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DE LA COUR

DE PARLEMENT,

Qui condamne un imprimé ayant pour titre, Émile ou de l'Éducation; par J. J. Rousseau, imprimé à la Haye..... M. DCC. LXII. à étre lacéré et brûlé par l'exécuteur de la hautejustice.

EXTRAIT DES REGISTRES DU PARLEMENT.

Du 9 juin 1762.

CE jour, les gens du roi sont entrés, et

Mr. Omer-Joly de Fleury, avocat dudit seigneur roi, portant la parole, ont dit :

Qu'ils déféraient à la cour un imprimé en quatre volumes in-octavo, intitulé : Émile; ou de l'Éducation, par J. J. Rousseau, citoyen de Genève, dit imprimé à la Haye en M. DCC. LXII.

Que cet ouvrage ne paraît composé que dans la vue de ramener tout à la religion naturelle, et que l'auteur s'occupe, dans le plan de l'éducation qu'il prétend donner à son élève, à développer ce systême criminel.

Qu'il ne prétend instruire cet élève que d'après la nature qui est son unique guide, pour former en lui l'homme moral; qu'il regarde toutes les religions comme également bonnes et comme pouvant toutes avoir leurs raisons dans le climat, dans le gouvernement, dans le génie du peuple, ou dans quelqu'autre cause locale qui rend l'une préférable à l'autre, selon les temps et les lieux.

Qu'il borne l'homme aux connaissances que l'instinct porte à chercher ; flatte les passions comme les principaux instrumens de notre conservation; avance qu'on peut être sauvé sans croire en DIEU, parce qu'il admet une ignorance invincible de la Divinité, qui peut excuser l'homme ; que selon

ses principes, la seule raison est juge dans le choix d'une religion, laissant à sa disposition la nature du culte que l'homme doit rendre à l'Être suprême, que cet auteur croit honorer, en parlant avec impiété du culte extérieur qu'il a établi dans la religion, ou que l'Eglise a prescrit sous la direction de l'Esprit Saint qui la gouverne.

Que conséquemment à ce systême, de n'admettre que la religion naturelle, quelle qu'elle soit, chez les différens peuples, il ose essayer de détruire la vérité de l'Ecriture sainte et des Prophéties, la certitude des miracles énoncés dans les Livres saints > l'infaillibilité de la révélation, l'autorité de l'Eglise ; et que ramenant tout à cette religion naturelle, dans laquelle il n'adınet qu'un culte et des lois arbitraires, il entreprend de justifier non-seulement toutes les religions, prétendant qu'on s'y sauve indistinctement, mais même l'infidélité et la résistance de tout homme à qui l'on voudrait prouver la divinité de Jésus-Christ et l'existence de la religion chrétienne, et qui seule a DIEU pour auteur, et à l'égard de laquelle il porte le blasphême jusqu'à la donner pour ridicule, pour con

tradictoire, et à inspirer une indifférence sacrilége pour ses mystères et pour ses dogmes qu'il voudrait pouvoir anéantir.

Que tels sont les principes impies et détestables que se propose d'établir dans son ouvrage cet écrivain qui soumet la religion à l'examen de la raison, qui n'établit qu'une foi purement humaine, et qui n'admet de vérités et de dogmes en matière de religion, qu'autant qu'il plaît à l'esprit livré à ses propres lumières, ou plutôt à ses égaremens, de les recevoir ou de les rejeter.

Qu'à ces impiétés il ajoute des détails inindécens, des explications qui blessent la bienséance et la pudeur, des propositions qui tendent à donner un caractère faux et odieux à l'autorité souveraine, à détruire le principe de l'obéissance qui lui est due, et affaiblir le respect et l'amour des peuples pour leurs rois.

Qu'ils croient que ces traits suffisent pour donner à la cour une idée de l'ouvrage qu'ils lui dénoncent; que les maximes qui y sont répandues forment par leur réunion un systême chimérique, aussi impraticable dans son exécution, qu'absurde et condamnable dans

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