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onze section première du titre second du code pénal1.

En conséquence l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte de la présente accusation, qu'il soit ordonné qu'à sa diligence, et par un huissier du tribunal, porteur de l'ordonnance à intervenir, la dite Marie Anne Charlotte Corday, actuellement détenue en la maison d'arrêt dite l'Abbaye, sera prise au corps, arrêtée el transportée sous bonne et sure garde de la dite maison en celle de Justice de la Conciergerie du Palais à Paris, où elle sera écrouée sur les registres d'icelle, comme aussi que la dite ordonnance à intervenir sera notifiée à la municipalité de Paris.

Fait au cabinet de l'accusateur public ce seize juillet mil sept cent quatre vingt treize, l'an second de la république.

FOUQUIER-TINVILLE.

(Archives nationales, série W, carton 277, dossier 82, pièce 50.)

1. Souligné dans l'original de l'acte.

III

PROCÈS DU GÉNÉRAL CUSTINE

Adam-Philippe de Custine, élu député aux États-Généraux, le 16 mars 1789, par le bailliage de Metz, fut nommé, en 1792, commandant de l'armée du Rhin. Après la défense de Landau, il prit Spire, Worms, et entra, le 21 septembre, à Francfort-sur-le-Mein, d'où il lança, un mois plus tard, la fameuse proclamation où le land-grave de HesseCassel était appelé « un monstre, un caporal, un tigre », et où il annonçait que « le jour du jugement était arrivé pour les princes de l'Allemagne ». Après ces premiers succès, ce furent les revers, et ayant été battu à Bingen et obligé de battre en retraite, Custine offrit sa démission à la Convention. Celle-ci l'ayant refusée, il se trouva attaqué par les jacobins pour sa lettre où il conseillait la dictature militaire. Envoyé néanmoins,en remplacement de Dampierre, à l'armée du Nord, comme général en chef, il se vit, par ordre du Comité de Salut Public, rappelé à Paris. Décrété d'accusation il fut écroué à l'Abbaye, et c'est de là que, le 30 juillet 1793, Fouquier-Tinville donna l'ordre de l'extraire pour le transférer à la Conciergerie1. Ce transfert avait été, sur l'ordre de Pache au commandant de la garde nationale, en

1. Lettre de Fouquier-Tinville à l'huissier du Tribunal révolutionnaire, signée aussi de Roussillon, vice-président du Tribunal révolutionnaire. (Collection de feu M. PAUL DABLIN.)

touré de grandes précautions, car « il importe, écrivait-il, qu'une tête prévenue d'un aussi grand crime n'échappe pas au glaive de la loi1». Elle ne devait point y échapper. Commencé, le 15 août, dans la salle de la Liberté, le procès se termina, le 28, par la condamnation à mort de Custine. Il alla à la guillotine accompagé d'un prêtre, ce qui fit crier par la foule, dit Le Glaive vengeur de la République française: « Ah! le lâche! >>

Il avait cinquante-trois ans.

Antoine-Quentin Fouquier-Tinville, Accusateur public du Tribunal criminel extraordinaire et révolutionnaire, etc.

Expose que, par décret de la Convention nationale du vingt-neuf juillet dernier, Adam Philippe Custine, cydevant général en chef de l'armée du Nord et des Ardennes, a été traduit au tribunal révolutionnaire pour y être jugé comme prévenu d'avoir trahi les intérêts de la République, que depuis les pièces concernant les causes de son arrestation ont été remises à l'accusateur public, tant par la voye du Comité de Salut public de la Convention nationale que par celle du Comité de Sûreté générale, qu'examen fait des dittes pièces par l'accusateur public, il en résulte que Custine, dès l'origine de la guerre que la République soutient avec toutes les puissances coalisées a refusé un moment de s'emparer des gorges de Porentruy suivant l'ordre qu'il en avoit reçu du maréchal Luckner, lors général en chef, que passant ensuite en Allemagne à la tête d'une armée considérable et suivant la conduite tenue par le traître Dumourier dans la Belgique, il s'est emparé sucessivement et avec rapidité des villes de Spire, Mayence et Francfort.

Que ces conquêtes faites, Custine, pour mieux couvrir sans doute la trahison qu'il tramoit, a dénoncé le général Kellermann comme un traître ou un ignorant dans l'art

1. Collection de feu M. PAUL DABLIN, no 276.

militaire, et l'a accusé de l'avoir empêché de pousser ses conquêtes plus loin en ne lui portant pas les secours qu'il attendoit de lui.

Que quoiqu'il fut instruit que l'opinion des habitans de Francfort n'étoit pas favorable à la Révolution française qui la haïssoit même ainsy que les François, ce qu'il n'est pas permis de douter d'après la manière infame don ces habitans en ont usé envers eux lorsque les Prussiens ont repris cette ville, quoiqu'il fut également instruit que cette ville abandonnée à ses propres forces et quelqu'en fut la garnison n'étoit pas en état de soutenir siège, Custine a néanmoins laissé dans cette ville une garnison d'environ trois mille hommes au commandement d'un étranger qui bientôt a livré cette ville aux Prussiens qui, conjointement avec les habitants de Francfort, ont tué et massacré une grande partie des braves François qui composoient cette garnison, de manière qu'il s'en est sauvé à peine huit cents.

Que quoique Custine ne put jamais ignorer que la ville de Mayence abandonnée à ses seules forces ne résisterait pas tost ou tard aux efforts de l'armée combinée des puissances coalisées, et que ce seul motif fut suffisant non seulement pour se déterminer à n'y pas jeter de l'artillerie, mais au contraire en faire retirer celle qu'il y avait trouvé, Custine, par un système tout opposé et qui ne peut être que l'effet d'un complot profondément combiné, ainsy que l'expérience nous l'a appris depuis, Custine, disons-nous, a dégarny la place de Strasbourg d'une grande partie de son artillerie et l'a fait jetter dans la ville de Mayence, nonobstant toutes les réclamations qui lui ont été faittes à cet égard, en annonçant à la Convention et au conseil du pouvoir exécutif que cette ville était inexpugnable et qu'elle serait le tombeau des Prussiens et des Autrichiens, tandis que, dans le fonds de l'ame, il ne pouvoit se dissimuler que cette ville seroit au contraire le tombeau d'une partie des braves François qui

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en composoient la garnison et de l'artillerie immense qu'il y avoit fait jetter.

Custine, semblable en tout au traître Dumourier, a, au mois de février dernier, sous prétexte d'indicipline, licentié la gendarmerie qui lui étoit si nécessaire tandis que cette gendarmerie n'avoit d'autre tord que d'avoir réclamé auprès de ce général despote la même paye que celle qui lui étoit accordée avant d'aller aux frontières, au lieu de celle de vingt sols par jour, à laquelle il l'avoit arbitrairement fixée et réduite.

Custine enfin, de son autorité privée et sans aucune forme, et toujours sous prétexte d'indicipline, a fait fusiller différents officiers et gardes nationales volontaires, notamment trois ou quatre, dans des vignes, près de Spire, au moment où ces volontaires étoient à manger du raisin; et Custine, après avoir fait faire cette fusillade, s'est écrié : « Voilà comment on établit la discipline. »

Malgré la conviction dans laquelle Custine devoit être que la ville de Mayence, abandonnée à ses propres forces, ne pouvoit tenir contre les attaques réitérées de l'armée combinée des puissances coalisées, dans la crainte sans doute que cette ville ne tombât pas assez tôt au pouvoir des ennemis, lors de la retraite de cette ville, il la laissat sans vivres et sans munitions suffisantes, au point que la garnison a été réduite à manger des rats, des souris et du cuir.

Custine feignant, lors de sa retraite de Mayence, vouloir sauver une partie de la garnison et de l'immense artillerie qui y étoit, donne l'ordre à une partie de la garnison de partir avec une partie de cette artillerie. Mais quel temps choisit-il pour faire exécuter cet ordre? Celui où le renfort qu'attendoient les armées combinées est arrivé. Plus un ordre n'a pu être exécuté; la garnison et l'immense artillerie sont restées dans Mayence, et, lors de sa reddition, cette immense artillerie est devenue la proye des ennemis de la République.

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