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« libres. Or il n'y a point de capitulation sincère << entre la tyrannie et la liberté. Les tyrans étrán« gers veulent ou nous écraser ou nous tromper; << ils ne peuvent encore nous écraser, ils cherchent « donc à nous tromper. »>

Impatient du moindre délai, Brissot repoussait l'avis du comité de réclamer l'exécution du traité d'alliance de 1756, et de hâter par ce moyen une déclaration plus satisfaisante de la part de l'empereur. « Il faut, disait-il, ou déchi«rer notre constitution ou déchirer les traités

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qui la blessent; or, tous traités passés avec la << cour de Vienne, en 1756, la blessent essentiel«<lement.» Et plus loin, entraîné par ses virulentes déclamations, ce fougueux avocat de la guerre, jetant lui-même son masque, dévoila le secret de la faction. «Je vous le disais je n'ai qu'une crainte; c'est que nous n'ayons pas la « guerre, et cette crainte se réalise, car dans tous <<< les cabinets, le désir de la guerre n'a été qu'un jeu pour vous épouvanter. »

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Les conclusions de ce discours n'étaient rien moins que la rupture spontanée des traités existants, et l'invitation à faire immédiatement au roi, de notifier à Léopold que les mesures militaires les plus promptes seraient prises pour agir offensivement, s'il ne donnait avant le to février (1792) une telle satisfaction, que toutes les in

quiétudes de la France fussent entièrement dissipées.

La discussion ayant été continuée le lendemain 18 janvier, je fus le premier appelé à la tribune. Le préopinant, en dénaturant les faits, en établissant des principes absolus pour en forcer les conséquences, avait déplacé la question; je crus devoir la rétablir et la resserrer dans le cercle et dans les termes de la constitution. « Nous avons reconnu, disais-je, que nous étions << dans le cas d'hostilités inminentes; nous avons « des droits à conserver par la force des armes, <<< et le roi nous en a notifié les motifs; nous pre<< nons en considération la notification du roi, « mais nous ne délibérons pas sur la guerre, << parce que la proposition formelle et nécessaire << ne nous en a point été faite.» Avant d'entrer en matière, j'annonçai la division de mon discours selon les trois principaux objets que j'avais à considérer: 1° l'examen des pièces dont le rapporteur du comité avait présenté l'analyse ; leur véritable caractère et les développements auxquels elles devaient donner lieu; 2° l'étendue et la réalité de nos ressources; 3° les principes de la politique indépendante qui convenaient à la situation de la France. Discutant d'abord le premier point, le point véritable de la question, je m'exprimais ainsi :

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« La protection déclarée accordée aux réfugiés français est une infraction manifeste aux traités << de Munster, de Nimègue, de Riswick et de « Bade. On trouve, article premier du traité de <«< Riswick, qu'aucune des puissances contrac<< tantes ne pourra rien faire au préjudice ou << désavantage l'une de l'autre, sous quelque pré« texte que ce soit, ni donner aucun secours à << ceux qui trameront, molientibus, contre l'une « d'entre elles, ni recevoir, protéger ou aider en «< quelque manière que ce soit ou puisse être les sujets rebelles ou réfractaires : alteriusve sub« ditos rebelles seu refractarios recipere, protegere « aut juvare quavis ratione possit aut debeat.

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« Nous sommes donc ici dans toute la force << de notre droit; et vis-à-vis des électeurs, nous «< sommes aussi dans une juste mesure, parce << que nous n'avons fait éclater nos plaintes que lorsqu'il ne leur est plus resté aucun prétexte << pour colorer leurs mauvaises intentions. Ils « n'auraient pas manqué de traiter d'injustes provocations les explications que nous leur « aurions demandées, avant que les émigrés fus« sent armés, et qu'ils et qu'ils eussent, par les actes « publics de leurs chefs et les dénominations de << leurs troupes, constaté leur rébellion sous la << protection des électeurs qui leur avaient donné << asile.

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<< Plus nos démarches ont été régulières et prudentes, et plus la nation française a dû se << montrer confiante à l'égard de ses voisins, gé«< néreuse envers ses ennemis, indulgente pour << des Français égarés, plus elle a droit d'exiger aujourd'hui la fidèle exécution des traités et la réparation la plus prompte des torts qui lui « ont été faits. Il n'y a point d'exemple dans l'his<< toire ancienne et moderne qu'une telle viola« tion ait été soufferte ou soit restée impunie.

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<< La France d'une part, l'empereur et l'Em<< pire de l'autre, ne se sont-ils pas mutuellement garanti leurs possessions respectives, la paix << et le bon voisinage? La Suède, qui eut tant de << part à ces mémorables traités, n'en est-elle pas « demeurée garante?

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Si, fatigués du joug de la féodalité, les peuples d'outre-Rhin ne voulaient plus de cet amas «< incohérent de lois défigurées, dont le traité de Westphalie a soutenu le chancelant édifice; si, « transportant au milieu de nous leurs richesses << et leurs armes, ils formaient, sous la protec<< tion de nos formidables barrières, de nombreux << bataillons pour conquérir leur terre natale à la liberté, pour faire disparaître jusqu'au souvenir <<< des titres de domination, et ce mélange in<< forme de servitude et d'indépendance, je de<< mande si les électeurs effrayés ne réclameraient

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pas d'abord la garantie de la France, qu'ils ont «< si légèrement abandonnée; ils vous rappelle<«< raient sans doute les conditions du traité, et ils << se souviendraient qu'alors ils désirèrent ardem<«< ment cette même garantie contre la trop grande « influence des premières puissances germani« ques, à la merci desquelles les met aujourd'hui << leur imprudente conduite; et l'Empire luimême, si, à la fin convaincu du danger que « fait courir à tous les autres membres l'union <«< contre nature des deux puissances rivales qui << se partageaient l'influence et se contre-pesaient réciproquement; si, dis-je, l'Empire portait les « yeux vers son protecteur et son ami naturel, n'invoquerait-il pas ce même traité de Westphalie, et la garantie française à laquelle ils «< n'ont jamais eu recours en vain? Les princes << nous demanderont-ils quelle réparation nous

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paraîtra suffisante, quelle preuve de bon ac« cord nous prétendons exiger? Celle qu'ils exigeraient eux-mêmes, l'expulsion des rebelles, << et la déclaration catégorique et conforme aux « traités, qu'ils ne prêteront leur territoire à au<«< cune préparation d'hostilités contre la France, <«< mais qu'au contraire, pour rendre efficace la << garantie promise, ils s'opposeront autant qu'ils « le doivent, soit dans les termes des traités qui <«<leur sont communs, soit pour leurs obligations

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