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<«<et qui ne voient devant eux que la flamme et «<le fer, et mille périls dans les asiles qui leur << restent; rappelons-nous que depuis près de deux << ans, une seule parole indiscrètement prononcée << à cette tribune, a retenti d'une manière ter<«<rible dans nos colonies. Vos décrets y sont at<«< tendus avec un espoir mêlé d'effroi; et s'ils se <«< contrarient, s'ils se détruisent successivement, <<< le meilleur citoyen est réduit à l'affreuse alter«< native, ou de désobéir aux lois pour se sau« ver, ou de se perdre pour s'y soumettre.

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Quoi qu'il en soit des accusations réciproques << entre les colons et quelques-uns des amis des noirs, il est impossible, Messieurs, de ne pas s'apercevoir que la cause principale des mal<< heurs de Saint-Domingue est, d'une part, dans « la marche impolitique, imprudente, destruc«<tive, que quelques personnes ont adoptée et « suivie avec ténacité pour procurer prématu<«< rément la liberté des esclaves; et, de l'autre, <«< dans la faiblesse de l'assemblée constituante, qui a fléchi, le 15 mai, sur les bases qu'elle «< avait adoptées, et achevé de briser le frein qui «< retenait dans la subordination (souffrez cette expression, Messieurs, car malheureusement, partout où se trouve encore l'esclavage, cette <«< subordination est le gage de la paix); qui rete«< nait, dis-je, cette masse d'hommes ignorants et

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<< presque sauvages, pour qui le premier mouve<«<ment de la liberté n'a été qu'un acte de bar« barie. »

Passant ensuite à l'examen de l'importante question du décret du 24 septembre, je m'attachai à réfuter ainsi les objections contre la légalité de ce même décret :

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à ces

« L'assemblée nationale, dit-on, n'agissait plus « que comme une simple législature, lorsqu'elle <«< a rendu le décret du 14 septembre; et puisque «la base de la constitution des colonies n'est pas comprise dans l'acte constitutionnel accepté << par le roi, il n'a pu y être statué constitution<< nellement. Le décret du 24 septembre n'est << donc qu'un acte de législation que nous avons << le droit d'abroger. Je réponds, Messieurs, objections. L'assemblée nationale a conservé le pouvoir constituant jusqu'au dernier moment « de son existence. En effet, elle l'avait reçu dans <«< sa plénitude, en recevant de la nation le man<«< dat de faire une constitution, et il ne pouvait «<lui être enlevé que par la volonté nationale. A « l'époque du 24 septembre, la constitution qui «< doit régir la partie de l'empire français située << sur le continent européen, était terminée; mais « un article de cette même constitution déclare « que les colonies, quoiqu'elles fassent partie de <«<l'empire français, n'y sont point comprises;

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<«< cette partie de l'empire n'avait donc aucune <«< constitution. L'assemblée pouvait-elle se sépa<«<rer sans en avoir posé les bases? pouvait-elle « déclarer que la législature suivante exercerait <<< le pouvoir constituant pour les colonies seule«<ment, et lui donner un pouvoir que la nation << ne lui donnait pas? Devait-elle abandonner ces précieuses possessions à l'incertitude d'un régime éternellement provisoire, les livrer à la <<< crainte de voir chaque législature les soumettre « à un nouveau système, et en faire une nation sujette? L'assemblée nationale aurait violé le « serment à jamais mémorable fait au jeu de « paume, si elle eût laissé son ouvrage imparfait, puisque des parties de l'empire français n'étant << plus gouvernées par la volonté d'un seul n'au«raient pas été comprises dans la régénération << sociale. Il est évident que sa mission n'était pas <«< terminée, ni le vœu des commettants satisfait, <«< ni le devoir des mandataires rempli. L'assem<< blée conservait donc encore, le 24 septembre, << le pouvoir et l'obligation d'achever le système politique de l'empire. Il y a plus, Mes<«<sieurs, le corps législatif n'est pas compétent aujourd'hui pour prononcer que dans telle ou << telle circonstance nos prédécesseurs n'avaient pas le pouvoir dont ils ont usé. La nation seule << peut prononcer si les premiers mandataires ont

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<< ou n'ont pas excédé leur mission. Proposer aujourd'hui, soit implicitement, soit explicitement, <«< à l'assemblée nationale législative, d'apporter <«< la moindre altération à la loi qui sert de fonde<«<ment à la constitution des colonies, ce serait «< attribuer à l'un des pouvoirs constitués le droit << de reviser illégalement une partie de la cons<<< titution. Nous commettrions, Messieurs, une « véritable usurpation, et par cet acte de souve<< raineté nous nous mettrions au-dessus des lois. ... Je conclus donc à ce que la métropole << soit fidèle à ses engagements envers ses colo<«<nies, et qu'il y soit envoyé toutes forces né«< cessaires pour procurer, avant tout, la sûreté « des personnes et des propriétés, et j'invoque la question préalable sur toutes les propositions qui pourraient porter atteinte à la loi constitu<«<tionnelle du 24 septembre. »

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La discussion continua fort animée entre les constitutionnels et l'opposition démocratique. Guadet répondit à mon discours, et s'attacha surtout à prouver que le décret du 24 septembre ne devait pas être considéré comme constitutionnel. L'assemblée constituante, disait-il, aurait donc pu le 24 septembre changer toute la constitution. Je répondis qu'en allant ainsi de sophisme en sophisme nous ne reconnaîtrions bientôt plus le fond de la question. Cessant alors de combattre

avec les armes d'une perfide dialectique, Guadet employa celles d'une ironie calomnieuse : « Quel << trait de lumière, s'écria-t-il, en lisant une lettre << de M. de Gouy, quel trait de lumière dans ce « peu de lignes écrites sous les yeux des colons <«< rassemblés à l'hôtel Massiac et en présence de << MM. Barnave et Malouet, qui, comme le dit << encore M. de Gouy, étaient venus mêler leur <«< douleur à la sienne et gémir sur le sort des <«< infortunés colons blancs, auxquels on faisait << la dure loi de partager le droit de citoyens avec <<< des hommes libres comme eux!

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Ici l'orateur, applaudi par les tribunes, fut brusquement interrompu par Théodore Lameth. J'affirme, dit celui-ci, que M. Barnave n'a ja« mais été à l'hôtel de Massiac; il ne puisait ses opinions dans aucune autre source que celle << de l'intérêt de l'État. M. Guadet a supposé que << M. Barnave avait voulu, dans cette circonstance, <«< influencer par la publicité de son rapport sur la constitution coloniale, l'opinion de l'assem« blée; j'affirme que le rapport de M. Barnave « a été imprimé par ordre de l'assemblée natio« nale constituante; que M. Barnave, absent de << Paris depuis trois mois, n'a pris aucune part à <«< cette affaire, et qu'il ignore absolument qu'elle « se discute en ce moment. >>

«

Mon opinion fut soutenue par mes honorables

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