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<< eussent doublé nos moyens, épuisé ceux de nos

<<< ennemis.

« Le conseil ne s'est pas dissimulé l'insubordi<< nation des troupes, fruit malheureux de la dé<< fiance entre l'officier et le soldat; l'inexpérience des officiers de remplacement et même d'une

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partie des généraux; mais il a compté sur le « courage des Français; il a cru et il croit encore « que ce courage, infiniment accru par la fierté qu'inspire la vraie liberté, doit surmonter tous << les obstacles...

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Si nous sommes forcés «< d'abandonner le plan rapide que nous avions adopté, et qui nous présentait de grands avan<< tages, nous espérons que le plan méthodique « que nous y substituerons n'aura l'incon« vénient d'être purement défensif, et ne retar<< dera que très-peu de temps nos succès. »

pas

De tels motifs n'étaient-ils pas plus propres à fonder l'accusation des ministres qu'à les justifier?

Dumouriez se garda de faire, dans cet exposé, le pénible aveu de sa plus grande faute, celle d'avoir négligé les avis de M. de Rochambeau, et d'avoir réduit à un rôle passif les talents d'un grand capitaine. Il se borna à faire connaître à l'assemblée que le roi avait cru devoir accéder à la demande de M. de Rochambeau en lui accordant un congé illimité pour soigner sa santé. Il

ajouta que le maréchal Luckner allait prendre le commandement de l'armée du Nord, et que bientôt on jugerait de tous les avantages que devaient nous donner son activité et ses talents supérieurs; l'avis de ce général étant pour offensive.

la

guerre

Choqués de la légèreté et de l'inconvenance de cette communication, et bien plus encore du blâme déversé sur l'illustre maréchal, nous exigeâmes la lecture de la lettre de M. de Rochambeau au roi; elle était ainsi conçue :

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peu

« Sire, je suis bien fâché d'annoncer à Votre Majesté le de succès des avant-gardes, que j'ai été forcé, par ordre de vos ministres et l'ins<< truction qui l'accompagnait, délibérée unani<«< mement au conseil, de faire marcher, dès le << 29 de ce mois (avril), dans le territoire du roi << de Hongrie. La différence des deux instructions. ci-jointes, l'une du 17 avril, que j'avais vue << avant. mon départ et emportée avec moi; << l'autre du 22, qui m'est venue ici trente-six << heures après mon arrivée, prouveront à Votre Majesté toute la précipitation et le décousu de «< cette mesure. Je n'ai pu qu'obéir à des ordres absolus; et j'ai du moins le mérite, ainsi que <«< ceux qui m'ont secondé, comme Votre Majesté « le verra dans le détail du journal, d'avoir fran<«< chi tous les obstacles que cette ouverture de

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«< campagne, quinze jours plus tôt qu'elle n'avait « été réglée, présentait dans tous les détails de « l'administration. M. de Biron, après s'ètre emparé de Quiévrain le 28, en est parti le 29 au << matin pour se présenter devant Mons. Les or<< dres et instructions de vos ministres lui ayant « été adressés directement, je joins ici la copie << de la lettre qu'il vient de m'écrire.

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« M. Berthier, témoin oculaire, rendra compte «‹ à Votre Majesté des détails; il m'a ajouté ver<< balement que M. de Biron comptait se retirer à « l'entrée de la nuit derrière Quiévrain.

«

<< M. Dillon est parti le 28 au soir de Lille, et « a dû se présenter le 29 au matin devant Tournay. M. d'Aumont ayant reçu des ordres directs <<< et instructions des ministres de Votre Majesté, << rendra compte, sans doute, de ce qui s'est passé aujourd'hui.

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« Je ne peux qu'envoyer la copie de la lettre «< que j'ai reçue de M. de Chaumont, adjudant général. M. de Carle a dû partir à la même épo«< que du camp de Dunkerque, et se présenter de<«< vant Furnes ; je n'ai encore aucune nouvelle de «< ce côté-là.

<< Pour ne point importuner Votre Majesté de « détails, je garde les minutes des lettres ministérielles, plus pressantes les unes que les au

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« tres, de celles, particulièrement, du ministre

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« des affaires étrangères, tant à moi qu'à M. de « Biron, qui prouveront que mes représentations «< n'ont point été écoutées une minute, et que, quelque nouvelle que j'aie pu donner sur ce que je ne voyais sur cette frontière aucune dispo<«<sition de la part des troupes à passer de notre « côté, ni émigration, les ministres ont cru de<< voir, de préférence, ajouter foi aux nouvelles « qui leur ont été distribuées.

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« M. de Biron, qui, depuis deux jours, est en « présence, me mande qu'il ne lui est venu ni <«< déserteurs, ni même d'émigrants brabançons. Après cet exemple d'obéissance de ma part, «< il résulte, Sire, de toutes ces mesures échouées, «< que, si vos ministres, et celui des affaires étrangères particulièrement, veulent jouer toutes << les pièces de l'échiquier, et que je ne doive << rester qu'un être passif, contrarié et obligé de << jouer tous les coups de la partie dont Votre Majesté m'a donné la conduite, d'après les cour«< riers réitérés et contradictoires, et l'impulsion << dictée chaque jour que je dois recevoir de votre «< conseil, je supplie Votre Majesté d'accepter ma << démission, et de me permettre d'aller continuer << mes remèdes et le soin de ma santé, soit ici, << soit dans les environs de cette ville, d'où je «< puisse, au premier instant, d'une place mena<«< cée sur la frontière, aller me jeter dedans et en

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défendre les palissades jusqu'à la mort contre << tous les ennemis de l'État, suivant le serment « que j'en ai fait. »

« Je suis, avec le plus profond respect, Sire, etc. « Le maréchal DE ROCHAMBEAU. >>

Au milieu des applaudissements dont cette lecture fut accueillie, j'entendis proférer cette injure : « Qu'il renvoie le báton! »-« Il l'a mérité, «< m'écriai-je, il l'a mérité en combattant pour la « liberté. On ne flétrira pas la couronne civique « du maréchal de Rochambeau. Il est temps <«< d'éclairer la nation et qu'on examine ce plan « désastreux. >>

Théodore Lameth dit que la retraite de M. de Rochambeau serait une calamité publique, le plus grand malheur que pût éprouver l'armée; mais sa proposition d'envoyer au roi une députation pour le supplier de ne point accepter la démission du maréchal, fut repoussée par l'ordre du jour, et le mémoire justificatif de Dumouriez, avec les pièces communiquées, fut renvoyé aux

comités réunis.

L'insubordination et la méfiance semées dans les rangs de l'armée par les sociétés populaires éclataient de toutes parts; la seule armée de la Fayette, affectionnée à son général, avait conservé sa discipline. Les mêmes agitateurs, qui di

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