Page images
PDF
EPUB

contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la liberté et la sureté du peuple français'; mais un grand nombre d'auteurs et complices de cette conjuration existent encore, et ont su, jusqu'à présent, par une lâche fuite, se soustraire à la juste punition que méritent leurs forfaits; de ce nombre est Roland, ex-ministre de l'intérieur, principal agent des conspirateurs. La fuite des uns n'a point rompu la correspondance entre tous ceux qui étant restés à Paris, tant libres qu'en état d'arrestation correspondaient avec ceux qui étaient réfugiés dans d'autres villes de la République. Roland en fuite avait laissé sa femme à Paris, laquelle, quoique mise en état d'arrestation dans une maison d'arrêt, correspondait avec les conspirateurs retirés à Caen, par l'intermédiaire d'un de ceux restés à Paris. Cette femme intrigante connue pour avoir reçu et réuni chez elle en conciliabules les principaux chefs de la conspiration, conciliabules dont elle était l'âme, quoiqu'en prison recevoit des lettres de Barbaroux et autres réfugiés à Caen et y répondait, et toujours dans le sens de favoriser la conspiration.

Que la preuve de cette correspondance résulte 1° d'une l'ettre (sic) dattée d'Evreux le 13 juin dernier écrite par Barbaroux à Lauze-Duperret, dans laquelle on lit «< n'ou<«<blie pas l'estimable citoyenne Rolland et tâche de lui << donner quelques consolations dans la prison en lui << transmettant les bonnes nouvelles, etc. »; 2° d'une autre l'ettre dattée de Caen le 15 dudit mois de juin du même au même dans laquelle on lit: « Tu auras sans << doute encore remplie ma commission à l'égard de «Mme Rolland, en tâchant de lui faire passer quelques <«< consolations, etc., fais tes efforts pour la voir et pour <«<lui dire que les 22 proscrits, que tous les hommes de << bien partagent ces maux, etc... Je te remets ci-joint

1. Les Girondins.

[ocr errors]

<«< une lettre que nous écrivons à cette estimable citoyenne << je n'ai pas besoin de te dire que toi seul peut remplir <«< cette importante commission etc... Il faut à tout prix «qu'elle tente de sortir de sa prison et de se mettre en <«< sûreté etc. »; 3° D'une autre l'ettre écrite par LauzeDuperret à la ditte femme Rolland dans laquelle on lit: « J'ai gardé plusieurs jours trois l'ettres que Bar...1 et « Bu... m'avaient adressé pour vous sans qu'il m'ait << été possible de vous les faire parvenir; et ce qu'il y a << de plus fàcheux, c'est qu'au moment où je pourrai le << faire en profitant de la voye que vous me fournissés la «< chose est devenue impossible, attendue qu'elles se <«< trouvent entre les mains de Pét...3 à qui j'avais crue <<< devoir les remettre, le croyant mieux à même que << tous autres de vous les faire passer et qui est partis << sans avo'r pu y réussir; j'en avertirai dès aujourd'hui <«< ces citoyens à qui j'ai écrit par une voye sure et les préviendrai du moyen que j'ai maintenant de pouvoir | << mieux remplir leurs commissions etc. »; 4° d'un billet datté du 24 juin écrit par elle, femme Rolland à Duperron, par lequel elle lui annonce qu'on l'a fait sortir de l'Abbaye, qu'elle croyait revenir chez elle, mais qu'avant d'y entrer on l'a arrêtée pour la conduire et l'engage de ne pas l'oublier; 5° Et enfin de trois autres lettres par elle pareillement écrites à Lauze Duperret, la première en datte du 6 juin, la seconde sans datte et la troisième en datte du 24 juin; dans la seconde, on lit : « Les nou<«< velles de mes amis sont le seul bien qui me touche; <<< vous avez contribué à me le faire gouter. Dites leur <«< que la connaissance de leur courage et de tout ce <«< qu'ils sont capables de faire pour la liberté me tient <«< lieu et me console de tout. Dites leur que mon estime,

་་

1. Barbaroux.

2. Buzot.

3. Pétion.

<< mon attachement et mes vœux les suivront partout. «L'affiche de B... m'a fait grand plaisir etc. »

D'après le contenu des dittes l'ettres, on ne peut douter que la ditte femme Roland ne fut un des principaux agents et complices de la conspiration.

Ce considéré, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Marie-Jeanne Philipon, femme Rolland, cydevant ministre de l'Intérieur, pour avoir méchamment et à dessein participé à la conspiration qui a existé contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la liberte et la sureté du peuple français, en réunissant 'chez elle en conciliabules les principaux chefs de cette conspiration et entretenant avec eux des correspondances tendentes à faciliter leurs projets liberticides.

Pourquoi l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte par le tribunal assemblé de l'accusation par lui porté contre Marie-Jeanne Philipon, femme Rolland, en conséquence, qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, la ditte Marie-Jeanne Philipon, femme Rolland, sera pris au corps, arrêté et écroué sur les registres de la maison d'arrêt de la Conciergerie du Palais à Paris, où elle est actuellement détenue, pour y rester comme en maison de justice, comme aussi que la ditte ordonnance sera notifié tant à l'accusée qu'à la municipalité de Paris.

Fait au cabinet de l'accusateur public le dix-sept brumaire de l'an second de la République Française une et indivisible.

A. Q. FOUQUIer.

(Archives nationales, série W, carton 290, dossier 227, pièce 31.)

VIII

PROCÈS DE BAILLY

Arrêté, le 8 septembre 1793, à Melun, l'ancien maire de Paris fut traduit, le 9 novembre, devant le Tribunal révolutionnaire, présidé par Dobsen, assisté de [Maire, David et Naulin. Le principal grief invoqué contre lui fut la fusillade du Champ-de-Mars. Aussi le jugement le condamna-t-il à être exécuté sur le lieu témoin du crime, «< sur la place de l'esplanade entre le Champ-de-Mars et la Rivière de Sesne », le 21 brumaire 2. Arrivé à la place de l'exécution sous une pluie battante, Bailly vit démonter la guillotine par le peuple furieux, voulant éviter la souillure de ce sang coupable à la terre sacrée de la Fédération. L'échafaud fut remonté plus loin, et cet incident retarda l'exécution de plus d'une heure.

1. Ordre d'exécution adressé par Fouquier-Tinville à Sanson (Musée Grévin).

2. M. Campardon (Le Tribunal révolutionnaire de Paris, tome II, p. 377) place l'exécution de Bailly au 20 brumaire. Bailly fut condamné le 20, mais l'exécution remise au 21, pour permettre à Sanson de dresser la guillotine au Champ-de-Mars. Le 21, c'est la date expresse indiquée par Fouquier dans l'ordre adressé le 20 au bourreau.

Antoine-Quentin Fouquier-Tinville, Accusateur public du Tribunal criminel extraordinaire et révolutionnaire, etc.

Expose qu'en vertu du mandat d'arrest par lui décerné le quatrième jour de la seconde décade de Brumaire de l'an second de la République française une et indivisible, il auroit fait extraire de la maison d'arrêt de la Force et traduire en celle de la Conciergerie, le nommé Jean Silvain Bailly, ex-maire de la municipalité de Paris, arrêté par mesure de Sureté générale dans l'étendue du district de Melun et contre lequ'el diverses pièces avaient été remises à l'accusateur public dès le vingtième jour du mois de vendémiaire dernier.

Que dès le même jour, quatorze du présent mois, ledit Bailly a été interrogé par l'un des juges du tribunal.

Que de l'examen des pièces il résulte qu'abusant de la confiance du peuple, Bailly, de concert avec Lafayette, a emploié tous les moiens qui étoient en sa puissance pour favoriser l'évasion de Capet, de la femme et de la famille du tiran, qu'il paroit même qu'il se proposoit de le suivre ou de se soustraire par la fuite si le projet manquoit, d'après les préparatifs qui se sont faits dans l'intérieur de sa maison à cette époque.

Que Capet arrêté à Varennes, ayant été ramené à Paris, l'assemblée constituante de laqu'elle Bailly étoit membre, aiant laissé prévoir la molesse et la partialité qu'elle se proposoit de mettre dans son jugement et le peuple manifestant son opinion à cet égard, Bailli, servilement vendu au tiran, n'a pas rougi d'emploier les moiens les plus odieux pour étouffer la voix des patriotes qu'il traitoit hautement et à l'assemblée et à la municipalité d'anarchistes et de rebelles aux loix.

Secondant de tous ses efforts le traitre Lafayette, il servoit ainsi que lui, le complot perfide ourdi aux Thuilleries contre la liberté et la souveraineté du peuple.

Que plusieurs citoyens ayant, conformément à la loi

« PreviousContinue »