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V

PROCÈS DES GIRONDINS

En suivant, par ordre chronologique, la plupart des grands procès jugés par le Tribunal révolutionnaire, le lecteur pouvait espérer trouver ici le réquisitoire de FouquierTinville dans le procès des vingt et un Girondins. Il n'en est rien. La Convention simplifia la tâche de l'Accusateur public en lui adressant le rapport, lu par Amar, dans la séance du 3 octobre 1793, et que sanctionna le décret d'accusation contre les Girondins. Fouquier le fit simplement lire par le greffier au début de l'audience, et la lecture finie, le président, c'était Herman, dit aux Girondins:

Voilà ce dont les représentants du peuple vous accusent. Vous allez entendre les dépositions orales qui sont à votre charge.

Et le procès continua. Il durait déjà depuis six jours, quand l'impatience des Jacobins, la rumeur de la foule, commencèrent à murmurer sur la longueur des débats. << Braves bougres qui composez le Tribunal, disait Le Père Duchène, ne vous amusez donc pas à la moutarde. Faut-il donc tant de cérémonies pour raccourcir des scélérats que le peuple a déjà jugés? » Harcelée par toutes ces protestations, la Convention s'émut, et fut saisie d'une double proposition 1° la suppression des formes qui étouffent la conscience et empêchent la conviction du Tribunal révolutionnaire; 2o la faculté pour les jurés de déclarer leur cons

cience éclairée au bout de trois jours de débats. A l'instant où elle discutait ces deux points, parvint cette lettre de Fouquier, que publie le Moniteur du 30 octobre 1793 :

« La lenteur avec laquelle marchent les procédures instruites au tribunal criminel extraordinaire nous force à vous présenter quelques réflexions; nous avons donné assez de preuves de notre zèle pour n'avoir pas à craindre d'être accusés de négligence: nous sommes arrêtés par les formes que prescrit la loi.

<< Depuis cinq jours, le procès des députés que vous avez accusés est commencé, et neuf témoins seulement ont été entendus; chacun, en faisant sa déposition, veut faire l'historique de la Révolution; les accusés répondent ensuite aux témoins, qui répliquent à leur tour. Il s'établit une discussion que la loquacité des prévenus rend très longue, et après ces débats particuliers chaque accusé ne voudra-t-il pas faire une plaidoirie générale? Ce procès sera donc interminable. D'ailleurs on se demande pourquoi des témoins? La Convention, la France entière, accusent ceux dont ce procès s'instruit; les preuves de leurs crimes sont évidentes; chacun a dans son âme la conviction qu'ils sont coupables; le tribunal ne peut rien faire par lui même, il est obligé de suivre la loi c'est à la Convention à faire disparaître toutes les formalités qui entravent sa marche. >>

:

Et la Convention rendit son fameux décret du 29 octobre:

« Art. I. Après trois jours de débats le président du Tribunal sera autorisé à demander aux jurés si leur conscience est assez éclairée. S'ils répondent négativement, l'instruction du procès sera continuée jusqu'à ce qu'ils déclarent qu'ils sont en état de se prononcer.

Art. II. Le Tribunal extraordinaire portera désormais le nom de Tribunal révolutionnaire. »

Le lendemain, les Girondins étaient condamnés à mort et Valazé se suicidait dans la salle du Tribunal. Fouquier requit-il, comme l'affirma le greffier Robert Wolff, plus tard, dans le procès de l'Accusateur public, l'exécution du cadavre? La chose est peu probable, car on a à cet égard un témoignage formel, celui du jugement lui-même, lequel déclare :

<< Le tribunal, après avoir entendu l'accusateur public dans son réquisitoire, ordonne que le cadavre dudit Valazé sera dans une charrette qui accompagnera celles qui transporteront ses complices au lieu de leur supplice, pour, après leur exécution, être inhumé dans la même sépulture que lesdits condamnés ses complices. >>

C'est donc bien que Fouquier requit la seule présence du cadavre à l'exécution et non cette exécution elle-même. Quant au réquisitoire que nous ne pouvons publier ici, n'étant pas l'œuvre de Fouquier, on le trouvera dans le Moniteur du 4 octobre 1793.

VI

PROCÈS DE PHILIPPE-ÉGALITÉ

Le 16 brumaire an II, le ci-devant duc d'Orléans et de Chartres, Philippe-Egalité, comparut devant le Tribunal révolutionnaire. Nous ne possédons, pour cette affaire, aucun réquisitoire manuscrit de Fouquier-Tinville. Comme pour le procès des Girondins, le rapport d'Amar tint lieu d'acte d'accusation. Le greffier en donna lecture au début de l'audience. Quand il entendit cette lecture, dit Baudot1, il répliqua: «< Mais, en vérité, ceci a l'air d'une plaisanterie. » On procéda ensuite à l'interrogatoire de l'accusé et à l'audition des témoins. Le citoyen Veidel présenta la défense et Fouquier résuma l'accusation. De ce résumé aucune trace n'est restée. Le co-accusé de Philippe-Égalité, Coustard, fut avec lui condamné à la même peine. L'exécution eut lieu le même jour, à quatre heures, et ce qu'on remarqua de particulièrement curieux, ce fut un nègre inconnu qui pleurait parmi la foule".

1. MARC-ANTOINE BAUDOT, Notes historiques sur la Convention nationale, le Directoire, l'Empire et l'exil des votants, page 204; Paris, 1893.

2. Les Trois Décades ou le Mois Républicain, no 17, septidi 17 brumaire an II (jeudi 7 novembre 1793), p. 68.

VII

PROCÈS DE MADAME ROLAND

La condamnation de Mme Roland fut le dernier coup porté par la Montagne à la Gironde expirante. Tous les détails de la détention et du procès de la reine de la Gironde ont été popularisés par ses Mémoires. Aussi bien est-il superflu d'y revenir.

Le 18 brumaire, elle comparut devant la première section du Tribunal, dans la salle de la Liberté. Le procès fut court et rapide. A quatre heures et demie, avec Lamarche, directeur de la fabrique des assignats, la condamnée montait dans la charrette. « Sa mise était soignée », a dit le comte Beugnot qui la vit. C'était une froide journée de novembre. Arrivée à l'échafaud, elle demanda à écrire ses dernières pensées. Sanson ne put que refuser. Elle monta les marches, fit le signe de la croix ', et la tête chut.

Antoine-Quentin Fouquier-Tinville, Accusateur public du Tribunal criminel extraordinaire et révolutionnaire, etc.

Expose que le glaive de la loi vient de frapper plusieurs des principaux chef (sic) de la conspiration qui a existé

1. Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, no 59

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