. Son mari, qui n'avait point de bien, ne jouissait pas d'une meilleure réputation. Tous deux unissaient le goût de l'intrigue à celui de la dépense; et madame de La Motte, surtout, mettait en jeu tous les ressorts d'une imagination fertile en ressources, pour reconquérir les biens attachés à ses titres, et passés depuis long-temps dans d'autres mains. Elle rencontra par hasard le cardinal Louis de Rohan, et réclama sa protection. Ce prince avait encouru la disgrâce de la reine, et aspirait à rentrer en faveur auprès d'elle; il avait dissipé sa fortune, et voulait également la rétablir: plein d'audace et d'une brillante étourderie, il était aussi très-porté à l'intrigue, et déjà s'était laissé subjuguer par un célèbre charlatan, le comte de Cagliostro. Ce fut pendant son intimité (en 1785) avec madame de La Motte, intimité dont on a jugé diversement la nature, que la scandaleuse affaire du collier fut négociée. On ne sait pas bien encore si véritablement il fut trompé par madame de La Motte, s'il la trompa lui-même, ou s'ils agirent de concert. L'abbé Georgel impute tout le tort de cette affaire à madame de La Motte; mais le témoignage d'un homme attaché par intérêt et par sentiment à la famille de Rohan, n'a point

y

étaient dévoilées. La reine craignit la fâcheuse impression que pouvaient faire ces mémoires sur

d'autorité aux yeux de l'historien. Madame de La Motte, de son côté, accuse la reine et le cardinal; mais elle est aussi juge dans sa propre cause. M. Lacretelle jeune, dans son Histoire du dix-huitième siècle, condamne également madame de La Motte comme une femme intrigante et immorale, et le cardinal de Rohan comme un prélat qui méconnut la dignité de son caractère; et peut-être ce jugement est-il le plus juste de tous. Quoi qu'il en soit, le nom de la reine se trouva malheureusement compromis dans ce procès : cette princesse nia toute participation à l'achat du collier; le cardinal fut mis hors de cour par le parlement, et exilé par le roi; Cagliostro fut chassé de France, et madame de La Motte fut condamnée au fouet, à la marque, et à une détention perpétuelle, comme coupable d'avoir escroqué le collier, et de l'avoir vendu à son profit. Son mari, qui s'était évadé, fut condamné par contumace aux galères. Ce procès scandaleux doit être mis au rang des causes qui, en blessant la dignité du trône, contribuèrent le plus à préparer la révolution.

La comtesse de La Motte, après avoir été renfermée à la Salpétrière, s'échappa si miraculeusement de cette prison, que l'on soupçonna le gouvernement d'avoir facilité son évasion. Son mari avait, dit-on, menacé le ministère, si on ne lui rendait pas sa femme, de publier un Mémoire dans lequel il dévoilerait la conduite de plusieurs grands personnages dans l'affaire du collier. Toutefois cette condescendance du gouvernement, et l'argent qu'il fit passer à madame de La Motte en Angleterre, ne prévinrent que pour un temps l'effet de ses menaces et de cellés de son mari. Aussitôt qu'elle fut arrivée à Londres, elle composa ou fit composer un écrit intitulé Vie de Jeanne Saint-Remy de

l'esprit déjà prévenu des Français ils rappelleraient à leur souvenir une aventure désagréable

Valois, ci-devant comtesse de La Motte, etc., qu'elle vendit 6,000 fr. au libraire Gueffier. Dans ces mémoires, elle présentait l'intrigue du collier sous un jour tout favorable à sa cause; elle prétendait que la reine avait eu, par son entremise, de fréquentes entrevues à Trianon avec le cardinal de Rohan, et que cette princesse n'était pas étrangère à la négociation, quoiqu'elle eût nié d'y avoir participé. Comme le rapporte ici Ferrières dans ses Mémoires, l'édition fut achetée toute entière par Laporte, intendant de la liste civile, et ce ministre paya 14,000 francs ce qui avait coûté 6,000 francs au libraire Gueffier. Il fit transporter les exemplaires à la manufacture de Sèvres, où ils furent brûlés. Un seul fut détourné pour l'usage de Laporte; on le retrouva dans ses papiers lors de la perquisition ordonnée chez lui par la Convention nationale.

Cet exemplaire servit à la réimpression qui fut faite l'année suivante, par le libraire Garnery, et qui donna enfin la plus grande publicité aux assertions de madame de La Motte. Celle-ci ne put, il est vrai, jouir de sa vengeance. Elle était morte à Londres avant la publication de la première édition. Sa fin, s'il en faut croire l'abbé Georgel, avait été des plus tragiques: après un excès de débauche, elle avait été jetée de nuit sur le pavé du haut d'une fenêtre placée au troisième étage. Elle était alors dans une profonde

misère.

Son mari revint à Paris, en 1792, se constituer prisonnier, et demanda la révision de son jugement. Un défaut de forme le fit annuler le 20 juillet de cette année. Toutefois, vu la gravité du délit, il fut maintenu en état d'arrestation. On ignore l'époque de sa mort.

(Note des édit.)

qui, dans ce moment, semblait entièrement oubliée. Sachant que ces mémoires n'étaient de la part de la La Motte et de son libraire, qu'une affaire d'argent, on prit le parti d'acheter l'édition. On chargea le ministre Laporte d'en traiter avec le libraire Gueffier; mais, par une de ces maladresses que commettait sans cesse la cour, au lieu de les brûler secrètement chez lui, Laporte les fit porter à la manufacture de Sèvres.

Le comité de surveillance sut, dès le soir même, que Laporte s'était rendu à Sèvres avec trois personnes inconnues; que l'on y avait brûlé, en sa présence, trente balles de papiers. On parlait beaucoup alors d'un comité autrichien, où se traitait avec l'empereur un plan de contre-révolution : on s'écrie que ce sont les papiers de ce comité que la cour a voulu soustraire aux recherches; on mande à la barre le ministre Laporte, le libraire Gueffier, le maître et les ouvriers de la manufacture de Sèvres. Chabot et Merlin de Thionville dénoncent, dénoncent; Guadet veut que l'on prenne enfin des mesures de police capables de contenir les conspirateurs; Gensonné, que l'on proclame publiquement que la patrie est en danger; Brissot, que l'Assemblée se déclare permanente. Pétion arrive à la tête de la municipalité : il assure que le peuple est environné de complots; que la cour machine sans cesse de nouvelles trahisons; que les sections, justement alarmées des dangers de la chose publique, viennent, à l'exemple de l'Assemblée, de se décla

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