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quelle était écrit: Tremblez, tyrans, les citoyens sont debout.

1) La marche des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau jeta le trouble dans l'Assemblée. Les girondins et les orléanistes voulaient qu'on les reçût, disant que c'étaient des pétitionnaires. Dumolard et Ramond soutenaient qu'on ne devait point admettre une pétition inconstitutionnelle qui semblait plutôt un acte de révolte contre les autorités légitimes, qu'un recours de citoyens paisibles à l'autorité tutélaire chargée de les protéger.

Tandis qu'on délibère pour la forme, on apporte une lettre de Santerre, commandant de la garde nationale du faubourg Saint-Antoine. Santerre assure que les pétitionnaires ne sont qu'au nombre de huit mille; que leur intention n'est point d'aller au château; qu'ils désirent seulement déposer, au sein du corps législatif, une adresse qu'ils se proposent de présenter au roi. Les girondins sai

que la relation de ce fait, par M. de Ferrières, est inexacte. Le voici tel qu'il est rapporté par le Moniteur, au moment où les sections entrèrent dans l'Assemblée législative. « On remarque dans le cortége deux hommes portant une vieille culotte et un cœur de veau. On lit sur le premier trophée vivent les sans-culottes; et sur le second, cœur d'aristocrate. Divers membres de l'Assemblée engagent le particulier qui porte ce dernier trophée à sortir de la salle ; il se retire. >> (Note des édit.)

(1) Logographe.

,

sissent cette occasion de justifier les intentions du peuple. Les pétitionnaires entrent l'orateur parle du renvoi des trois ministres, dit que le peuple est debout, qu'il frappera les traîtres; se plaint de ce que la haute cour n'expédie pas assez promptement les contre-révolutionnaires, et en conclut que la liste civile a une grande influence sur les juges.

Le directoire du département avait pris les précautions les plus sages pour prévenir les suites de ce mouvement. Un corps nombreux de gardes nationales occupait les avenues du château; trois régimens de troupes de ligne étaient dans le jardin des Tuileries, trois cents hommes de gendarmerie à cheval couvraient la cour royale, deux cents Suisses gardaient la cour de la reine, vingt pièces de canon donnaient quelque chose de formidable à cet état de défense; MM. de Witinkoff et de Romain-Villiers commandaient ces troupes; Acloque et Mandat étaient auprès du roi; cent cinquante gentilshommes, parmi lesquels les maréchaux de Mouchy, de Mailly, de Beauveau, s'étaient réunis dans les appartemens; mais ces différens corps, divisés d'opinions et d'intérêts, ne pouvaient agir de concert. La vue des nobles occasiona des murmures, et l'espèce de préférence qu'on paraissait leur donner, en leur confiant la garde immédiate de la personne du roi, déplut à la milice nationale. L'habit noir, dont la plupart de ces nobles étaient vêtus, et qui contrastait assez plaisamment avec l'appareil guerrier que l'on apercevait de toutes

parts, excita de grands cris d'à bas la calotte. Le roi se rappelant la scène humiliante du 28 février 1791, et craignant de la voir se renouveler sous ses yeux dans une circonstance encore plus délicate, ordonna aux nobles de sortir des appartemens; et l'instant d'après, à la sollicitation de la garde nationale, qui les voyait encore avec une sorte de défiance au milieu de ses bataillons, il leur envoya dire de quitter le château.

Cette cause de division ôtée, on se prépara à repousser l'attaque des faubourgs. L'on s'aperçut bientôt qu'il ne fallait pas compter sur les corps de troupes destinés à défendre le château. Les gendarmes refusèrent de charger leurs fusils. Carl (1) ayant voulu faire quelques dispositions, un capitaine de la milice parisienne s'y opposa, et protesta qu'il ne laisserait pas prendre ses canons, qu'il n'était pas là pour lui.

Les deux faubourgs, après avoir défilé dans la salle de l'Assemblée, au bruit des acclamations des girondins et du peuple des tribunes, se rendirent sur la place du Carrousel et se présentèrent

(1) Commandant d'un bataillon de la garde nationale de Paris. Carl, bijoutier à l'époque de la révolution, après en avoir embrassé la cause avec ardeur, s'efforça, dans la journée du 19 août, de résister au peuple qui s'avançait vers le château des Tuileries. Cette résistance fut cause de sa mort; il perit dans cette fatale journée, assassiné par deux gendarmes qui étaient sous ses ordres.

(Note des édit.)

à la porte royale. A cette vue, les gendarmes agitent leurs chapeaux à la pointe de leurs sabres en signe de fraternité, et crient que, si l'on n'ouvre pas la porte, ils vont quitter leur poste. Deux officiers municipaux ordonnent au suisse de l'ouvrir; les cours et le jardin sont inondés d'une multitude d'hommes armés.

On attendait avec inquiétude au château quelle serait l'issue de ce mouvement. Le roi, voyant le peuple se précipiter de tous côtés dans les appartemens, dit à ceux qui l'entouraient d'empêcher la reine de le suivre, et s'avança jusqu'à la porte de la première antichambre, qu'une foule d'hommes armés attaquaient en dehors. Le peuple, à force de bras, était parvenu à monter un canon; il n'existait aucun moyen de défense. Le roi prit, en ce moment critique, le seul parti qu'il y eût à prendre : « Je m'en vais à eux, dit-il, je veux leur sauver la honte.d'enfoncer les portes; quatre grenadiers me suffisent, qu'on ouvre. » On ouvrit. Un coup baïonnette dirigé contre la porte ne trouvant plus de résistance, allait percer le roi; un chasseur détourne le coup avec la main. Un homme, brandissant un bâton armé d'un dard, entre d'un air furieux en criant : « Où est-il, que je le tue ? » Canolle, garde national de la section des Invalides, se précipite sur cet homme et le fait tomber aux pieds du roi.

de

Cette action vigoureuse étonne cette troupe : ils restent dans un état de stupeur. Les gardes na

tionaux profitent de ce moment d'incertitude, entraînent le roi au bout de la chambre, le placent dans l'embrasure d'une croisée; quatre grenadiers se mettent devant lui, et lui font un rempart de leurs corps.

Cependant le peuple, honteux de se trouver tout-à-coup en présence de son roi et au milieu de ses appartemens, semblait effrayé de sa propre hardiesse, à l'aspect de cette antique majesté du trône, que quatorze siècles de respect avaient en quelque sorte rendue sacrée.

:

on

Legendre arrive il présente au roi un bonnet rouge. Un des quatre grenadiers l'écarte de la main. « Laissez-le faire, répond le roi, il me dirait des sottises, que cela me serait égal. » Le roi reçoit le bonnet rouge, le met sur sa tête. Le peuple applaudit d'un air de triomphe. Un homme s'avance une bouteille à la main, et dit au roi de boire à la santé de la nation. On cherche un verre n'en trouve point. Le roi prend la bouteille et boit à même. La foule grossissait : chacun voulait s'approcher du roi et lui parler. « Sire, <«<< Sire, disait l'un, il faut être constitutionnel, au moins plus de veto. Le roi, ajoutait un autre, ne veut pas qu'on déporte les prêtres sans jugement; mais voyez ce que cela lui fait : parbleu ! cet homme-là est bien méchant! - Le pain et la viande sont trop chers, criaient plusieurs ouvriers, nous ne voulons plus de veto. »

Tandis que ceci se passait dans les appartemens

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