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s'apprêtaient à leur livrer dans La Fayette, leur chef. Leurs journalistes sonnaient de tous côtés l'alarme, s'efforçaient de tirer le Parisien de son engourdissement, annonçant des violences, des pillages, des massacres; mais l'indifférent Parisien ne voyait dans toute cette querelle qu'une rivalité de pouvoir entre des hommes qu'il n'aimait ni n'estimait, et des malheurs généraux qui ne le concernaient point individuellement. Les aristocrates souriaient aux terreurs des constitutionnels, et les regardaient avec joie s'acharner sur les jacobins, tandis que de nombreuses armées s'avançaient vers les frontières, et, profitant de leurs divisions, s'apprêtaient à les mettre d'accord en les exterminant tous également.

Le roi avait composé le nouveau ministère de Lajard, de Joly, de Chambonas, de Terrier, connus par leurs liaisons avec La Fayette (1).

(1). Comme nous l'avons dit plus haut, la composition de ce ministère avait précédé de quelques jours les événemens du 20 juin. Il était pris entièrement parmi les partisans et les amis de M. de La Fayette. Lajard avait été adjudant de la garde nationale sous ce général; Dejoly, avocat au conseil avant la révolution, était secrétaire-greffier de la municipalité. Chambonas, neveu du maréchal de Biron, et partisan exalté de la révolution, fut le premier maire constitutionnel de Sens. Il était, comme Lajard, grand admirateur de M. de La Fayette; il fit faire, en 1790, de nombreuses copies de son portrait, dont il gratifia les fédérés. Chambonas, après le 10 août, se réfugia à Londres, où il fut successivement horloger, orfévre et bijoutier; mais le défaut d'é

Les constitutionnels profitèrent de l'influence que leur donnait, dans les départemens, ce nouveau ministère, et firent arriver une foule d'adresses contre les jacobins. Ces adresses, rédigées et signées par des bonnes gens attachées à la constitution, ne montraient que la faiblesse du parti réduit à s'en servir. Toute la force armée intérieure était entre les mains des municipalités dévouées aux girondins, et toute la force d'opinion entre les mains des jacobins. Ceux-ci, pour ne pas rester en arrière, firent aussi eux venir des adresses où l'on dénonçait le roi, les ministres, les constitutionnels, et, dans ce puéril combat de phrases, chaque parti affecta de s'attribuer la victoire. Mais les girondins et les orléanistes ne se bornaient pas à de vaines paroles: ils s'occupaient sérieusement des moyens de renverser le trône : ils ne craignaient pas même de soumettre dans leur club ces moyens à la discussion, et d'instruire la France entière de leurs desseins, tant ils étaient sûrs de leurs forces.

(1) Quant à l'idée (disait, le 6 juillet, l'ex

conomie, et la passion du jeu l'ayant engagé dans des emprunts considérables, quelques émigrés, ses débiteurs, le poursuivirent devant la cour du ban du roi ; et sur la déposition de plusieurs témoins, entre autres de M. Bertrand de Molleville, il fut condamné à une forte somme, ou à l'emprisonnement. Terrier de Montciel était un agent diplomatique. (Note des édit.)

(1) Journal des amis de la constitution.

>> capucin Chabot à la tribune des jacobins) de >> nous déclarer corps constituant, et de nous >> saisir de tous les pouvoirs, je ne crois pas que >> ceux qui, dans l'Assemblée nationale, sont at» tachés à leurs sermens et connaissent les prin»cipes, puissent jamais proposer une pareille >> mesure. On pense que, sans manquer à la cons>>titution, les pouvoirs de Louis XVI peuvent » être suspendus et exercés par les ministres » comme en 1791. D'abord, j'observe que la >> constitution ne déclare le roi déchu de sa cou» ronne que dans deux occasions: 1° le cas où » il sortirait du royaume, et n'y rentrerait pas » deux mois après l'invitation du corps législatif; » 2o le cas où il se mettrait à la tête des armées, » ou bien ne repousserait pas, par un acte formel, » les entreprises dirigées en son nom contre la >> nation. Il m'est bien démontré à moi, François » Chabot, membre du comité de surveillance, » que Louis XVI a eu et a encore l'intention de » quitter la capitale : mais il ne m'est pas dé» montré qu'il veuille passer les frontières; et » puis la loi ne punit pas les intentions; et puis >> ces intentions ne sont pas également prouvées » pour la majorité de mes collègues. Quand le » roi partirait, j'ai quelques raisons de présumer » qu'il s'arrêterait à Metz, ou à une autre ville préparée pour le recevoir : donc, la constitution » à la main, on ne peut pas le priver de la cou» ronne, lors même qu'il partirait en trompant

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»notre surveillance. Mais l'armée des émigrés se » forme en son nom, l'empereur a déclaré la » guerre aux factieux de la France, c'est-à-dire, » à la nation française et non pas au roi de France, » mais il ne dit pas que ce soit en son nom; et >> Louis XVI a fait une proclamation, plusieurs » même, pour protester de son attachement à la >> constitution. Il condamne la conduite des re» belles d'outre Rhin, et la majorité des repré>> sentans du peuple appellera ces proclamations >> des actes formels d'opposition de Louis XVI: » donc, encore une fois, la constitution à la main, >> Louis XVI ne peut être déchu. Le déclarer en » démence, serait lui faire une grâce que nos » cœurs désavoueraient: donc, la constitution à » la main, Louis XVI est encore roi.

» Mais, ajoute-t-on, tous les remèdes à nos » maux sont dans l'énergie de l'Assemblée natio»> nale; j'entends dire tous les jours à d'excellens

patriotes Que l'Assemblée se montre à une » certaine élévation, le peuple s'élèvera; que » l'Assemblée soit digne de nous, le peuple sera » digne d'elle. J'observe à ceux qui tiennent ce » langage que ce n'est pas l'Assemblée qui a » favorisé le fanatisme des prêtres séditieux, ni la >> révolte du dedans et du dehors; je leur deman>> derai: Est-ce à l'Assemblée à remédier à ces » deux pestes publiques? Est-ce l'Assemblée qui >> corrompt l'opinion, en payant les applaudisse» mens et les huées, en salariant une foule d'écri

» vains plus dangereux que les armées de Co>> blentz ? Est-ce l'Assemblée qui peut sauver le >> peuple sur une mer de corruption, tandis que >> la constitution lui dit: Vous ne passerez pas le

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rivage, et vous ne tarirez pas la source de nos >> maux ?

>> La liste civile et le veto ont droit d'assassiner >> le peuple que vous représentez, sans que vous puissiez vous y opposer, et vous le perdriez légalement, si vous touchiez à cette arche »sainte. Quoi! vous voulez que nous sauvions

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l'État, garrottés comme nous le sommes par la >> constitution que vous nous avez laissée ? Et » vous, qui étiez meilleurs que nous, n'avez pu empêcher les décrets liberticides des mois de juillet et de septembre 1791; vous qui n'aviez >> pas de lisières, et que la toute-puissance na>>tionale poussait dans la route de la déclaration » des droits!

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>> La majorité de l'Assemblée est pure: c'est sa pureté même qui la rend trop scrupuleuse pour » sauver la patrie. Je dois le dire, il faudrait une grande mesure; la religion de nos sermens nous l'interdit plus que notre faiblesse. Vous pouvez >> tout; nous ne pouvons, que ce que vous avez >> youlu que nous pussions. Le peuple était libre, jusqu'à ce que vous l'eussiez enchaîné au Champ>> de-Mars; il est forcé comme nous de se contenir >> dans les bornes étroites que vos lois, nous, ont >> fixées : nous n'avons avec lui d'autre point de con

>>

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