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N° XI.

Copie de la lettre écrite par M. Dumouriez à M. de LA FAYETTE, le 30 avril 1792.

Je profite du départ de M. Dumas, mon cher général, pour vous écrire un mot, et vous féliciter de ce que vous allez faire. J'espère que demain vos avant-postes seront devant Namuṛ. Il faut que je vous instruise d'une petite circonstance qui peut vous être utile.

L'esprit de désertion est général dans l'armée antrichienne; les soldats de tous les pays ont adopté un mot du guet pour se reconnaître ; c'est de chanter, quand ils se rencontrent, le refrain d'un air de l'opéra comique d'Azémia, qui dit..... Voyage, voyage, voyage qui voudra.

Ordonnez aux musiciens de tous vos régiments de jouer tous jes jours ce refrain; engagez vos soldats, aux postes avancés, à le chanter.

Je vous propose, comme vous le voyez, des mesures gaies. Vous trouverez cette lettre bien frivole de ma part. Lasonde m'a communiqué votre lettre ; je l'envoie à Cornet-des-Grès. Adieu, mon cher général. Je sais combien vous êtes aimé de vos troupes; et quoique vous en doutiez, vous l'êtes aussi de moi ; ainsi ayez confiance, et montrez-la-moi : plus de politique entre des hommes libres.

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N° XII.

Copie de la lettre écrite par M. DUMOURIEZ à M. LA FAYETTE, le 14 avril 1792, quatrième de la liberté.

J'ai reçu votre lettre, mon cher général; et mon principal espoir est en vous. Je vous envoie une lettre de Bruxelles, que je crois importante. M. de la Gravière me confirme les soulèvements à Diest, Louvain, Bruges. Bruxelles et Gand fermentent, et vous êtes bien sûr de Liége. Vous avez encore une quinzaine de jours devant vous, et vous allez vous concerter avec le maréchal Luckner. Si son armée reprend courage, et s'il vous est possible d'agir à la fin de ce mois, ou dans les premiers jours de mai, l'offensive sera rétablie.

On porte des troupes du midi en Alsace, et le projet est d'y envoyer par interim M. de Montesquiou. Doumerc et Gau assurent que vous avez pour trente-sept jours de fourrages assurés dans votre position de Givet. Vous n'êtes pas dans le cas d'y rester aussi longtemps avec votre armée réunie, parce que vous aurez pénétré, d'après votre plan combiné avec M. Luckner, ou vous aurez adopté un autre plan, et vous aurez pris d'autres positions.

Arrangez vos projets avec M. Luckner, et ayez soin seulelement d'instruire à temps le ministre de la guerre, pour qu'il puisse vous faire passer tout ce qui vous est nécessaire.

Je connais votre profession de foi sur notre révolution; nous pensons absolument de même à cet égard, et nous vivrons libres ou nous mourrons ensemble. Comptez donc entièrement sur mon secours pour tout ce qui peut aider à sauver notre malheureuse patrie, qui a ses véritables ennemis dans son sein.

Signé, DUMOURiez.

Je crois que les princes et leur parti font bande à part, et que c'est par le duché des Deux-Ponts qu'ils veulent pénétrer. J'envoie un courrier à M. de Naillac, ministre plénipotentiaire à cette cour, pour qu'il la requière catégoriquement, et qu'il instruise à propos MM. de Kellerman et Crillon des mouvements. Envoyez à ce dernier vos ordres en conséquence, et traitez aussi de cette défensive avec le maréchal, pour que Kellermann reçoive des ordres combinés avec les vôtres, soit pour envahir le duché avant que le rassemblement soit en force, soit pour couvrir les places des Évêchés et la Sarre. La désertion de Royal-Allemand et de Saxe hussards renforce beaucoup ie corps d'armée des princes dans cette partie; mais je compte beaucoup sur la haine des gardes nationales contre les rebelles.

Si vous arrivez à Liége d'ici à quinze jours, tout est bien, parce que l'offensive nous reste en entier, et que vous pourrez laisser le maréchal dans la Belgique, et prendre l'armée d'Alsace et des Évêchés pour contenir l'ennemi, et le poursuivre dans le pays de Trêves et ailleurs.

Signé, DUMOUriez.

No XIII.

Résumé du mémoire présenté par M. GAU, directeur de l'administration de la

M. SERVAN, le 10 mai 1792.

guerre,

à

Il résulte des détails contenus dans ce mémoire, que tous les achats pour les différents services étaient faits, tels qu'ils avaient été annoncés à l'assemblée nationale, mais qu'ils n'étaient pas rassemblés, parce que la disette des fourrages sur les frontières avait forcé de répartir les chevaux d'équipage dans l'intérieur ; que la première annonce d'un rassemblement prochain ayant

été donnée le 18 avril, il fallu expédier les ordres pour faire marcher à la fois 20,000 chevaux sur des points différents; combiner leur marche de manière à ne se point croiser, et enfin leur donner le temps nécessaire pour leur faire faire cent lieues et plus on demande s'il était possible que des chevaux qui étaient le 20 avril à Fontainebleau, Compiègne, Rouen, etc., puissent être rendus le 26 à Verdun ? On en a si bien senti l'impossibilité, que l'ordre avait été donné de partir sans les attendre peut-on aujourd'hui faire un crime de ce qu'ils n'étaient point arrivés? On avait demandé jusqu'au 15 mai, parce que ce temps était rigoureusement indispensable.

Au surplus, le mal est fait; mon unique but dans ce mémoire était de prouver qu'il était humainement impossible d'y parer avec la précipitation qu'on avait mise dans les opérations; il est question aujourd'hui d'y remédier; et le ministre verra, par les mesures prises, et dont je viens de lui donner le développement, que d'ici à huit jours l'armée du Nord et celle de la Meuse, et avant la fin du mois celle du Rhin, doivent être en état d'agir, surtout si les corps administratifs engagent les bons patriotes à aider les armées de tous leurs moyens en foin, paille et voitures, et si l'harmonie s'établit entre les officiers généraux et les différents services de l'armée.

NOTES.

1 Je n'ai pas eu, comme on l'a supposé, l'intention de récriminer contre les dénonciations des ministres qui ont donné leurs démissions; cette circonstance a précipité seulement la dénonciation que je fais des causes de la situation désastreuse du royaume. A mesure que les circonstances s'aggravent, on s'efforce de renouveler ces suppositions si commodes de la connivence entre les cabinets de Paris et de Vienne, du concert ancien de toutes les puissances de l'Europe en faveur des émigrés; enfin, de la trahison des ministres dans l'évacuation de la Belgique. La connivence des cabinets de Paris et de Vienne est une fiction odieuse par sa nature, en ce qu'elle forme une accusation trèsgrave; et par son objet, en ce qu'elle tend à détruire le pouvoir exécutif. La coalition des puissances de l'Europe contre la France n'a pu exister avant le 18 février 1792, date d'un prétendu traité définitif, entre Léopold et Frédéric-Guillaume; et jusque-là les actes mutuels des deux cours ne renfermaient que des dispositions conservatoires. Cette chimère, longtemps poursuivie par les émigrés, et peut-être aussi par les cours qui ont ravi aux Français toutes leurs alliances, est démontrée absurde par une infinité de considérations politiques, dont la moindre est la diversité d'intérêts; elle n'a été supposée que pour entraîner la déclaration de guerre. L'évacuation de la Belgique n'a pas été ordonnée par le ministre, mais par le général Luckner, qui, revêtu de pouvoirs illimités, a cru ne pouvoir mieux justifier la confiance de la nation et du roi, qu'en revenant à l'ancien plan de défensive sur les bords de l'Escaut, pour pouvoir porter sur le Rhin et la Moselle des forces à peine suffisantes aujourd'hui. Cette invasion du Brabant, jugée si utile, ne pouvait, dans l'hypothèse la plus brillante, manquer d'alarmer l'Angleterre et la Hollande sur cette conquête. Pouvait-on d'ailleurs compter sur l'esprit de liberté des Belges qui ont versé des torrents de sang, non pour la liberté de leur pays, mais pour l'indépendance de ses véritables oppresseurs, pour le maintien de ces mêmes priviléges de la noblesse et du clergé, que les émigrés veulent rétablir dans leur patrie?

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